Logan
J'avais passé une excellente soirée avec mon frère Bertrand et sa famille. Nous étions très liés malgré la grande différence d’âge. En effet, Bertrand avait 40 ans et était mon ainé de 10 ans. Il était déjà presque un adolescent à ma naissance et a toujours été très protecteur vis-à-vis de moi.
Il commençait à se faire tard et j'avais une longue journée qui m'attendait demain. Il fallait que je finalise le projet de madame Atsama avec Brigitte.
- Les enfants, venez saluer tonton Logan, hurla Corrine, la femme de Bertrand.
Mes neveux, Lætitia et Mathéo, se jetèrent sur moi pour une franche embrassade.
- Bonne nuit mes champions, dis-je en leur donnant une bise sur le front. Corrine, encore merci pour tout.
- Il n'y a vraiment pas de quoi Logan. Tu es chez toi ici, tu viens quand tu veux.
- Merci ma chérie, lui dis-je dans une dernière étreinte.
Mon frère m'accompagna à la porte.
- Alors, le boulot se passe bien ? demanda Bertrand.
- Bah, oui. T'inquiète pas.
- Tu sais, tu peux compter sur nous à tout moment, les parents y compris.
- N'insiste pas Bertrand, le coupai-je sèchement.
Je voyais très bien où il voulait en venir et je ne voulais pas gâcher une si belle soirée par une note négative.
- C'est bon, pas besoin de t’altérer pour autant, me dit Bertrand sur un ton conciliant. Mon frère, tu devrais penser à te caser, tu te fais vieux ! Il est inutile de virevolter de filles en filles.
- Haha, t'es pas fatigué des mêmes discours, dis-je en riant. Pour le moment, ma vie me plait et me convient.
Il est bien vrai que contrairement à Bertrand, j'ai toujours été frivole. Il a toujours été du genre extrêmement sérieux dans ses relations, et ce, depuis l'adolescence. Je dois admettre que ma popularité auprès des filles ne m'ait pas beaucoup aidé. Ce sont généralement elles qui manifestent leur intérêt et viennent à moi.
- Logan, dit-il en soupirant, ça ne mène à rien cette vie. Trouve-toi une fille bien et range-toi.
Depuis un certain temps, j'avoue que j'en ressentais le besoin, mais je devais avant tout m'épanouir financièrement.
- Et avec la belle architecte, ça avance ? continua-t-il en me faisant un clin d’œil moqueur.
- Avancer ? Dans quel sens ? Pour aller où ? demandai-je en riant.
- C'est bon, t'as gagné. Bonne nuit frangin.
- Bonne nuit Bertrand.
Je montai dans ma voiture avec un petit sourire aux lèvres. C'était toujours un énorme plaisir de passer du temps avec mon frère et sa famille. J'étais heureux pour Bertrand, car avec Corrine, il avait vraiment trouvé chaussure à son pied.
Je repensai à sa petite blague sur " la reine de glace" et cela m'amusa un peu. Je lançai l'appel vers le numéro de Brigitte avant de réaliser qu'il était déjà tard. J'étais sur le point de raccrocher quand j'entendis sa voix glaciale à l'autre bout du fil. Cette fille était aussi belle qu'elle était antipathique. C'était un vrai péché de mettre un démon dans un corps aussi parfait. Bref, rendez-vous pris pour demain à 14 heures. Je lui avais répondu que je pensais y être à temps juste pour me faire valoir. Le ton autoritaire de son message m'avait fortement déplu.
Je regardai ma montre pour la énième fois. Il était désormais impossible de circuler à Yaoundé avec tous ces bouchons. La population s’était considérablement accrue durant les vingt dernières années, mais les voies de circulation n'avaient pas suivi.
J’arrivai enfin à destination à 14 h 12, sortis de mon véhicule au pas de course et entrai dans les locaux de "Atelier Bri.Mba".
- Bonjour madame, dis-je poliment à la réceptionniste.
- Bonjour monsieur, répondit-elle avec un regard ouvertement appréciateur. Vous pouvez m'appeler Gabrielle, j'insiste.
- Gabrielle, j'ai rendez-vous avec madame Mballa et je suis déjà en retard, dis-je poliment en espérant qu'elle comprenne que je n'avais pas de temps à perdre. Ce n'était pas la première fois que je venais ici et toutes les fois, elle avait toujours ce comportement aguicheur.
- Un instant s'il vous plait, je vais prévenir madame Mballa, dit-elle en continuant malgré tout sur sa lancée.
À cet instant la porte s’ouvrit sur " la reine de glace". Si son regard pouvait nous transpercer, je peux dire avec certitude qu'on serait à six pieds sous terre à l'heure actuelle.
- Gabrielle, je vous rappelle que vous êtes payée pour travailler et non pour aguicher les clients, dit-elle d'une voix coupante avant de se tourner et rentrer dans son bureau. Purée, même de dos, cette femme était une vraie bombe. Elle avait une chute de reins à faire damner un saint, avec des fesses bien galbées, mais son caractère pourri gâchait tout !
Je me précipitai dans la direction où Brigitte avait disparu et cognai à sa porte en attendant d’être invité à entrer. Après plusieurs tentatives sans réponse, je baissai la poignée de la porte et jetai un regard dans la pièce. Elle rangeait fébrilement ses affaires dans sa mallette et ne jeta pas le moindre regard dans ma direction. Je fermai la porte et me rapprochai d'elle.
- Bonjour et désolé du retard. Il y avait énormément de bouchons au niveau de la Poste Centrale.
Elle fermait maintenant sa mallette et l'empoigna, toujours en m'ignorant. Elle passa près de moi pour se diriger vers la porte lorsque je la stoppai dans son mouvement en m'interposant sur son chemin.
- Faites-moi passer je vous en prie, dit-elle d'une voix glaciale avec le regard obstinément fixé vers la porte.
- Brigitte, je pense m’être déjà excusé pour le retard, lui répondis-je d'une voix froide à mon tour. Pour qui se prenait-elle bon sang ?! Elle ne peut dire n'avoir jamais été bloquée dans des bouchons de son vivant.
- Je pense que si vous n'aviez pas perdu du temps à batifoler avec la réceptionniste, vous seriez arrivé ici à temps !
- J'étais arrivé il y'a à peine une minute quand vous êtes sortie de votre bureau, lui répondis-je.
- Laissez tomber, j'ai plus de temps pour vous. On fixera un autre rendez-vous !
- Mais, vous me faites une scène de jalousie ma parole, dis-je sur un ton incrédule.
- Pardon ?! Vous êtes malade ! répondit-elle avec mépris. Je dois y aller.
- Écoutez Brigitte, j'ai traversé la ville pour ce rendez-vous et vous ne pouvez me renvoyer de la sorte, dis-je d'une voix coupante. De toute façon, cela ne nous prendra pas trop de temps.
- J'ai déjà un autre rendez-vous et voyez-vous, j'ai horreur d'arriver en retard, me dit-elle sur un ton hautain.
- Écoutez, allez-vous faire foutre ! dis-je en sortant de son bureau et en claquant la porte.
Mais pour qui se prenait cette idiote ? Pour à peine une dizaine de minutes de retard, elle me faisait une scène pareille. J'ai pourtant pris la peine de m'excuser !
C'étaient quoi ces manières ?! Je tenais certes à ce contrat, mais ce comportement de Brigitte m'exaspérait au plus haut point. Je n'irai pas vers elle. Nous avions rendez-vous dans une semaine avec madame Atsama pour lui présenter le projet définitif et éventuellement la signature du contrat. Je me présenterai ce jour avec ce que j'ai déjà prévu. Ça devrait être compatible avec les plans de Brigitte, et si c'était le cas, tant mieux, si ce n'est pas le cas, bah tant pis !
J'avais d'autres projets, pas aussi importants que celui de madame Atsama, mais, ils permettraient au moins à ma société de ne pas sombrer.
Brigitte
Cela faisait exactement quatre jours que Logan était sorti comme une furie de ce bureau. J'avais attendu son appel en vain. J'étais certaine qu'il aurait fait signe, mais toujours rien. Je savais que ce contrat était une aubaine pour lui et qu'il n’allait certainement pas prendre le risque de le perdre.
Nous avions rendez-vous avec madame Atsama dans deux jours et il m'avait dit avoir certaines modifications à apporter en plus de celles exigées par la cliente. J'espérais que cela serait compatible avec ce que nous avions initialement prévu, mais j'avais besoin d'en avoir le cœur net. Nous ne pouvions nous permettre de nous présenter chez la cliente avec des discordances dans nos projets respectifs.
Il était 21 heures et comme à mon habitude, j'étais encore au travail. Je jetai un bref coup d’œil à mon cellulaire et toujours pas de signe, pff. Je décidai de ravaler ma fierté et de lui envoyer un message.
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Je jetai ensuite le téléphone dans mon sac et enfilai à la hâte ma veste. J'étais exténuée et j'avais décidé de rentrer plus tôt aujourd'hui pour me reposer.
J'arrivai à la maison et fis une douche rapide. Je pris ensuite mon téléphone et me rendis compte avec stupéfaction qu'il avait lu mon message, mais n'y avait pas répondu. J'espérais vraiment qu'il me ferait signe demain.
Je mangeai un morceau rapidement avant de mettre au lit. Comme chaque soir, je me tournai et retournai dans mon lit avant de m'endormir enfin à une heure tardive.
La première chose que je fis le matin à mon réveil fut de regarder mon téléphone. Toujours pas de message, et étrangement, il était en ligne il y'a moins de 10 minutes.
Je m’apprêtai pour le boulot la tête pleine de questions. Pourquoi ne me répondait-il pas ? Avait-il changé d'avis ?
Je bossai toute la matinée l'esprit ailleurs. Il fallait à tout prix que je sache ce qu'il avait prévu pour demain. Je décidai à contrecœur de l'appeler.
J'avais le cœur battant pendant que les sonneries s'égrenaient progressivement dans mon oreille. Il décrocha après la dixième sonnerie.
- Oui ? entendis-je une voix sèche dès qu'il eut décroché.
- Euh, euh, bonjour Logan, balbutiai-je. Je vous ai envoyé un message hier soir, je ne sais pas si vous l'avez reçu ?
- Oui, en effet, répondit-il simplement sans rien ajouter d'autre.
- Euh, en fait, euh, j'aurais aimé discuter avec vous avant la rencontre de demain avec madame Atsama.
- Je vous attends dans mon bureau dans une heure.
Bip, bip, bip. Quoi ? Il avait osé me raccrocher au nez. Il m’attend dans une heure ? Pour qui se prenait-il ? Il pensait que je n’avais que ça à faire ? Je n'irai pas ! On verra demain ce que ça donnera avec madame Atsama.
Je m'adossai à mon fauteuil et me mis à réfléchir à vive allure.
Je me redressai et appuyai brusquement sur l'interphone.
- Carole, annule tous mes rendez-vous de cet après-midi !