Marcus est venu nous sortir des bras de Morphée vers 10 h. C'était bien trop tôt pour dire l'heure à laquelle nous nous étions endormies. Nous grognons toutes les deux, absolument pas en état de se mettre au démontage des tentes.
- Aller, les filles, le café est servi au food truck et les petits pains sortent tout juste du four !
- Ça va, je te pardonne, lui dis-je en me levant.
- Tant mieux, parce que j'ai une livraison spéciale pour toi qui vient d'arriver.
Il m'aide à sortir de la tente, tandis qu'Andréa a encore du mal à sortir des limbes du sommeil. Il m'accompagne jusqu'au petit camion et me tend un petit sac en papier. Intriguée, je prends le sac en lui lançant un regard interrogateur. Il hausse juste les épaules, me faisant comprendre qu'il n'en sait pas plus. J'ouvre alors le sac dans lequel je trouve une gourde isotherme et une petite enveloppe.
Boisson spéciale gueule de bois, préparée par mes soins, avec tout mon amour,
Archy.
Je ne peux m'empêcher de sourire et me mords la lèvre inférieure, parce que je suis envahie par l'envie irrépressible de l'embrasser. Est-ce vraiment réel ? Je saisis mon téléphone et lui envoie un message pour le remercier.
Moi : Tu es parfait. Merci
Archy : Je prendrai toujours soin de toi, d'une manière ou d'une autre.
Il m'a préparé un jus ultra vitaminé qui rebooste et me donne une pêche d'enfer. Je décide de partager avec ma meilleure amie qui se fait violence pour traverser le champ et nous rejoindre. Je lui tends un verre avant même qu'elle ait le temps de dire quoi que ce soit.
- Bois, lui ordonné-je.
Elle ne se fait pas prier et l'avale cul-sec.
- Mama Mia ! Hurle-t-elle. Qu'est-ce que c'est ? C'est trop bon !
- Jus spécial gueule de bois préparé par Archy, répondis-je en sentant mes joues se réchauffer.
- Je crois que je l'aime bien, me dit-elle en souriant.
On décide de faire une photo que je lui envoie.
Moi : Andréa te remercie aussi
Archy : Tu es magnifique
Après un copieux petit-déjeuner, tout le monde se met à ranger. Et le champ est vidé peu avant 13 h. Seuls restes de notre soirée, les foyers noircis de nos feux de camp.
Madame Giovanni nous attend avec une bonne soupe chaude, du pain et un plateau de fromages. Engoncés dans nos pyjamas après une bonne douche, c'est le meilleur repas qui puisse être. Nous passons ensuite le reste de l'après-midi à parler de la soirée d'hier et j'apprends qu'Andréa a rencontré quelqu'un, mais elle ne veut pas me dire qui. Je ne comprends pas pourquoi elle est si mystérieuse. D'habitude, il lui est complètement impossible de tenir sa langue plus de deux minutes. Mais rien y fait, aucune de mes ruses habituelles ne fonctionne. Marcus aussi est étrangement discret.
En fin de journée, je reçois un nouveau message d'Archy :
Archy : Hâte d'être à demain...
Moi : Moi aussi
***
En sortant de la voiture de Marcus, je suis immédiatement interpellée par l'attroupement qui s'est formé devant le lycée. On se rapproche pour voir ce qui se passe et je sens la main d'Andréa se glisser dans la mienne, tandis que je découvre qui fait l'objet de l'attraction : Archy et ses quatre compères. Ils parlent entre eux, ne faisant pas attention au groupe de filles qui les entoure et tente d'attirer leurs regards, mais un sentiment de jalousie me submerge. La main d'Andréa se ressert sur la mienne et un regard me suffit pour comprendre qu'elle ressent la même chose. Tournant à nouveau mon regard vers Archy, je constate qu'il m'a vu et traverse la foule qui le suit du regard. Andréa me lâche et je m'avance timidement, restant perturbée par mes émotions. Archy m'enlace et m'embrasse me soulevant du sol pour me coller contre son torse, son contact provoque les mêmes étincelles en moi qu'hier et je me détends.
- Ma Liv chérie est jalouse, rit-il en enfonçant son visage dans mon cou.
- Je suis désolée, dis-je encore confuse qu'il ressente toutes mes émotions. Je ne peux pas m'en empêcher.
- J'aime ça, ne t'en fais pas, me rassure-t-il en caressant mes lèvres des siennes.
- Comment se fait-il que tu saches exactement ce que je ressens ?
Je n'arrive pas à m'empêcher de poser la question qui me démange depuis hier. Il y a trop de points d'interrogation et je veux au moins savoir ça.
- Grâce à notre lien, me répond-il en caressant mon visage.
- Quel lien ? Insisté-je.
- Le lien de compagnons...
La sonnerie retentit, indiquant la première heure de cours, je n'ai donc pas le temps d'en savoir plus. Archy entrelace nos doigts et me sourit. Je lui souris en retour et nous nous dirigeons ensemble vers les portes du lycée. C'est à ce moment-là, que je vois ma meilleure amie dans les bras d'un des amis d'Archy. Elle est éblouissante, elle est amoureuse et je me demande si c'est comme ça qu'elle me voit en retour. Les autres filles que nous croisons dans les couloirs sont vertes de jalousie ou déçues pour la plupart. Et je sens une petite fierté s'installer en moi, en sachant qu'Archy ne voit que moi. Je lève les yeux un instant vers lui et m'aperçois qu'il me regarde avec malice, les yeux qui pétillent. Il sait. Me vient alors une autre question : s'il peut ressentir mes émotions, pourquoi ne puis-je pas ressentir les siennes ?
La frustration me dévore et tandis que nous approchons de ma salle de cours, je soupire, déçue de devoir déjà me séparer d'Archy qui ne partage pas les mêmes cours que moi. À dire vrai, je ne sais même pas quel cours il a, il n'a même pas de sac...
- Je te retrouve cet après-midi après tes cours, me souffle-t-il en me serrant contre lui.
- Pourquoi si tard ? Lui demandé-je en faisant une moue de déception.
- J'ai beaucoup de travail mon ange, et jusqu'à la fin de l'année scolaire, je suis seul pour le gérer, alors je ne peux pas me permettre plus de temps en journée. Je suis désolé.
Il a tout sorti d'une traite et j'assimile doucement l'information.
- Tu veux dire... Que... Tu n'es là que pour moi ? Tu ne vas pas en cours ?
Il hoche simplement la tête en guise de réponse. Mes sourcils s'élèvent marquant mon étonnement et il rit.
- Je suis déjà diplômé, mon ange, me souffle-t-il.
- Mais quel âge as-tu ? Continué-je de plus en plus surprise alors que la sonnerie retentit pour la seconde fois.
Je me retourne tout à coup, stressée à l'idée d'être en retard, mais je m'aperçois vite que le prof n'est pas encore arrivé. Alors je relâche la pression et reporte à nouveau mon attention vers Archy.
- 21. 22 dans quelques mois.
Un sourire en coin se dessine sur son visage et me fait fondre. Je m'accroche à sa chemise et l'attire à moi pour un dernier b****r passionné avant que je me sépare de lui pour les prochaines heures.
Je m'installe à côté d'Andréa qui rougit. Je sais que ça présage un cours très intéressant, même si je ne vais pas être très attentive aux mathématiques.
Le prof entre derrière moi et fait l'appel. Dès qu'Andréa et moi avons été appelées, je me tourne vers elle tout en manipulant mon cahier.
- Raconte ! Lui dis-je sévèrement.
- Je suis désolée mon scarabée, je ne pouvais rien te dire et je ne vais pas pouvoir trop développer, souffle-t-elle l'air contrit.
- Pourquoi ?
- Archy doit d'abord te parler.
- Archy n'a rien à voir avec ta relation amoureuse, alors parle.
Je commence à m'impatienter et je ne vois pas ce qu'Archy vient faire là-dedans. Pourquoi aurait-elle besoin de son approbation pour me parler ? Et depuis quand me cache-t-elle des choses aussi importantes ?
Elle doit le voir sur mon visage, que tout ceci ne me plaît pas, parce qu'elle se lance enfin.
- Ok. J'ai rencontré Dany à la soirée. Après que tu te sois éclipsée avec Archy. Il travaille pour lui et s'est aussi son ami. Son meilleur ami en fait. Je pense que tu as ressenti quelque chose de particulier quand tu as rencontré Archy, non ?
Je lui fais un signe en réponse, c'est quelque chose que je n'avais pas décrit parce que je croyais que c'étaient les effets de l'alcool, alors comment peut-elle le savoir ?
- Et bien, il s'est passé la même chose pour moi avec Dany...
- Comment sais-tu...
- Bientôt, me coupe-t-elle.
Je soupire de frustration, encore une fois, et je me mets à copier machinalement ce qu'il y a au tableau jusqu'à ce que la sonnerie retentisse. Andréa tente de communiquer avec moi à plusieurs reprises, mais je suis trop perdue dans mes pensées pour développer mes réponses. J'essaie de comprendre le tas d'énigmes qui s'est accumulé autour de moi en quelques jours à peine, sans y trouver de sens et je commence à avoir peur.
À midi, l'angoisse monte d'un cran tandis que je m'impatiente et que je joue avec ma nourriture. Mon téléphone vibre dans ma poche :
Archy : Calme-toi, tout va bien se passer, fais-moi confiance. Et mange.
Je remets mon téléphone dans ma poche, sans répondre. Cette fois, je bouillonne de rage, ça ne fait que mettre de l'huile sur le feu !
Je mange rapidement, avec colère, mais je sais que si je ne mange pas par pur esprit de contradiction, je risque de mal finir cette journée.
Je décide de faire mes devoirs durant l'étude et de me concentrer au maximum sur les derniers cours de l'après-midi. Lorsque la dernière sonnerie retentit, je suis déjà sur mes pieds, et pour la première fois depuis de nombreuses années, je n'attends pas Andréa, je file vers mon casier récupérer mes affaires puis vers la sortie, bien décidée à affronter Archy et à ne rien lâcher jusqu'à ce que j'aie compris ce qui se trame.