chapitre 3

1731 Words
Brigitte  Je devais admettre être satisfaite de l'entretien avec madame Atsama. J’espérais vraiment que le contrat n'était qu'une formalité. Elle nous avait d'ailleurs remis à chacun une ébauche du contrat. - Prenez-le temps de le lire, nous avait-elle dit au moment de prendre congé. Toutes les conditions y sont inscrites. Les bureaux de madame Atsama se trouvaient au quinzième étage de son immeuble et je devais admettre que monter tous ces étages avec mes hauts talons et ma mallette était une idée suicidaire, du coup, je prenais toujours mon mal en patience et montais dans l'ascenseur. J'évitais autant que je pouvais les ascenseurs, car je souffrais de claustrophobie et me retrouver enfermée dans ces cabines, provoquait un petit sentiment de panique que je réussissais à contenir la plupart du temps. Je descendis enfin la dernière marche et ignorai bien évidement " Monsieur Arrogant" et poursuivis mon chemin tout droit vers ma voiture. J'avais à peine rejoint ma voiture que mon téléphone se mit à sonner. - Bonjour ma chérie, entendis-je dès que j'eus décroché l'appel. - Bonjour papa, répondis-je avec un large sourire. - Alors, comment était ton entretien ? J'espère qu'il a été concluant. - Papa, je t'en prie, je n'ai pas envie de parler travail maintenant, lui répondis-je légèrement irritée. En fait, mon cabinet d'architecture était une succursale du très influent "Mballa Architectes", dont mon père n'était nulle autre que le PDG. Il est bien vrai que je devais lui rendre des comptes, mais je lui avais manifesté le besoin de voler de mes propres ailes, sans qu'il n'ait à user de son influence pour me faire obtenir des contrats. J'avais exercé pendant près de cinq dans un cabinet réputé en France avant mon retour catastrophique au Cameroun et je me savais à la hauteur. J'avais nommé mon cabinet "Atelier Bri.Mba" pour essayer de maintenir l'anonymat, mais, si le client était pointilleux et furetait dans les statuts de ma société, il se rendrait compte que nous dépendions de la "Mballa Architectes". - Tu sais chérie, madame Atsama est une connaissance d'un grand ami à moi, il suffirait de ... - Assez papa ! Je t'ai déjà dit mille et une fois que je voulais m'en sortir par moi-même ! Je n'ai pas... - Brigitte, m'interrompit papa avec un rire moqueur dans la voix, ton patronyme parle déjà pour toi ! Certains clients pourraient faire le rapprochement. Étrangement, aucun client ne m'avait jamais demandé si j'étais parenté à lui. - Je sais papa, dis-je en soupirant, mais je te le demande tout de même de ne rien faire du tout, je t'en prie ! Papa, comment voudrais-tu que ce pays avance si on ne prime pas la méritocratie ? Je veux croire que les gens viennent à moi parce que j'ai de l'expertise, dis-je avec véhémence. - J'ai compris chérie, dit enfin papa. Je ne ferai rien si tu y tiens vraiment, mais si jamais tu avais besoin de quoi que ce soit, surtout, n'hésites pas. - Merci papa. Au fait, comment va maman ? Je pensais faire un saut à Douala le week-end prochain. - Ta maman va bien. Nous t'attendons donc chérie. - D'accord papa. Bisous. - Gros bisous chérie. Je garai la voiture devant mes locaux en raccrochant avec papa. Le bruit de mes talons annonça mon arrivée à ceux qui se trouvaient dans le hall. Je répondis à quelques salutations et me dirigeai tout droit à mon bureau. - Carole, dans mon bureau ! dis-je à travers l'interphone. Carole se présenta quelques secondes plus tard. - J'aurais besoin de quelques petites modifications sur le projet de madame Atsama. Je lui exposai mes exigences pendant une demi-heure. - C'est bon, j'en aurai besoin demain matin à la première heure. - D'accord, dit simplement Carole. Ce sera tout ? - Oui, répondis-je en manipulant mon ordinateur. Je continuai à travailler jusqu'aux environs de 22 heures. J'étais généralement la dernière à sortir des locaux. Je fis un bref signe de tête au gardien et montai dans ma voiture. Je roulai pendant une demi-heure dans les rues désertes de Yaoundé avant de rejoindre mon domicile. Je résidais dans un duplex dans un quartier huppé de la ville. Je fis un jeu de phare en me rapprochant de mon portail, ce qui attira l'attention de mon gardien et ce dernier se précipita pour m'ouvrir le portail. J'entrai lourdement dans la maison et me redis dans la chambre. J'étais en train de me déshabiller quand j'entendis la sonnerie de mon téléphone résonner depuis mon sac qui était posé sur la commode. Qui pouvait bien m'appeler à cette heure ? J'avais parlé à papa en journée. Maman ? Je ne pense pas. Qui cela pouvait-il bien être ? Je me rendis compte une fois de plus à quel point ma vie était vide. Je n'avais pas d'amis. Pas de bestie à qui me confier dans les moments obscurs. Je devais admettre que mon comportement ces dernières années avait dû décourager plus d'un. Je sortis enfin mon téléphone de mon sac et vis avec surprise le numéro de Logan apparaitre à l'écran. Qu'y avait-il de si important pour qu'il m'appelle à cette heure ? J'étais tentée de ne pas décrocher, mais il le fallait, cela concernait certainement le travail. - Oui, dis-je sèchement en décrochant l'appel. - Bonsoir Brigitte, me répondit Logan avec une pointe d'ironie dans la voix. Comment allez-vous ? Continua-t-il sur la même lancée, avec un petit rire moqueur. - Que voulez-vous ? Je ne pense pas que vous appelez à cette heure pour prendre de mes nouvelles. Il éclata de rire à ma réponse. Ce qui m'irrita doublement. - En tout cas, ce n'est pas la sympathie qui vous étouffe ! rétorqua-t-il en riant. Je restai silencieuse au bout du fil, attendant patiemment qu'il finisse son rire débile et me dise enfin l'objet de son appel. N'eut été des raisons de travail, je lui aurais raccroché au nez depuis belle lurette. - En fait, j'aurais besoin de vous rencontrer dans les jours à venir pour discuter du projet Atsama avant de lui soumettre la version définitive, dit-il enfin. - Euh, je n'en vois pas l’intérêt, rétorquai-je sèchement. Nous avons déjà eu à débattre à plusieurs reprises, je pensais qu'il ne restait qu'à apporter les dernières modifications requises par madame Atsama. - Vous avez raison, mais j'ai revu mon projet sur certains plans et je pense qu'il serait préférable qu'on parle au préalable avant de le présenter à la cliente. - D'accord, dis-je dans un soupir. Je vous enverrai un message demain pour un rendez-vous. - Cela me va. À demain et désolé du dérangement. Je raccrochai simplement et me laissai tomber lourdement sur le lit. Toute la fatigue et le stress de la journée me rattrapèrent tout à coup. Je me sentais à bout. Je me trainai péniblement vers la salle de bain et pris une douche rapide. J'enfilai rapidement mon pyjama et me couchai dans mon lit king size, bien trop grand pour moi toute seule. Je n'avais rien avalé depuis mon déjeuner et je me rendais bien compte que je dépérissais à vue d’œil, mais que voulez-vous ? Je n'avais pas d'appetit. Mes pensées s'envolèrent une fois de plus vers mon travail. Il fallait que je trouve un créneau horaire dans mon agenda super chargé pour rencontrer Logan demain. Le plus tôt était le mieux. Plus vite nous en aurions fini avec ce contrat, plus vite je pourrais me concentrer sur autre chose. Le travail était devenu ma thérapie. Travailler pour ne pas penser. Et il me le rendait bien, car plus je m'investissais, plus les résultats suivaient. Il ne me décevait jamais. J'avais besoin de travailler pour tout oublier. Oublier mon départ précipité de la France, mais surtout l'oublier, lui... Il m'arrive parfois de me sentir bien seule. Mes parents ne cessent de me répéter qu’il est temps que je me remette en selle, mais sincèrement, je n'en avais aucune envie. Aucune intention de confier mon cœur à nouveau, au risque de le voir briser en mille morceaux. Ils me disaient qu'à 33 ans, il serait peut-être temps de faire un enfant. Pour le moment, je n'en ressentais pas le besoin. Je réussis enfin à m'endormir avec énormément de difficultés. Je me levai le matin avec d'énormes cernes sous les yeux. Je dus faire un make-up assez sophistiqué pour les masquer. J'envoyai un message à Logan après avoir consulté mon agenda de la journée. J'avais à peine une demi-heure à lui consacrer, car j'avais un autre rendez-vous à 15 heures. Cela devrait être suffisant. > > Il avait en tout cas intérêt à être ponctuel. Ma société avait certes besoin de ce contrat, mais la sienne encore plus. Il ne fallait pas être un devin pour se rentre compte qu'il tirait le taureau par les cornes. Je regardai nerveusement ma montre. Il marquait 14 h 03 et aucune trace de Logan. p****n ! Je risquais d'arriver en retard à mon rendez-vous. Je contrôlai ma montre pour la vingtième fois, 14 h 05 ! m***e ! Deux minutes à peine étaient passées. Je me levai et commençai à faire des allers-retours dans mon bureau. Si d'ici cinq minutes, il ne s'était pas encore présenté, eh bien, je m'en irais. C'était un premier rendez-vous, une prise de contact avec un nouveau client et je ne pouvais me permettre le moindre retard. J'avais été stupide de lui accorder ce rendez-vous sachant que les minutes étaient comptées. Il avait toujours été ponctuel et nous avions assez avancé sur le projet pour le boucler en quelques minutes. 14 h 09 minutes ! Toujours pas de trace de l’énergumène. Je me levai et ouvris la porte de mon bureau pour jeter un œil à la réception et je découvris le cher monsieur, nonchalamment adossé au bureau de la réceptionniste et cette dernière qui le regardait béatement. On aurait dit qu'elle voulait le manger tout cru. - Gabrielle, tonnai-je d'une voix coupante. Je vous rappelle que vous êtes payée pour travailler et non pour aguicher les clients. Je retournai dans mon bureau en claquant la porte au point de faire trembler les vitres. Purée, comme j'avais la rage. J'étais ici là à l'attendre comme une timbrée pendant que l'idiot flirtait ouvertement avec la réceptionniste. Pff, aucun professionnalisme !
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