Chapitre 9

2326 Words
Le lendemain je marchai jusqu'à la maison du maire Mills pour livrer une robe à sa femme. Tout au long du chemin, je ne cessais de ressasser tout ce qui s'était produit la veille. Je m'étais quasiment offerte à Chase et je n'avais toujours pas de regret. Par contre le plaisir éprouvé me donnait encore envie. Oui, j'avais envie qu'il revienne et recommence. Il y a des choses qu'on ne pouvait pas correctement expliquer et mon désir pour lui en faisait partie. J'avais peut-être besoin de délivrance car j'avais l'impression de ne plus avoir toute la tête depuis que je vivais toutes ces choses. En plus il avait commencé à me suivre. Le faisait-il en ce moment ? m'étais-je demandé. Je l'avais alors imaginé marchant derrière moi, épiant mes faits et gestes, s'amusant de ma nervosité. À de nombreuses reprises, j'avais stupidement tourné la tête en arrière comme si j'aurai pu apercevoir l'être invisible qu'il était. J'étais presque arrivée sur la propriété du maire lorsque je découvris la voiture de Abraham garée devant. Qu'est-ce-qu'il foutait ici ? j'avais pesté avec rancœur. Ne voulant même pas voir ce meurtrier en peinture, j'aurais souhaité faire demi-tour mais l'épouse du maire m'avait déjà vue arriver. En effet, cette dernière m'attendait sur le pas de la porte pour m'accueillir. C'était une femme dans la cinquantaine mais toujours bien conservé avec des cheveux roux qu'elle préférait toujours emprisonner dans des chignons stricts. Cependant son visage à l'aspect chaleureux cassait la rigidité de ses habillements et de sa coiffure serrée. _ Bonjour madame Mills. _ Bonjour Kyla. Mais appellez-moi Gwen, on se connait depuis un bon petit moment maintenant. J'essaie de lui offrir un sourire le moins crispé possible. J'aurais aimé lui remettre la housse que je tenais en main et prendre la fuite mais c'était impossible. De un, ça aura parut mal poli, et de deux, je devais m'assurer que ça lui aille afin de voir si je devais faire des retouches. Elle m'invita à entrer et nous traversâmes le vaste et luxueux salon. À cause de statut de son mari, ils possédaient la maison la plus tape à l'œil de West-Sosa. Le salon meublé avec goût donnait sur un jardin luxuriant et coloré. Il devait y faire bon vivre mais son charme n'égalait en rien celui de ma maison qui bénéficiait d'une vue sur le lac. Gwen m'informa que son époux était dans le bureau avec Abraham, ce qui ne m'étonna guère. Après tout je savais qu'il était là, j'avais vu sa voiture en arrivant. La femme du maire m'invita à la suivre jusqu'à l'étage du dessus. On entra dans la chambre du couple. J'étais gênée d'être là et j'avais l'impression de v****r leur intimité. Gwen le remarqua et me sourit en me disant de ne pas m'en faire pour ça. Je lui tendit la housse noire et pris place sur une chaise. Elle abaissa la fermeture pour en extirper la robe. Celle-ci était d'un vert profond semble à la couleur de ses yeux. Elle allait très certainement sublimer la couleur flamboyante de sa chevelure auburn... Si elle concédait à la laisser libres bien-sûr. Je lui avais donc dit le fond de ma pensée. _ Vous trouvez que ça m'ira ? Cette robe est sublime mais je la trouve un tout petit peu... Comment dire ?..., elle tâtonna avec un léger embarras. _ Vulgaire ? _ Non, osée. _ Vous m'avez donné carte blanche en ce qui concerne le modèle alors j'ai créé ce qui me semblait parfait pour votre morphologie. _ Vous savez je ne suis plus toute jeune alors je ne peux plus me permettre certaines fantaisies. _ Je trouve ça vraiment dommage que vous pensiez ainsi. Extérioriser sa féminité n'a jamais été une fantaisie Gwen. Faites-moi confiance, vous allez être plus que sublime ce soir, surtout si vous les laissez détachés. Une délicate rougeur se répandit sur son visage avant qu'elle ne me remercie. Je pensais qu'elle allait se retirer dans la salle de bain attenante pour se changer mais non, elle commença à se déshabiller sous mes yeux. Elle retira la robe mémérisante qu'elle portait afin d'enfiler celle que je lui avais faite et apportée. J'essayais de détacher les yeux mais en vain. Je ne comprenais pas pourquoi une femme aussi sublime cachait sa beauté sous des robes sans formes et qui lui arrivaient aux chevilles. Gwen avait des seins lourds même si elle n'avait jamais enfanté, ses hanches étaient légèrement généreuse. Elle avait quelques vergetures sur les fesses mais rien de dégoûtant, au contraire. J'avais envié sa beauté. Le corps des femmes étaient vraiment magnifiques. Même si j'en étais moi-même une, je comprenais parfaitement pourquoi les hommes nous trouvaient attirantes. Gwen s'enveloppa du fourreau moulant couleur olive. Pour l'aider, je marchai jusqu'à elle et fermai la minuscule fermeture éclaire d'environ quinze centimètres à peine. _ Vous êtes magnifiques. J'aimerai être aussi belle lorsque j'aurai votre âge. Si je ne crevais pas entre les mains de Chase bien-sûr. _ Vous êtes déjà fort magnifique. Quel âge avez-vous? elle avait demandé en se retournant vers moi. _ Vingt-quatre ans. _ Alors profitez de votre jeunesse et ne soyez pas pressée d'atteindre la cinquantaine parce-que une fois à ce stade, vous rêverez de revenir en arrière. Elle m'avait gentiment sourit avant de se tourner vers le long miroir à pieds se trouvant près d'une grande commode en bois. Elle s'admira sous toutes les coutures. _ Elle vous plaît ? _ Évidemment qu'elle me plaît. Je ne suis pas déçue de vous avoir fait confiance. _ Merci. _ Combien je vous dois ? Je lui donnai le prix et elle me paya en espèce. Je venais de faire une très bonne affaire, de quoi me mettre de bonne humeur malgré ce moment désastreux que je traversais malgré moi. J'encaissais la somme tout en la remerciant. Puis nous descendîmes au salon où nous trouvâmes le maire et Abraham en pleine discussion. Ce dernier vêtu d'une chemise, d'une vieille salopette et d'une casquette couvrant ses cheveux grisonnants riait avec insouciance. Ma bonne humeur s'envola instantanément sous l'effet de l'écœurement. Comment osait-il ? Son rire m'énerva. À sa place, j'aurai honte de ce que j'ai fait. Car oui, j'étais de plus en plus persuadée qu'il avait intentionnellement assassiné Chase. Il était ivre, disait-on. Mais avait peut-être intentionnellement bu pour trouver une excuse ou se donner du courage pour ce qu'il allait faire. Le jour là, il avait sans doute joué le tout pour le tout et peu lui avait importé de prendre de risque de perdre sa propre vie. L'important pour lui avait été d'éliminer son neveu. Ils s'arrêtèrent en nous voyant et le rire de vieux s******d se fana lorsque nos regards se soudèrent. Sans plus demander son reste, Abraham décida de fuir comme l'autre soir dans le restaurant de Violet. Décidément, il était la lâcheté faite homme. À bien y réfléchir, j'avais peut-être deux mots à dire à ce connard. Je ne pouvais pas le laisser s'en sortir aussi facilement. Juste après qu'il soit parti, je me suis empressée de saluer le maire et de dire au-revoir à Gwen en lui disant de m'appeler s'il y avait quoi que ce soit. Je suis sortie en courant presque sous le regard étonné du vieux couple. Ils ne comprenaient sans doute pas mon empressement et je n'avais pas l'intention de leur expliquer quoi que ce soit. Abraham s'apprêtait à monter dans sa caisse, celle-là même qui avait causé la mort de Chase. Je l'arrêtai en le prenant violemment par l'épaule et je le forçai à me faire ça. J'ignorais d'où me venaient cette force et cette audace mais j'aurai pu le gifler sans problème. Nos visages étaient proches et pour la première fois depuis que je les connaissais, je trouvai une ressemblance entre lui et son neveu. Le soupçon verdâtre dans ses yeux ambrés me rappela celui des orbes de mon fantôme. Mais je ne devais pas oublier que j'avais un meurtrier en face de moi, un homme qui était toujours en liberté au lieu de croupir en prison jusqu'à la fin de ses misérables jours. _ Je sais ce que vous avez fait à Chase. Abraham me fixa comme s'il ne comprenait rien à ce que je disais. Quel comédien. Il aurait presque mérité un Oscar pour ça. Mais moi, je connaissais la vérité et j'étais persuadée de ne pas m'être trompée. _ Ce que j'ai fait à Chase ? Intéressant... Et que lui ai-je donc fait d'après vous miss Cunningham ? _ Vous l'avez tué, avais-je alors vomi sans ciler. Ses sourcils froncés se relevèrent et il écarquilla les yeux avant de me répondre sur le même acide. _ Vous ne savez strictement rien petite. _ Alors pourquoi êtes-vous nerveux à chaque fois que vous me voyez ? Pourquoi tout le monde dans cette ville semble vous haïr, excepté le maire ? _ Ce ne sont pas vos affaires. _ Pourquoi est-ce-que le shérif Darren Myers vous pointe du doigt en ce qui concerne le "supposé" accident ? avais-je continué imperturbable. _ Oui, j'ai renversé Chase avec ma voiture. Il venait à peine de monter dans la sienne, j'étais ivre, il pleuvait, je ne voyais pas grand chose. Mais c'était réellement un accident. _ Ça voyez-vous, j'ai du mal à le croire. Je ne vous crois pas parce que vous m'avez caché la vérité lorsque j'étais venu frappé à votre porte dans un état de détresse. Or je traitais avec le responsable de tout ceci. _ Je ne vous ai rien dit parce que je ne vous doigt absolument rien. Cependant je n'ai fait que vous cacher une partie des faits. _ Me cacher une partie des faits ? Laissez-moi rire, vous avez carrément tordu la vérité en jouant le rôle de l'oncle éploré qui se rappelait de l'enfance de son neveu adoré ! Pathétique et révoltant. Vous l'avez intentionnellement tué. J'ignore encore pourquoi mais ça ne saurait tarder. J'étais emportée par la rage. C'était comme si cet homme m'avait arrachée et privée d'un bien précieux, voir inestimable. Chase avait dit qu'on était destiné à se rencontrer, à s'aimer, peut-être même à fonder un famille. Tout à coup je me rendis compte qu'au bout de ces trois mois passé ici, je m'étais attachée à lui sans m'y attendre. Oui, je commençais à sentir ce lien qui me connectait à Chase. _ Et qui vous a dit ça ? Lui peut-être. Un sourire froid étira brièvement les lèvres en signe d'acquiescement, ce qui le rendit de plus en plus livide. _ Un conseil mademoiselle Cunningham et écoutez-moi très bien parce-que je ne me répèterai pas. Laissez tomber cette histoire parce-que tout ce que vous êtes entrain de faire en vous prenant pour une inspectrice ne vous mènera à rien de bon. Vous êtes une jeune femme intelligente il me semble, alors mêlez-vous de ce qui vous regarde, il fit soudain menaçant. _ Au cas contraire, vous allez me tuer moi aussi en me renversant avec votre voiture de malheur, exactement comme vous l'avez fait avec lui ? j'avais vociféré alors qu'il claquait la portière. Ça n'a rien d'étonnant. Après tout, assassiner et vous enivrer, c'est tout ce que vous savez faire. N'est-ce-pas Monsieur Gallagher ? Oh j'oubliais que menacer vient de s'ajouter à la liste. Mais sachez que moi, on ne me menace pas. Et je n'ai certainement pas de conseil à recevoir d'une ordure de votre catégorie. Mais dites-moi, ça fait quoi d'être un criminel ? Vous arrivez à dormir la nuit ? Ou est-ce pour ça que vous vous imbibez vingt-quatre heures sur vingt-quatre ? Il fulminait à vue d'œil et serrait violemment le volant comme pour se retenir de sortir pour le frapper. Mais il n'osera jamais car même s'il n'y avait aucun passant, nous n'étions pas loin de la devanture de la maison du maire, celui-là même qui le protégeait malgré ses infractions. Je me doutais bien que Mills ne devait pas être d'accord avec les agissements de son "ami". Mais de là à me faire du mal devant Gwen et son mari, je ne pensais pas que Abraham en serait capable. Cependant j'étais restée sur mes gardes, prête à mordre en cas de danger. Finalement il desserra sa poigne sur l'instrument et détourna le regard pour fixer droit devant lui. Alors qu'il s'apprêtait à démarrer sans me répondre, je collai mon front contre la vitre. Une fois de plus, il tourna la tête vers moi avec une mine sombre tandis que mon regard n'était que haine. Je ne sais pas ce qu'il y lu, mais il eut un léger mouvement de recul. _ Vous savez, justice ne sera peut-être jamais faite parce-que vous êtes injustement dans les bonnes grâces du maire Mills, mais je vous garantis qu'il y a un enfer pour les hommes tels que vous. Et vous le vivez déjà. Mais n'ayez crainte, ce n'est que le début. Vous allez être rongé jusqu'aux os par les vers du regret. Je proférai ces paroles et crachait ces mots sur lui telle une malédiction. Ses yeux imperceptiblement voilés de regret me parlèrent, ils me dirent tout. J'avais raison depuis le début. Les autres pensaient encore qu'il s'agissait d'un accident mais moi je savais que c'était prémédité. _ Vous avez terminé ? J'ai d'autres choses à faire alors écartez-vous, avait-il fini par dire quelques secondes plus tard lorsqu'il retrouva un semblant d'effronterie. Je venais de lui porter un coup fatal, il titubait mais voulait rester digne. Je n'allais très certainement pas lui faire ce plaisir. Je crachai alors de la salive sur le sol entre nous avant de me détourner de lui. Je ne voulais plus jamais voir cet homme et au plus profond de mon être, j'avais souhaité qu'il meurt et qu'il aille pourrir en enfer. Mais avant je voulais qu'il agonise dans d'atroces souffrances. C'était ruel de ma part ? Peut-être. Mais le fait est que en ce moment là, je ne m'appartenais plus vraiment.
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