CHAPITRE III - La maison Giraud-2

2770 Words
Je m’amuse à considérer nos mélomanes lorsque tout à coup la lumière baisse ; Montausol se penche sur la musique, et dans ses moments de tacet crie avec impatience : – Mouchez donc ! mouchez donc ! nous n’y voyons plus. Mais l’obscurité ne vient pas des chandelles. C’est le quinquet rarrangé par Giraud qui vient de perdre toute sa clarté. Madame Giraud se hâte d’appeler son mari, qui est encore occupé à l’autre quinquet. Giraud arrive avec de grands ciseaux à la main en s’écriant : – Je n’y conçois rien… ça ne peut pas être l’huile… elle est nouvelle. – Papa, dit la petite fille, j’ai vu mon frère Alexandre fourrer hier de petits bonshommes de plomb dans le quinquet. – Ah ! parbleu… si ce petit drôle a joué avec les quinquets, je ne m’étonne plus qu’ils n’aillent pas. Ma femme le laisse toucher à tout !… Quelque jour il bouleversera mon bureau. – Il m’est impossible de gronder mes enfants, dit madame Giraud aux personnes qui l’entourent. Dès qu’ils ont l’air d’avoir du chagrin, je suis prête à me trouver mal… Et puis ce petit Alexandre est si gentil !… si aimable !… La maman est interrompue par un grand bruit qui part de l’antichambre ; le chien aboie, et la petite fille se présente à la porte du salon en criant : – C’est mon petit frère qui vient de renverser le plateau avec les verres qui étaient dessus. Cet accident met toute la maison en l’air : la maman court à ses verres cassés ; le papa quille ses quinquets pour tâcher d’attraper son fils ; et le petit Alexandre court dans les jambes de chacun, et se fourre enfin sous un sofa en tirant la langue à son père. Le duo a fini au milieu de ce brouhaha, et l’on avait même cessé de s’occuper des chanteurs que ceux-ci chantaient encore. Aussi les Montausol quittent-ils le piano d’un air de mauvaise humeur ; ils viennent s’asseoir derrière moi en disant : – Ils ne m’y reprendront pas à chanter chez eux !… – Je l’espère bien… Ces gens-là ne comprennent pas la bonne musique… – Non… Il leur faudrait des Pont-Neuf !… Nous nous en irons après le punch. – Oui, si on en donne. J’ai quitté le salon. J’entre dans la chambre à coucher. J’aperçois Montdidier causer avec quelques personnes. Je ne vois rien d’extraordinaire dans sa physionomie ; cependant il parle avec feu. Je m’approche d’un air d’indifférence. D’ailleurs je puis bien écouter comme les autres ; il n’y met pas de mystère. – Oui, messieurs, dit Montdidier, je suis arrivé là au moment où la voiture versait… Ma femme revenait de chez sa tante et se faisait conduire ici… Mais celui qui a eu le plus peur, c’est ce pauvre Bélan… Il passait, à ce qu’il paraît, tout contre le fiacre, lorsque la roue de derrière s’est détachée… En voyant la voiture passer de son côté, il s’est cru mort, pulvérisé ; et, comme la glace de la portière était ouverte, il a sauté par là dans l’intérieur du fiacre pour ne pas être écrasé. Vous savez qu’il est fort petit… Ma femme m’a dit qu’il était entré là-dedans avec l’agilité d’un singe. Ensuite, voyant que la voiture ne bougeait plus, il a ouvert la portière et s’est sauvé. Ma femme est même persuadée que, dans son trouble, il ne l’a pas reconnue ; et c’est probable, sans quoi il lui aurait au moins donné la main pour descendre du fiacre… Ah ! ah ! ah !… ce pauvre Bélan, je rirai bien quand je le verrai ! Et M. Montdidier se met à rire de nouveau, ses auditeurs en font autant ; je les imite de bon cœur : dans le fait, c’était moi qui devais rire le plus. Aussi Montdidier, qui s’aperçoit que je m’en donne largement, vient-il me frapper sur l’épaule en me disant : – Vous avez entendu l’aventure de ma femme ? – Oui. – Et sa rencontre avec Bélan… n’est-ce pas que c’est fort drôle ? – C’est extrêmement drôle !… – Je donnerais un napoléon pour que Bélan vînt ici ce soir, afin de m’amuser un peu à ses dépens. Je ne réponds rien, mais je m’éclipse dans la foule afin de procurer à ce pauvre mari le plaisir qu’il souhaite. Il semble qu’il est bien juste qu’il en ait aussi un peu. Je suis sorti sans être remarqué. Je cours au café où m’attend l’amant inquiet ; je le trouve devant son troisième verre d’eau sucrée, la figure pâle, défaite, n’augurant rien de bon de ma longue absence. Je me hâte de le rassurer et lui conte en riant ce que je viens d’apprendre. Pendant que je parle, les traits de Bélan reprennent toute leur sérénité. Je n’ai pas fini qu’il se penche sur la table et se tient le ventre en riant aux éclats. – C’est charmant !… c’est délicieux !… Assez, Blémont, assez !… Vous me faites mourir de rire… J’ai sauté par la portière… Oh ! les femmes ! ont-elles des idées… des inventions pour tous les évènements !… J’étais un fou de m’inquiéter ! – C’est ce que je vous disais il y a une heure, mais alors vous n’étiez pas en état de m’entendre. – Oui, j’en conviens, j’étais tourmenté… pas pour moi, mais pour elle… C’est arrangé ; n’y pensons plus que pour en rire… Garçon, prenez trois verres d’eau. Il me tarde d’être chez Giraud… Est-ce brillant ? y a-t-il beaucoup de monde ? – Ce n’est pas absolument brillant, mais il y a beaucoup de monde, et j’ai remarqué de fort jolies femmes… – De jolies femmes !… Voyons que je rarrange ma cravate… – Mais vous savez, Bélan, que cette aventure doit vous corriger ; que vous avez juré de n’en plus conter aux dames. – Je n’ai pas dit à toutes… Celles qui sont libres n’étaient pas comprises dans mon serment… Et puis… ma foi !… on dit cela dans le premier moment… Allons chez Giraud… je chanterai… Je sais une romance nouvelle… Vous les engagerez à me prier de chanter, n’est-ce pas ? – Il paraît que décidément vous voulez que je sois votre compère. Bélan ne me répond qu’en faisant une pirouette ; et il est d’une gaieté folle. Nous nous acheminons chez Giraud ; je l’engage à n’entrer que quelques minutes après moi, je ne veux pas avoir l’air d’être allé le chercher, et je tâcherai de rentrer incognito comme je suis sorti. Je trouve dans l’antichambre Giraud qui regarde d’un air consterné ses deux quinquets qui sont sur le point de s’éteindre. Il ne voit pas que je viens du dehors, il est tout entier à ses mèches, et il me dit en m’en présentant une : – C’est incompréhensible… Vous êtes témoin que je vais mettre les mèches neuves… nous verrons si elles charbonnent encore. – Oui, je vois que vous vous donnez beaucoup de mal pour nous amuser. – Oh ! quand une fois ils iront bien !… Théodore… monsieur Théodore, voulez-vous bien ne pas toucher aux gâteaux ?… Un grand garçon de votre âge… il est plus gourmand que son petit frère… – Papa, laisse-moi en prendre un ; c’est pour faire la dînette. – Faire la dînette à onze ans !… et tu n’es pas honteux !… ne touche pas à la brioche au moins… Mais ça ne va pas là-dedans !… Ma femme ne sait pas animer sa réunion ! Nos chanteurs ont des rhumes !… il faudrait faire danser… monsieur Blémont, vous seriez bien aimable d’aller mettre cela en train. – Vous savez bien que je ne touche pas du piano, moi. – Non, mais vous direz à ma femme qu’elle prie quelqu’un de jouer une contredanse… Nous ne manquons pas de musiciens… – Avant de faire votre commission, dites-moi donc quelle est cette jolie personne en rose qui était assise contre le piano ? – En rose… devant le piano… avec des épis d’or dans les cheveux ! – Non, elle n’a pas d’or dans ses cheveux… une blonde, un peu pâle… fort jolie… – Blonde… jolie… C’est que nous en avons plusieurs en rose… écoutez : quand j’aurai fini mes quinquets, vous me la montrerez. Je vois qu’il n’y a rien à tirer de M. Giraud en ce moment ; je rentre au salon. Un monsieur s’est placé au piano, mais ce n’est pas pour faire danser ; c’est pour chanter, pour préluder, pour jouer des passages, des morceaux qu’il se rappelle. Il a à côté de lui un ami qui, lorsqu’il a fini un fragment d’air ou de morceau, lui en demande sur-le-champ un autre, en lui disant : – Et cet air de Tancrède ?… Et la romance d’Othello ?… Et ce joli endroit de l’ouverture de la Semiramide ?… – Ah ! oui… – Tâche donc de te rappeler un peu cela. Et le monsieur joue, commence, s’arrête, reprend autre chose ; il fait enfin comme s’il était chez lui : on comprend comme c’est amusant pour la société. Il y a longtemps que cela dure, et ce monsieur n’a pas l’air de vouloir en finir : il semble que le piano ait été mis là pour lui, et que nous sommes trop heureux d’entendre les petits préludes, les traits, les roulades et tout ce que ses souvenirs lui rappellent. J’ai rencontré dans le monde beaucoup d’originaux comme ce monsieur-là. Bélan est depuis longtemps dans le salon ; il y était entré avant moi. Je le vois causer et rire avec Montdidier : je devine le sujet de leur conversation. Madame Montdidier regarde Bélan avec inquiétude, elle ne sait pas qu’il est prévenu de ce qu’il doit dire : mais elle se rassure en voyant que ces messieurs paraissent fort bien d’accord. Dans tout cela, ce pauvre Montdidier ne me fait pas l’effet d’être aussi méchant, aussi jaloux que sa femme le prétend. Ces dames aiment à dire que l’on est très jaloux d’elles, cela flatte leur amour-propre ; et puis il y aurait plus de malice à tromperies gens auxquels cela serait égal. Madame Giraud se donne en vain du mouvement pour trouver un chanteur ou une chanteuse, chaque virtuose a quelque motif pour refuser : cela contrarie la maîtresse de la maison, qui tenait à pouvoir dire qu’elle avait eu concert avant le bal, et qui s’aperçoit que chacun fait son possible pour ne pas entendre les essais du monsieur qui est au piano ; elle se décide pourtant à dire à celui-ci que l’on désire une contredanse, et le monsieur quitte nonchalamment le piano, en passant ses mains dans ses cheveux et en fredonnant encore un fragment de Rossini. Je vais inviter cette demoiselle que je trouve si bien : non que j’aie intention de lui faire une déclaration pendant la contredanse : ces choses-là ne se font que dans un bal public, ou tout au plus à une noce chez un traiteur ; mais je tâcherai de causer un peu, si toutefois elle se montre d’une humeur causeuse. Il y a beaucoup de demoiselles avec lesquelles il est impossible d’obtenir plus de trois mots de suite quand elles dansent. Je suis arrivé presque à temps, on m’a accepté : nous dansons. J’essaie de dire autre chose que : Il fait bien chaud, ou cette contredanse est très jolie. C’est vraiment difficile de trouver tout de suite quelque chose à dire à quelqu’un qu’on ne connaît pas, surtout quand on voudrait sortir des lieux communs. Mais Giraud revient avec ses deux quinquets qui sont resplendissants de lumière. Voilà un sujet de conversation. – Nous avions besoin de cela… il n’y a rien de triste comme un bal mal éclairé ; n’est-ce pas, mademoiselle ? – C’est vrai, monsieur. – Il y a cependant ici quelques dames qui pouvaient préférer le demi-jour. (Elle se contente de sourire.) – Vous n’avez pas chanté, mademoiselle ? – Pardonnez-moi, monsieur, j’ai chanté une romance. – C’est donc avant que je sois venu… Cela me fait bien regretter d’être arrivé tard. – Vous n’avez pas perdu beaucoup, monsieur. – Ce n’est pas vous que je puis croire pour cela ; mais si… Ah ! c’est à vous. La poule interrompt notre conversation : c’est contrariant, cela allait peut-être s’engager. Après la figure, j’essaie de renouer l’entretien. – Est-ce que vous ne chanterez plus, mademoiselle ? – J’espère bien que non : j’ai payé ma dette, cela suffit. – Vous n’aimez pas à faire de la musique ? – Si, je l’aime, mais avec des personnes de connaissance. Je ne vois aucune nécessité d’amuser des gens que l’on n’a jamais vus, et qui souvent ne vous écoutent que par complaisance. – Vous jugez déjà le monde avec… Allons ! il faut faire la trénis maintenant. Puis la dernière figure arrive, et la contredanse est finie. N’importe, j’ai pu juger que cette jeune personne n’est pas sotte. Elle n’en dira peut-être pas autant de moi. Bélan se relève en se tenant le côté. Je saisis Giraud au moment où il va donner un coup de pouce à ses quinquets, qui baissent déjà. – Vous m’avez vu danser avec cette demoiselle qui est en face de nous ? – Oui. – Eh bien ! c’est sur ma danseuse que je vous questionnais tout à l’heure. – Ah ! c’est mademoiselle Eugénie Dumeillan. – Qu’est-ce que c’est que mademoiselle Dumeillan ? – C’est la fille de madame Dumeillan, qui est assise contre elle. – Mon cher monsieur Giraud, je pense bien que cette demoiselle est la fille de sa mère et de son père ; mais en vous demandant qui c’est, cela veut dire : quels sont ces gens-là ?… que font-ils ?… enfin c’est pour avoir d’autres informations. Comment ! vous, qui êtes l’homme aux renseignements, vous ne sentez pas cela ? – Si fait, si fait… Mais c’est que celle-ci n’est pas sur ma liste pour se marier… Cependant elle est à marier aussi ; mais on n’y pense pas encore : tandis que cette grande brune là-bas… en turban… mon cher, on a cent mille francs comptants… Hein ! c’est gentil, ça ?… Ah ! si je n’étais pas marié, moi !… Ma femme, fais attention à ton fils Alexandre : il va renverser le cabaret, et toutes les lasses y passeront comme les verres à patte ! – Mon cher monsieur Giraud, je m’inquiète fort peu du montant de la dot de cette grande brune. Vous ne pouvez donc pas m’en dire plus sur ces dames en face ? – Pardonnez-moi. La mère est veuve ; M. Dumeillan était sous-chef… je ne sais plus à quel ministère ; mais enfin il était sous-chef ; il a laissé, je crois, quatre ou cinq mille francs de rente à sa veuve… Mademoiselle Eugénie a reçu une très bonne éducation ; elle est excellente musicienne ; elle aura aussi quelque chose que lui a laissé une tante… je ne sais pas au juste… mais je pourrai m’informer… Ce ne sera pas un mauvais parti : elle est fille unique… Voulez-vous que je parle en votre nom ? – N’allez pas me jouer ce tour-là !… Qui diable vous dit que je veux me marier ?… est-ce qu’on ne peut pas causer d’une demoiselle sans songer à l’épouser ? – Je ne dis pas… mais comme il faut toujours en venir là… – Papa, voilà mon frère Théodore qui fourre des quartiers d’orange sucrés dans sa poche. C’est mademoiselle Giraud qui est venue faire cette annonce : Giraud me quitte pour aller souffleter son fils aîné. Bélan s’approche alors de moi. – Vous n’avez donc pas dit à Giraud de me prier de chanter, puisqu’il ne m’en parle pas ? – Eh ! mon Dieu ! Bélan, laissez-nous donc tranquilles avec votre chant ! on en a bien assez ! on aime mieux danser. – C’est qu’on ne m’a pas entendu… je sais bien que j’aurais fait plaisir… j’avais appris un air exprès… Ah ! vous ne savez pas… Hélène qui me bat froid… mais très froid !… elle trouve mauvais que je me sois sauvé si brusquement en voyant son mari. A-t-on idée de ça ?… Est-ce que je pouvais deviner qu’elle trouverait tout de suite une histoire ?… Au reste, qu’elle soit fâchée si elle veut… ça m’est bien égal… je ne m’en soucie plus du tout… je la vois toujours me mettant son poing dans l’œil quand nous avons versé… Elle n’était pas jolie alors. J’ai des vues sur cette petite femme en noir… là-bas… voyez-vous ?… bonne grosse mère !… un regard brûlant… ça promet… – Mais elle est mariée… son mari est à l’écarte… il est receveur de l’enregistrement. – Eh bien ! tant mieux !… nous lui en ferons voir de toutes les couleurs, au receveur. On danse de nouveau : cette fois c’est mademoiselle Eugénie qui tient le piano. Elle joue avec beaucoup d’aplomb et de goût. J’éprouve des regrets en songeant que je ne suis pas musicien ; j’ai préféré la peinture… C’est un art charmant que la peinture, mais il ne procure pas les mêmes avantages dans le monde que la musique. Dans un salon on négligera le peintre pour fêter, pour choyer le musicien : à la vérité, on ne songe pas toujours à danser et à chanter. Le quadrille n’est qu’à moitié lorsque les deux quinquets s’éteignent de nouveau. On fait les dernières figures dans un demi-jour ou plutôt dans une demi-nuit. Tout le monde rit, tandis que madame Giraud gronde son mari, et que celui-ci s’écrie : – Ma foi !… j’y renonce !… j’y perds mon latin. Théodore, dites à la bonne d’apporter des flambeaux en plus grande quantité. Théodore sort du salon, mais c’est pour aller visiter le buffet de la salle à manger. Une troisième contredanse s’organise sans qu’on voie plus clair ; clic commence accompagnée par les cris de madame Giraud, qui demande toujours un supplément de lumière ; les plaintes de Giraud, qui fait inutilement monter et descendre les mèches de ses quinquets ; les piaillements des trois enfants qui se disputent les gâteaux, et les aboiements du chien, qui reconduit en jappant toutes les personnes qui s’en vont. Bélan, qui danse en face de la bonne grosse mère, s’inquiète peu du bruit et ne songe qu’à perler sa danse : mais le clair-obscur qui règne dans le salon ne lui permet pas de voir un quartier d’orange que M. Théodore a laissé tomber de sa poche ; en voulant faire des pas glissés, Bélan glisse réellement et tombe dans les jambes de son vis-à-vis. Les dames poussent des cris d’effroi. Bélan se relève en se tenant le côté et en jurant qu’il ne serait point tombé s’il n’avait pas marché sur quelque chose. La petite Giraud ramasse le quartier d’orange écrasé en s’écriant : – C’est mon frère qui a jeté ça par terre. Et le papa sort du salon en jurant à Bélan que son fils sera châtié quand tout le monde sera parti. Cette contredanse est la dernière : les chandelles menacent d’en faire autant que les quinquets, et les danseurs craignent de rencontrer des quartiers d’orange en balançant avec leurs dames. On s’en va. Mademoiselle Dumeillan part avec sa mère, je descends en même temps que ces dames. J’offre ma main à la maman, tout en ne regardant que la fille ; j’aide ces dames à monter dans un fiacre, et je les salue… Cela ne pouvait pas aller plus loin… pour une première rencontre. J’entends rire et fredonner derrière moi. C’est Bélan qui suit la dame en noir et son mari, et me dit à l’oreille en passant : – Je la suis… Ça va bien… ça prend… Quant à la Montdidier, c’est fini, c’est rompu… nous sommes ennemis jurés. Adieu… je poursuis ma conquête. L’instant d’après, je vois Montdidier et sa femme qui passent, accompagnés par un grand blondin qui, toute la soirée, est resté derrière la chaise de madame. Je souris en pensant aux projets de sagesse de Bélan ! et je ne puis m’empêcher de m’écrier : – Oh ! les hommes ! oh ! les femmes !
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