VI
… Malé consultis pretium est ; prudentia fallax.
HORACE.
Quelques jours après, Richard et Maurice reçurent les réponses de leurs pères.
« Monsieur mon fils Maurice,
Votre lettre mielleuse n’a qu’un but : c’est de me demander de l’argent, et de me choquer en me parlant de votre mère, qui, depuis votre départ, plaide avec moi, comme vous le savez, en séparation de biens. Vous n’aurez pas d’argent, et je vous enjoins de revenir tout de suite pour continuer le cours de vos études. Ma fortune ne me permet pas de vous nourrir bien longtemps à ne rien faire. »
– Je ne savais rien de cette dissention, dit Maurice. Mais il se rappela que, quinze jours auparavant, il avait reçu une lettre de son père, et que, supposant qu’elle ne contenait que des admonitions et quelques préceptes de morale, il l’avait employée, sans la lire, à bourrer son fusil.
Mon bon Richard,
Je ne sais par quel hasard tu as appris mon mariage avec madame veuve Grumb ; je craignais que cette nouvelle ne te fût désagréable ; mais le ménagement avec lequel tu m’en parles, et le titre de « bonne mère » que tu lui donnes dans ta lettre m’ôtent toute inquiétude à ce sujet. Elle me charge de te dire qu’elle méritera ce titre de « bonne mère », et qu’il est bien précieux à ses yeux. Je ne savais pas que tu la connusses, comme il paraît, par la commission que tu me donnes de te rappeler à son souvenir. Elle ne se souvient pas non plus de t’avoir vu, qu’une ou deux fois dans des maisons tierces ; mais vous aurez bien vite fait connaissance, d’après les dispositions bienveillantes que vous avez l’un pour l’autre. Ce sera un grand bonheur pour moi de voir bien unis les deux plus chers objets de mes affections. Reviens tout de suite auprès de nous.
Ton bon père.
Les deux amis se regardèrent stupéfaits, puis se prirent à rire.
– Allons, Richard, c’est comme au collège : tu emportes encore le prix sur moi.
Ils firent leurs valises et se remirent en route le lendemain.
Maurice fut assez heureux pour trouver son père et sa mère réconciliés.
Richard, grâce à sa bévue, fut parfaitement reçu par sa belle-mère, qu’il n’avait jamais vue auparavant, et dont il ne soupçonnait pas l’existence.
Et une partie de l’hiver s’écoula paisiblement.