Chapitre 2

1598 Words
Logan Etoundi Je sortis de mon bureau au pas de course et me dirigeai vers ma petite voiture. Je dus me tortiller comme un vers du haut de mon mètre quatre-vingt-dix pour réussir à rentrer dans l'habitacle de ma petite Toyota Yaris. Elle avait vraiment connu des jours meilleurs et quand j'y rentrais, je devais simplement oublier tout ce qui avait trait au confort, bien-être, etc pour me concentrer sur le simple fait qu'elle me permettait d'arriver à destination sans avoir à me taper les taxis de Yaoundé. Avec la chaleur qui règne dans la capitale ces derniers jours, j'arrivai à destination avec mon t-shirt qui laissait apparaitre de petites tâches de sueur au niveau des aisselles. Comme vous pouvez vous en douter, le système de climatisation de ma voiture était un lointain souvenir. Je garai ma voiture dans un coin assez retiré du pied de l'immeuble de madame Atsama. Il était exactement 13 h 30. J'avais encore une demi-heure avant mon entretien avec madame Atsama et la "reine de glace". J'extrais rapidement ma chemise de rechange du sac de pressing. J'enlevai mon t-shirt et enfilai ma chemise après m’être légèrement nettoyé à l'aide d'une serviette. Je passai rapidement le déodorant, m’aspergeai de quelques gouttes de mon parfum avant de me décider enfin à sortir de la voiture. J'étais paisiblement posé en attente de l'ascenseur quand des claquements de talons me firent tourner la tête vers la direction d'où provenait le bruit. "La reine de glace" apparut dans toute sa splendeur dans mon champ de vision. Elle était tout simplement époustouflante. Sa tenue et son maquillage étaient impeccables. Je ne l'ai jamais vue avec la moindre imperfection, même pas un cheveu de travers. Comme à son habitude, elle m'ignora vertement et maintint obstinément son regard fixe sur les portes de l'ascenseur. - C'est impoli de fixer ainsi les gens, dit-elle d'une voix irritée. - Comment faites-vous pour savoir que je vous regardais ? rétorquai-je avec un petit sourire moqueur. Ma réponse sembla l'irriter fortement. - Vous n’êtes qu'un stupide gamin, lâcha-t-elle sèchement avant de se tourner à nouveau vers l’ascenseur. Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent à cet instant, elle s'y engouffra et appuya le bouton sans se soucier un seul instant que j'y sois totalement entré. Elle me sembla tout à coup bien nerveuse, car elle se triturait distraitement les mains, mais ne voulait rien perdre de sa superbe. Nous étions maintenant installés dans le bureau de madame Atsama. - Puis-je vous offrir quelque chose à boire ? proposa gentiment madame Atsama. Je sais qu'il n'est pas évident de se déplacer à cette heure avec la chaleur étouffante de ces jours. Elle ne croyait pas si bien le dire. J'avais eu l'impression d’être dans un sauna à peine entré dans ma voiture tout à l'heure. - Un verre d'eau, je vous remercie, répondit poliment Brigitte. - Ce sera pareil pour moi, répondis-je. Madame Atsama appela par l'interphone sa secrétaire qui nous apporta de quoi nous désaltérer. - Vous ne m'avez pas l'air dans votre assiette, dit madame Atsama en observant Brigitte. - Euh, disons que les ascenseurs et moi, ce n'est pas particulièrement une histoire d'amour, répondit Brigitte en maintenant un visage sérieux. - Comme je vous le disais la dernière fois, ce projet me tient particulièrement à cœur, reprit finalement madame Atsama. Je suis bien curieuse de voir ce que vous avez à me proposer. Brigitte se redressa immédiatement de son siège et ouvrit fébrilement sa mallette. Elle sortit un ordinateur portable et se mit à le manipuler. - Bien madame Atsama, prit enfin la parole Brigitte. Son regard était tout à coup lumineux. C'était évident qu'elle avait une grande passion pour son travail. Avez-vous un projecteur ? Madame Atsama appela sa secrétaire par l'interphone et cette dernière se matérialisa quelques secondes plus tard. Elle s'activa rapidement et à peine quelques minutes plus tard, l'écran de Brigitte apparut sur le mur. - Comme je vous le disais dernièrement, il serait idéal en plus des chambres individuelles faire de mini-appartements de deux chambres. Cela rassurerait des parents ayant deux enfants inscrits au sein de cette université de les savoir ensemble dans le même appartement. D'un autre côté, cela donnerait aux étudiants le sentiment d’être encore au sein du cocon familial. Madame Atsama semblait bien pensive. - Bien évidement, l'idée ne se limite pas aux enfants d'une même famille, mais aussi à des amis, reprit Brigitte. - J'aime bien l'idée, répondit finalement madame Atsama avec une expression enjouée sur le visage. - En plus, j'avais pensé faire ... Brigitte continua en lui présentant différents croquis qui semblèrent conquérir notre cliente. - Wow ! s'exclama madame Atsama, j'avoue aimer ce que je vois. Vous savez, cette mini-cité, je veux la dédier à mon fils, dit madame Atsama en ayant tout à coup une expression triste au visage. Gabriel est décédé à l'âge de 19 ans. Il avait à peine commencé son cycle universitaire. Elle semblait tout à coup très loin dans ses souvenirs. Brigitte la regardait maintenant avec sollicitude. C'était la deuxième fois, après tout à l'heure quand elle exposait son travail, que je la voyais exprimer autre chose que de l’indifférence. Madame Atsama sembla revenir à nous et se tourna vers moi. - Et vous monsieur Etoundi, je suis bien curieuse de voir ce que vous avez à me proposer. - Bien madame, répondis-je en me redressant de mon siège. Comme nous le savons tous, le milieu universitaire est parfois empli d'étudiants insoucieux. Vu que l'idée serait d'offrir des loyers toutes charges inclues, nous avons pensé à un système électrique avec des interrupteurs automatiques dans les couloirs, dis-je avec assurance. Les lumières resteront allumées pour une minute dans les couloirs et après, elles s’arrêteront automatiquement. Nos couloirs seront fournis d'interrupteurs à chaque dix mètres, ce qui permettra aux étudiants qui n'auront pas encore rejoint leur chambre dans la minute de rallumer. Nous aurons aussi une borne électrique unique où tout le système sera relié, permettant ainsi d'éteindre l’électricité dans toute la cité en cas de problème, par exemple en cas d'incendie. Je pensais également ... Je continuai ainsi mon speech pendant une vingtaine de minutes. - Vraiment très intéressant ! dit madame Atsama. Madame Atsama apporta quelques petites modifications à nos projets et décida ainsi de nous confier le travail. Nous ferons les modifications requises et les lui transmettront par e-mail. - Je vous verrai d'ici la fin de la semaine prochaine pour la signature du contrat, dit madame Atsama en se levant de son siège. - Bien madame, répondit Brigitte sur un ton sérieux. Vous ne seriez pas déçue de nous avoir fait confiance. - Je vous remercie infiniment pour la confiance et vous aurez le projet modifié dans les plus brefs délais, dis-je à mon tour. - Je vous remercie, dit madame Atsama d'une voix chaleureuse. Le petit moment de nostalgie semblait être passé. J'aime bien voir des jeunes aussi entreprenants que vous et je suis certaine que ce serait un plaisir de travailler avec vous, dit-elle en nous raccompagnant à la porte et en nous serrant la main à tour de rôle. Je sortis enfin dans le couloir avec Brigitte. - Aurevoir, me salua sèchement Brigitte en se dirigeant vers la porte qui menait aux escaliers. - Attendez une minute, dis-je en la retenant par le bras. Elle lorgna arrogamment mon bras et releva enfin le visage vers moi. Son regard me fit lâcher son bras. - Pourquoi ne pas prendre l'ascenseur ? demandai-je. - En quoi cela vous regarde-t-il ? me répondit-elle sèchement. J'emprunte peut-être vos jambes pour le faire ? - Vous êtes vraiment chiante, lui répondis-je arrogamment à mon tour avant de me diriger vers l'ascenseur. Elle était simplement invivable cette fille. Je ne comprenais pas pourquoi je m'obstinais à lui adresser encore la parole. Je pris l'ascenseur tout seul et descendis au rez-de-chaussée. J'attendis un petit instant et la vis enfin qui déboucha. Elle semblait à bout de souffle. Je me demandais bien comment elle avait pu descendre tous ces escaliers avec ces talons vertigineux et sa mallette. Mon regard croisa le sien et elle détourna simplement le regard et se dirigea vers la sortie. Pff, quelle teigne ! Je rentrai au bureau et me mis immédiatement à la tâche. Je mis des heures à rectifier le dossier de madame Atsama, mais j'avais besoin d'en discuter au préalable avec Brigitte avant de le soumettre à la cliente. Il fallait impérativement que nos projets soient en phase l’un avec l'autre. Je m'adossai enfin à mon fauteuil et repensai à mon entretien de tout à l'heure avec madame Atsama. Elle m'avait eue l'air convaincue même si je ne voulais crier victoire prématurément. J'espérais vraiment que c'était dans la poche. Elle avait l'air d’apprécier l'équipe que Brigitte et moi formions. Parfois, je me demandais ce que Brigitte avait contre moi. Nous avions eu à collaborer quelques fois et elle avait été froide dès la première fois que nous nous étions vus. J'avais essayé d’être gentil avec elle, mais elle avait toujours maintenu son visage fermé. J'avais donc opté pour la provoquer espérant qu'elle réagirait, mais cela semblait l'irriter fortement. Beh, qu'elle aille se faire foutre ! Mon téléphone se mit à vibrer me sortant de mes pensées. - Yo bro, t'es où ? C'était la voix de Bertrand, mon grand-frère. - Je suis encore au boulot. Je devais finir un dossier important. Je devrais être là dans une demi-heure. - Pas de soucis, à tout à l'heure ! Je sortis au pas de course et me rendis chez mon frère où j’étais invité à dîner.
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