VICe jour-là, Lucile devait partir vers midi, pour l’atelier de mademoiselle R.B., qu’elle fréquentait depuis quelque temps : elle avait déjeuné seule avec Ernestine. Pour quiconque eût été au courant de leurs secrètes pensées, il y avait quelque chose d’émouvant dans ce tête-à-tête, où les voix tremblaient en essayant de parler de sujets indifférents, où les larmes mal contenues brillaient au bord des paupières, où chacune des deux amies eût voulu à la fois deviner ce qui s’agitait dans le cœur de l’autre et lui cacher ses propres angoisses. « Ernestine, es-tu souffrante ? dit Lucile avec une expression d’inquiète tendresse. – Non… pourquoi souffrirais-je ? balbutia Ernestine en tressaillant. – Parce que tu ne manges pas. – Mais toi aussi, à ce compte, tu serais malade ! répliqua mada