Caroline
J’avais passé une belle soirée avec Tiziana. Elle me semblait assez sympathique. Je devais admettre que sa réaction quand son téléphone avait sonné m’avait laissée un peu perplexe. J’avais eu l’impression qu’elle était au bord de la panique et elle était ensuite sortie précipitamment de mon appartement.
Nous nous étions croisées par la suite et elle m’avait saluée un peu froidement, mais je lui avais répondu chaleureusement. Notre immeuble contenait six appartements, certains de ses occupants m’ignoraient carrément, d’autres me saluaient poliment, mais Tiziana avait été la seule à se comporter de manière chaleureuse vis-à-vis de moi. Déjà dès le premier jour, elle m’avait proposé de l’aide pour monter mes cartons, elle avait ensuite été la seule à me souhaiter la bienvenue et de surcroît avec un gâteau !
Nous étions samedi après-midi, je l’avais vue rentrer dans son appartement il y’a près de deux heures. Je devais commencer mon service au fast-food dans trois heures, du coup, j'avais un peu de temps devant moi. Je décidai donc de passer chez elle pour un coucou.
J’étais sur le point de sortir de mon appartement quand mon téléphone se mit à sonner.
- Hello grand-frère, comment vas-tu ?
C'était Liam, mon grand-frère qui m'appelait depuis le Cameroun.
- Je vais bien et toi ? As-tu pu trouver un billet ? me demanda-t-il d'un ton impatient.
- Toujours rien, lui répondis-je d'une voix désabusée. Les prix me donnent le mal de tête.
- Haha, je t'ai déjà dit que je pourrais te donner un coup de main et je ne comprends pas pourquoi tu t'obstines autant.
- C'est non Liam. C'est non ! Je vais me débrouiller toute seule, tu es as déjà fait assez.
- C'est bon madame l'indépendante, je te laisse te démerder alors, s'exclama Liam d'une voix rieuse, mais je pus percevoir de la fierté dans sa voix.
- Haha, madame l'indépendante carrément, haha, m'esclaffai-je.
On resta encore à papoter quelques minutes avant de raccrocher.
Je repensai une fois de plus à la proposition de Liam. Il voulait m'aider financièrement, mais j'espérais y arriver par moi-même. Il avait tellement fait pour moi Liam ! Il avait pris la relève de maman dès qu'il avait commencé à travailler. Mon voyage en Italie avait été financé majoritairement par lui. Je pensais qu'il était temps qu'il pense un peu à lui, qu'il mette de l'argent de côté pour construire sa propre vie.
Je regardai ma montre et m'aperçus que j'avais encore un peu de temps pour faire un saut rapide chez Tiziana. Je pris une boite d'arachides grillées qui m'avait été ramenée du Cameroun par mon ex-colocataire.
Je cognai à la porte et attendis patiemment.
- Coucou Tiziana, j’espère ne pas te déranger ? demandai-je en souriant sourire quand elle m’ouvrit la porte après quelques minutes d'attente.
- Bonjour Carole, répondit Tiziana avec un sourire hésitant aux lèvres.
On resta un bref moment à se regarder, c'était un peu embarrassant. On dirait qu'elle était indécise si me laisser entrer ou pas.
- Je peux revenir un autre moment, dis-je en faisant un pas en arrière.
- Mais non, pas du tout, répondit Tiziana en souriant faiblement.
Je devais admettre que j'avais l'impression que son sourire ne lui arrivait pas aux yeux. Je n'y comprenais rien. Elle avait été la première à faire le pas vers moi et m'avait même apporté un gâteau comme signe de bienvenue, mais là, j'avais vraiment l'impression d'être de trop.
Elle s'effaça enfin, me permettant ainsi d’accéder au salon. J'entrai en jetant un bref regard circulaire autour de moi. L'appartement était un peu plus grand que le mien et me semblait bien accueillant.
- C'est joli chez toi, la complimentai-je avec un sourire.
- Merci bien, répondit Tiziana avec un sourire qui me sembla crispé.
- Tiens, c'est pour toi, dis-je en lui présentant la petite bouteille contenant les arachides grillées.
- Merci ma belle, dit Tiziana en me prenant la bouteille des mains. Installe-toi. Puis-je t'apporter quelque chose à boire ? demanda-t-elle par la suite.
- Juste de l'eau, merci. Je devrais commencer à bosser d'ici peu. C'était juste pour un coucou.
- C'est vraiment gentil de ta part, rétorqua Tiziana en s'éloignant vers la cuisine.
Elle en sortit quelques minutes plus tard avec une bouteille d'eau et des amuse-gueules.
- Je vois que tu as une vie assez frénétique, dit Tiziana cette fois d'une voix un peu plus chaleureuse. T'es toujours au pas de course.
- Haha, je peux dire exactement la même chose de toi. Tu as toujours l'air très pressée. Que fais-tu dans la vie ?
- Je suis sage-femme, je travaille à la clinique XX, répondit Tiziana. Et toi ?
- En fait, je suis étudiante en médecine et caissière au fast-food XX à mes heures perdues, répondis-je.
- Wow wow wow, tu es bien courageuse là... rétorqua Tiziana d'un air admiratif.
- Haha, disons que je n'ai pas vraiment le ...
Je dus interrompre ma phrase quand le téléphone de Tiziana se mit à sonner. Cette dernière bondit quasiment de sa chaise et s'empara de son téléphone les mains tremblantes. J'eus l'impression d'y voir un éclair de panique traverser son regard pendant qu'elle manipulait son téléphone.
J'avais l'impression de revivre la même scène de la dernière fois dans mon appartement quand son téléphone s'était mis à sonner.
Elle le reposa sur la table et leva le regard vers moi. Elle essaya de maintenir une expression neutre, mais je m’aperçus tout de même que sa lèvre inférieure tremblait légèrement.
- Ça va Tiziana ? demandai-je d'une voix préoccupée.
- Euh oui, bien sûr, répondit-elle d'une voix tremblante. Tu disais ? reprit Tiziana avec un sourire forcé aux lèvres.
- Je disais donc que je n'avais pas vrai...
Je dus m'interrompre une fois de plus, car je vis l'écran de son téléphone s'illuminer à plusieurs reprises. Tiziana surprit mon regard sur son téléphone et eut un air embarrassé.
- Euh, tu peux répondre tu sais, ça ne me dérange pas, dis-je avec un sourire empoté.
- D'accord, répondit Tiziana en se levant précipitamment de sa chaise et se rendit dans une pièce que je supposais être sa chambre. Je commençais à me demander si c'était vraiment une bonne idée d'essayer de me lier d'amitié avec elle. Elle me semblait de plus en plus étrange cette fille.
Elle ressortit de la chambre après près de dix minutes. Elle s'assit en face de moi et se serra fortement les mains.
- Euh, euh, j'étais sur le point de sortir quand tu es arrivée, dit-elle d'une voix tremblante.
- Je comprends, lui répondis-je avec un faible sourire. Je devais m'en aller de toute façon, je dois commencer le boulot d'ici peu, continuai-je en me frottant les mains d'embarras contre mon jean.
- D'accord, répondit Tiziana. Merci encore pour les arachides, nous n'avons pas eu l'occasion de les manger ensemble, ce sera certainement pour la prochaine fois.
- Bien sûr, répliquai-je avec un faux sourire aux lèvres.
Je ne pensais vraiment pas qu'il y aurait de prochaine fois. Cette fille était trop bizarre. Je me levai et me dirigeai vers la porte quand la sonnette de la porte d'entrée de l'immeuble retentit. Tiziana leva un regard au bord de la panique vers moi.
- Aurevoir Caroline, dit Tiziana en m'accompagnant prècipitament vers la porte.
Je sortis enfin de son appartement et me rendis dans le mien. La curiosité eut raison de moi et je ne pus m'empêcher de jeter un œil par le judas de la porte. Je vis un homme brun, grand de taille sonner à la porte de l'appartement de Tiziana. Cette dernière l'ouvrit, mais je n'eus pas la possibilité de voir l'expression de son visage, car la carrure imposante de l'homme m'empêchait de lire ses traits.
Je m'éloignai du judas de la porte et mon regard tomba sur mon horloge murale. J'avais exactement 45 minutes pour être au boulot. Je me précipitai aux toilettes, me débarbouillai rapidement et sortis de mon appartement au pas de course pour mon boulot.