VIII
La vision du cimetièreLorsque j’approchai, le tronc d’arbre gisait à terre : quelqu’un m’avait donc précédé. Je regardai derrière moi, personne ne me suivait comme depuis le matin ; mais devant moi, dans le cimetière, sur un petit tas de terre fraîchement remuée, je vis quelque chose d’informe, quelque chose de moins noir que cette terre remuée, quelque chose d’immobile. Ce n’était point l’ombre des arbres ; les arbres ne donnaient pas d’ombre en cette nuit noire.
Était-ce mon grand diable d’homme ? Je m’approchai : ce n’était pas lui. C’était… Ô mon ami ! ces jolis cheveux si bien tressés sur le sommet de la tête, si gracieusement retroussés autour des oreilles, cette robe blanche, cette taille si souple et si amoureusement arrondie, quoiqu’un peu déguisée par la posture, j’avais tout reconnu. C’était la dame de la cabane de Franco ; c’était cette femme mystérieuse que j’avais tant désirée depuis quelques heures. Elle était là, à genoux, accroupie sur ses talons, les mains appuyées sur les genoux, la figure cachée dans son sein.
Elle ne me vit pas, ne m’entendit pas sans doute, car elle resta immobile comme un mort. Elle n’était pas morte cependant ; j’entendais sa respiration qui était parfois saccadée, haletante, d’autrefois calme, enfantine.
Je la contemplais, debout derrière elle, croisant les bras sur ma poitrine et cherchant à deviner ce prodige que j’avais là, sous mes yeux, et qui bouleversait toutes mes pensées. Je brûlais de lui parler, de lui parler seul à seul, dans le silence religieux qui nous enveloppait ; mais une crainte indéfinissable me retenait, le respect peut-être pour une grande douleur ; car savais-je, moi, si cette femme, cette jeune fille peut-être, n’était pas sur la tombe de son père ?
J’attendis, j’attendis longtemps, elle restait toujours à genoux, moi toujours debout dans le champ des morts. J’étais immobile, ne faisant pas le moindre bruit, respirant à peine, pour ne rien perdre de sa respiration.
Elle releva tout à coup la tête et la tourna brusquement vers moi, comme si quelqu’un venait de la prévenir de ma présence. Je ne pus distinguer l’expression de sa figure, mais je vis la main qu’elle me tendait. Je me précipitai vers elle et la saisis avidement, comme un signe d’alliance qui m’était offerte, comme un gage peut-être des débuts d’une amitié qui pouvait durer toujours.
Elle se leva dès lors, s’assit sur un bloc de pierre, qui était auprès de nous, et m’attira doucement à ses côtés. Je m’assis sur la pierre ; mes genoux touchaient ses genoux, mon épaule soutenait son épaule, et sa main resta dans ma main.
– Que me voulez-vous, dit-elle avec un accent plein de douceur, et me parlant le plus pur idiome de la Caucasie ?
– Je vous demande mille pardons, madame, lui répondis-je ; mais je passe toute ma vie à apprendre et à enseigner, et, de plus, je suis naturellement très curieux. Depuis ce matin je me trouve dans une position si étrange, il s’est passé autour de moi tant de faits inexplicables pour mon intelligence que je voudrais m’adresser à vous pour savoir où je suis et… avec qui je suis, ajoutai-je en balbutiant un peu.
La réponse se fit attendre.
– Je suis à Copenhague, je le vois bien, ajoutai-je : je suis avec une femme qu’un homme de cœur ne peut qu’adorer, je le sais parfaitement ; mais voilà tout ce que je sais.
Et je tendis le cou et prêtai l’oreille avec une anxiété difficile à décrire.
– Vous voudriez connaître Franco, me fut-il répondu à côté de ma question ; je vais vous dire qui il est.
Ce n’était assurément pas là tout ce que je désirais savoir, mais c’était déjà beaucoup pour ma curiosité : car je commençais à croire que ce bon vieillard était autre chose que ce qu’il avait paru à tout le monde et à moi, pour qu’un être aussi charmant et aussi mystérieusement puissant que ma voisine l’eût en vénération aussi grande. Mais au lieu de commencer de suite la révélation qu’elle m’annonçait, ma gracieuse Pythonisse appuya fortement sur moi la main que je tenais dans ma main et que je me gardais bien de retenir avec indifférence, puis pencha son front sur mon épaule et resta silencieuse, infiltrant, ô mon ami, dans tout mon être un feu qui me brûlait.
Mais ce bonheur ne dura qu’un instant pour moi, car elle releva tout à coup sa tête et s’éloigna toute tremblante par un soubresaut qui sépara violemment nos mains et me repoussa à quelques pas du bloc de pierre sur lequel j’étais assis. Je ne fus point effrayé ; mon courage au contraire se trouva galvanisé, et croyant qu’un danger menaçant venait de surgir auprès de nous, je fis une volte-face des plus promptes et des plus héroïques… pour me trouver en présence de la laide figure qui m’avait suivi depuis le matin.
Il est donc écrit, m’écriai-je, que cet homme, si c’en est un, sera ma damnation ! Sa lourde main était appuyée sur l’épaule de ma jolie causeuse qui se tenait immobile sous son étreinte et baissait la tête comme une coupable. Je portai instinctivement la main à ma ceinture où j’avais caché avec ma carte de voyage, une bonne paire de revolvers. Cette démonstration fut aperçue probablement, car l’homme, sans s’émouvoir le moins du monde, sans bouger d’un seul pas, tendit vers moi son bras qui était armé de je ne sais quel instrument.
Mais toutes ces démonstrations étaient inutiles : la dame mystérieuse s’était jetée si rapidement entre nous deux, que nous n’avions plus qu’à rengainer nos instruments de colère, si nous tenions à ne point l’immoler à notre sottise. Elle fit un geste alors et son tyran s’éloigna ; puis, se rasseyant sur le bloc que nous venions de quitter, elle me montra une place à ses côtés : mais je ne tenais plus sa main, je ne sentais plus ses genoux, ni ses épaules, ni sa douce haleine.
– Parlez, madame, lui dis-je alors, car je brûle d’apprendre… et même de venger, s’il faut, ajoutai-je d’une voix pleine de menaces qui n’étaient certes point à son adresse.
Je me croyais fier et digne, mon ami, lorsque je n’étais que s*t. Personne ne releva ma fanfaronnade.
– Franco, me dit la douce voix de mon interlocutrice, est le dernier débris d’une famille royale de la France de l’antiquité… Oh ne doutez pas, se hâta-t-elle de dire d’un ton de reproche.
En effet, j’avais eu une pensée de doute, mais rien qu’une pensée. Comment l’avait-elle saisie ? C’était effrayant.
– Puisque les hommes d’aujourd’hui, continua-t-elle, sont les fils des hommes des premiers âges, puisque chaque fils a un père, puisque la vie de l’homme, depuis le premier jour de la création jusqu’à nous, est une chaîne dont tous les anneaux se tiennent, pourquoi voulez-vous que Franco soit un fils sans père ? Et, s’il n’est point un fils sans père, pourquoi n’admettriez-vous pas que ce père ait été un roi d’autrefois ?
– Je n’en doute plus, lui dis-je.
– Je vous forcerai bien à n’en pas douter, me répliqua-t-elle vivement, car je vous montrerai sa généalogie.
– Vous, Madame, m’écriai-je !
– Ce roi dont je vous parle, me répondit-elle avec un grand calme, cet aïeul de Franco a signé son nom sur un livre de famille, que chaque membre a signé depuis lui jusqu’à nous.
– Et ce livre, madame, dis-je avec anxiété…
– Franco n’avait que deux livres ; l’un restera ma propriété…
– Vous seriez de sa famille, lui dis-je en l’interrompant ?
– De ces deux livres donc, continua mon interlocutrice sans s’occuper de mon interruption, l’un sera ma propriété, l’autre, je vous l’abandonne, puisqu’il le faut.
– Il le faut… Ah ! c’est juste, mais pourquoi ?
– C’est un secret que j’ignore : l’ordre est formel.
– Je respecte et j’admire cet ordre, madame, dis-je avec exaltation, car mon livre, à mon sens, est un trésor.
– Un trésor bien précieux, répondit mon interlocutrice d’une voix émue, puisque c’est le seul que l’aïeul de Franco ait pu emporter dans son exil, après avoir été chassé du trône de France. C’est le seul souvenir, la seule fortune qu’il ait eu dans ses malheurs, pour se consoler de la patrie absente.
– Et… cet aïeul… vous l’appelez, demandai-je en hésitant, de peur d’un refus ?
– Antonin Ier, l’illustre chef de la race des Blanquets.
– Ainsi Franco…
– Franco est un Blanquet. Il devrait être noté dans l’histoire de France sous le nom d’Antonin 820e.
Antonin Ier fut détrôné par un infâme gargotier du nom de Bonnet, qui se fit appeler Mathurin Ier. Mais le règne de cet usurpateur fut court. De son temps la Russie, devenue toute-puissante dans le monde et étouffant dans son immense empire, laissa déborder des b****s de Cosaques qui vinrent en Europe, roulant comme un torrent qui descend des montagnes après un v*****t orage, entraînant dans leurs flots impétueux tous les royaumes qui se trouvèrent sur leur passage jusqu’à la France, qui croula à son tour et reste enfouie depuis quatre mille ans sous ces eaux immondes.
Échappé de France seulement avec un de ses fils, continua ma savante conteuse, Blanquet se cacha longtemps tantôt dans un royaume, tantôt dans un autre, se raccrochant à toutes les industries qui se présentaient sous sa main, pour vivre. Un de ses descendants vint enfin se retirer aux extrémités du royaume de Seeland, il y a bien des siècles déjà, et y resta, lui et toute sa postérité, jusqu’à Autonin 820e, vivant dans le plus strict incognito sous le nom de Franco… Comme donc le dernier des Blanquets ne laisse pas de postérité, son héritage me revient.
– Vous êtes donc aussi, madame, un rejeton de quelque famille royale de France, dis-je avec un peu d’orgueil ?
– Le chef de ma race était un chef bien célèbre dans l’histoire, me répondit avec beaucoup de modestie cette pauvre reine déchue. Seulement les historiens ont défiguré son nom. Il était empereur de France ou plutôt de Paris, car de son temps l’empereur de France n’était maître que de Paris. Cet empire si grand et si glorieux était renfermé entre les murs d’une cité. Le reste de la France était partagé en douze royaumes principaux et une foule de royautés secondaires qui avaient pris les titres de Baronies, Comtés. Duchés et Principautés, selon leur importance. Notre aïeul, honteux comme un honnête homme en face de l’abaissement de sa patrie et brave comme un héros, se leva un jour. Il réunit son peuple et sut si bien enflammer son courage, qu’il reconquit en quelques jours les duchés de Montrouge, Vaugirard et autres, et arriva ainsi jusqu’à la grande principauté de Sceaux, qui, effrayée de tant de valeur, se soumit sans combattre.
– Et vous appelez cet illustre guerrier, dis-je avec admiration ?
– Nhoel Ier, le chef et le plus illustre de la race des Merlhukeck. Il ne régna que vingt-huit jours. Au retour de sa grande et noble expédition, on le trouva un matin mort dans son lit. Il avait été pris pendant la nuit d’une apoplexie foudroyante. Il laissait deux fils dont l’aîné mourut de chagrin le jour de la mort de son père ; l’autre, se trouvant trop jeune pour soutenir le fardeau du gouvernement dans un temps si difficile, ne put régner. Ce fut son oncle Blanquet, Antonin Ier, qui prit les rênes de l’empire, jusqu’au crime de l’infâme Bonnet. De droit l’empire appartenait au fils de Nhoel Ier : c’est de ce fils que je descends directement.
– Vous êtes l’héritière de droit de l’empire français : Blanquet l’était de fait. Vous avez sans doute fusionné avec la tige Blanquet.
– Nous avons fusionné.
– Le trône vous appartient alors.
– Sans aucun doute.
– C’est votre droit.
– C’est mon droit.
– Et un droit parfaitement établi ; quatre mille ans de prétention, si je ne me trompe. Mais il sera probablement un peu difficile de faire valoir ce droit sans soldats, sans argent peut-être, sans argent ! c’est-à-dire, sans monceaux d’or et d’argent, sans force aucune, avec des mains adorables, mais des mains de faible femme, et contre les gens sauvages, ou à peu près, qui habitent la France ancienne, la nouvelle Cosaquie aujourd’hui.
– Mais mon droit, mon droit…
– C’est entendu, répondis-je en sentant monter à ma tête un feu qui bourdonnait dans mes oreilles : rien n’est plus respectable que le droit ; le droit est tout. Puisque vos illustres ancêtres ont régné sur la France, la France vous appartient ; d’autant plus que vous avez fusionné. Deux droits dès lors pour un empire, car le fait est aussi un droit, deux forces réunies. Le peuple de la Cosaquie vous comprendra, je l’espère. Seulement, madame, ajoutai-je, il vous faudrait quelques soldats au moins, quelques canons, quelques-uns de ces engins enfin que nous avons inventés, et que probablement ne connaissaient pas vos illustres ancêtres. Il vous faudrait aussi, dis-je encore en baissant les yeux avec modestie, la main ferme, robuste et intelligente d’un homme.
– Je l’ai.
– Ah !
– La voici, dit-elle très sérieusement en prenant ma main dans la sienne et la serrant avec un sentiment affectueux, que je partageai médiocrement dans le trouble où ce mot inattendu m’avait jeté. Pourtant je me remis bientôt.
– Vous êtes charmante, m’écriai-je alors avec feu. Oui, je suis tout à vous corps et âme, âme surtout. Disposez de moi, madame, mon bras vous soutiendra jusqu’au dernier jour de ma vie. Ordonnez ! Que faut-il faire ?
– Je ne sais pas encore, me répondit-elle avec beaucoup de sang-froid : nos ordres, nous viendront de l’autre monde, de Franco.
Ce nom fut une goutte d’eau froide jetée sur du lait qui s’enfle d’ébullition. Il me rendit fort sérieux. Franco n’était plus pour moi, il est vrai, qu’un Blanquet, c’est-à-dire un curieux souvenir des vieux âges, ou une petite plaisanterie de nos jours ; et pourtant ce nom-là ainsi évoqué au milieu de mes espérances les plus gaies, me rappela tout à coup cette main écrivant des mots inconnus sur la muraille d’un mort.
Qu’était-ce donc alors que cette charmante femme, recevant de lui des ordres de l’autre monde, et devinant ma pensée la plus secrète ? Cette main gravant des traits mystiques, était-ce la main d’un dieu féroce ? Cette si douce voix qui me parlait depuis une heure, était-ce la voix de la prêtresse de ce dieu ? Moi-même n’étais-je pas la victime destinée à apaiser ce dieu sanguinaire ?
J’étais dans un lieu éloigné, sauvage, sur une tombe, et, enfin de compte, j’ignorais complètement les mœurs du peuple chez lequel j’étais. Si les Seelandais passent pour des gens parfaitement civilisés, c’est-à-dire, ne dévorant pas leurs semblables, il n’eût point été sage de ma part de juger d’après eux ce petit coin de leur empire, cette peuplade oubliée dans les sables et les rochers du désert. Dans les villes les moins anthropophages, il n’est point rare de trouver une famille, quelques hommes à préjugés féroces qui tuent sans soucis et sans remords, gaiement même et par devoir religieux. Qui me disait que je n’étais pas là aux prises avec quelques-uns de ces préjugés ?
Un coup d’œil jeté à la dérobée derrière moi, trahit mon inquiétude, mais me rassura ; car ce que je craignais le plus en ce moment, c’était un sacrificateur puissant, un bourreau contre lequel il m’aurait été chanceux de lutter, un bourreau comme celui qui m’avait suivi depuis le matin ; et je ne le vis point. Mon interlocutrice, elle, n’était qu’une femme, une femme si douce, si gracieuse !… et je ne voyais point d’armes dans ses mains.
Je lui dis donc avec l’aisance parfaite d’un chevalier servant qui brûle de gagner ses éperons auprès de sa dame : « eh bien, madame, évoquez l’âme du vénérable Franco, si vous avez ce pouvoir, et sachons de suite quels sont ses ordres. »
– Oh ! ses ordres, répondit-elle avec un sourire adorable qui me perça le cœur, vous les saurez à Paris.
– À Paris, m’écriai-je ! Ah ! vous riez cruellement, madame. Il y a plusieurs milliers d’années que Paris n’est plus, si même Paris a jamais existé, car quelques-uns de nos plus érudits savants en doutent. Mais s’il a existé, il doit être aujourd’hui si bien enfoui dans des gouffres, des volcans, des mers sans fond, qu’il me faudrait toute la sagacité et l’œil perçant de ces sorciers du vieux temps, dont l’histoire nous a transmis les merveilles incroyables pour nous, pour notre civilisation savante, ou de ces somnambules, qui ont infesté les derniers temps des peuples de l’antiquité, dit-on.
Il y a bien je le sais, ajoutai-je, dans un coin de la terre, sur lequel nos savants disputent depuis des siècles, mais inconnu, parfaitement inconnu, un tout petit village, quelques huttes abandonnées sur des rochers inaccessibles, qu’on appelle Figuig, l’ancien Paris, dit-on, mais…
– Eh bien, qu’importe l’opinion de vos savants, me répondit mon interlocutrice avec autorité ! Vous êtes jeune, vous êtes curieux, vous êtes même plus savant que vos savants de la Caucasie, allez à Figuig.
J’étais atterré : ma prêtresse se tut, pour jouir sans doute de l’effet magique que ses paroles venaient de produire sur ma figure qu’elle regardait avec avidité.
D’où lui venait donc cette science ? Qui lui avait dit que j’étais un citoyen de la Caucasie, un homme qu’on appelle un savant dans ce pays, moi qui avais traversé tant de villes, tant de déserts, seul, habitant depuis un jour seulement un sol inconnu pour moi et où j’étais complètement inconnu ? Franco n’avait rien dit à personne sur moi de son vivant, et il était mort à l’arrivée chez lui de mon adorable sorcière.
– Eh bien ? ajouta-t-elle après un instant de silence pendant lequel elle plongea sa pensée au fond de mon cœur.
– Mais, madame, lui répondis-je, chercher Paris sur la terre ! J’aurais plutôt trouvé une goutte d’eau que vous jetteriez dans la mer… Si tel est votre désir pourtant, ajoutai-je avec résignation, votre désir sera un ordre pour moi. J’irai, j’irai toujours, partout ; je marcherai jusqu’au dernier jour de ma vie ; j’userai tous les instruments pour creuser la terre et y trouver Paris ; je fouillerai avec mes doigts, s’il le faut ; je me précipiterai dans tous les gouffres béants, au fond des mers, pour vous obéir. Parlez, madame, je suis à vous, tout à vous…
Ma voix tremblait d’émotion ; ma respiration était saccadée, suspirieuse, mes yeux pleins de larmes, des douces larmes du cœur.
Oh ! mon ami, si tu l’avais vue alors ! Comme sa poitrine palpitait aussi ! Comme ses lèvres tremblaient de désirs, d’espoir et d’amour… oui, d’amour, mon ami… oui, oui, d’amour. Oh ! si tu l’avais vue, si tu l’avais vue !… Je saisis avidement ses deux mains que je couvris de baisers… Je me jetai à ses genoux, sans pouvoir proférer un seul mot, mais serrant comme un frénétique ses genoux dans mes deux bras qu’elle ne cherchait point à fuir…
Tout à coup un crampon de fer me harponna par la nuque, m’enleva à je ne sais quelle hauteur et me jeta au loin, de l’autre côté du cimetière, où je restai évanoui.