LVIIINous ne sommes pas ici pour nous amuser – mettons-nous à table.
ÉDOUARD FEREY.
Il y a certaines choses que nous regrettons des temps qui nous ont précédées.
Ce n’est
Ni la poudre,
Ni les paniers,
Ni les culottes,
Ni les boucles d’oraux souliers,
Ni les épagneuls,
Ni les carlins,
Ni les petits vers, sous la régence et sous Louis XV,
Ni les grands vers, sous Louis XIV et sous Napoléon-le-Grand ;
Nous regrettons les soupers.
Les autres repas sont la satisfaction d’un besoin, le souper seul est un plaisir. Il n’y a rien qui trouble le souper. On peut souper sans souci, et avec une entière nonchalance de corps et d’esprit. Au moment où vous soupez, la maison est close ; elle ne s’ouvre ni aux importuns, ni aux huissiers, ni aux parents. – Le reste de votre journée est renfermé avec vous ; – vous n’avez plus à sortir, votre plaisir n’est pas empoisonné par les affaires qui vont suivre, vous vous réjouissez à la fois d’être sorti des tracas de la journée et d’entrer dans votre lit.
Et vous pouvez ôter votre cravate.
Ainsi nous soupons – et nous prions nos deux ou trois amis de venir quelquefois souper avec nous.
Nous ne leur promettrons pas, comme Horace
À Mécène, chevalier romain,
un vin mis en bouteille à l’époque où ledit Mécène fut par trois fois salué des applaudissements du peuple.
Nous excluons de nos soupers toute idée de politique, de gloire ou d’ambition.
Ils auront, comme dit l’Allemand :
Ein gericht und in frundlieh gesicht,Un seul plat et un visage ami.
Et encore, de bonnes causeries sortant de cœurs ouverts ; de gais et de tristes souvenirs.
Des pipes – et du tabac, dont il ne nous appartient pas de faire l’éloge – à indiscrétion.