VII
Hélène à Marie
« Ma chère Marie, depuis deux mois il s’est passé pour moi bien des choses tristes. Mon bon frère Henreich a été enlevé par la landwehr, et nous a quittés, il y a huit jours, en pleurant. De plus, mon père est au lit, malade d’une fièvre très aiguë ; le médecin a annoncé à ma mère qu’il n’espérait plus le sauver ; aussi, depuis ce temps, toutes deux nous sommes dans les larmes ; et encore nous faut-il les contenir devant lui, car il semble interroger nos visages. Il ne se croit pas aussi malade, et il n’y a rien de triste comme de lui entendre faire des projets pour l’année prochaine. Ma mère et moi nous n’osons nous regarder ; quand cela nous arrive, nous nous mettons toutes deux à pleurer.
Vois que de malheurs nous accablent à la fois, ma chère Marie. Qui l’aurait cru, il y a deux mois, quand tu passas avec nous si joyeusement la nuit de Noël ? Si mon pauvre père meurt, comme il n’est plus que trop certain, ma mère et moi nous allons nous trouver abandonnées, sans ressources ; c’est horrible à penser. Aussi je t’écris pour te dire que j’accepte la proposition que j’avais refusée de prendre, à la ville, une place qui me mette à même de gagner du pain pour ma mère et pour moi. Je me sens de la force et du courage : le malheur développe vite.
Adieu ! ma chère Marie : aime-moi, j’ai bien besoin que tu m’aimes. »