Horoscope de TuberoChoque, Muse joyeuse, tes rauques cymbales, exhale de ta poitrine en feu de rauques mélodies ; que geais et grenouilles luttent avec toi qui chantes, et que ni celles-ci ni ceux-là ne surpassent tes aigres sons. Revêts comiquement le masque et excite le rire : il faut chanter Tubero. Qu’attends-tu ? Commence.
Comme sa mère accouchait, lasse du fardeau : « Lucine-Junon, prête-moi, secourable, bonne assistance ! » s’écria-t-elle. Sur le blême visage de l’éplorée cracha Junon, se détournant ; elle ricana et s’enfuit. Laverna vient : « Ce sera mon affaire », dit-elle en riant, et elle lave ses mains dans le Styx. Elle sert de sage-femme et reçoit le faix, tombant de la mère. À l’enfant qui vagit elle applique les premiers baisers, ivre de joie et d’espoir préconçu. Arrive Cotytto, de toutes parts en rut ; arrive le fils de Maïa, habile à parler, expert à ourdir des ruses et d’obscures fourberies ; et de-ci de-là voltigent de vagues fantômes : la Dissimulation, la Fraude, la Moquerie, l’Espoir, le Parjure. La friponne Laverna se caresse les fesses dodues de tapes légères ; elle grogne et s’applaudit. « Oh ! triomphe ! » crie-t-elle, et, sautant, elle jette des éclats de rire. « Ô cher enfant, mon honneur, ma gloire, dit-elle, que ne te présagerais-je ? De plus fourbe, nul âge n’en produira. Soit qu’à tramer la perte de gens sans méfiance, soit qu’à répandre des calomnies tu appliques ton esprit avide, nul ne t’enlèvera la palme, ô tête laurée d’une noble mentule ! Que te cèdent les Sinons et les futiles Phrynonides, que te cèdent Ulysse aussi et le rusé Sysiphe, tu seras pour moi le fort ou, au besoin, j’irai prendre mes traits, les fraudes, et tes mérites, les ruses. Mais, adroite, je n’accorderai à nul de paraître de mœurs plus honnêtes. Trompe : ainsi tu le peux sûrement. Compose ton visage ; les mœurs, cela importe moins. Qui donc ira vers toi à travers tes Symplegades ? Le crédule se vante de te connaître à fond. Est-il sage ? Il n’est pas sage. L’anneau de Gygès n’enseignait pas les voies obliques autant qu’à toi te l’enseigne l’amour des ténèbres. Ce que tu es, nul ne le saura, ô poupon, digne des embrassements de Laverna ! Pratiquant assidu des autels, habitué des temples, tu y seras en spectateur, et aussi en spectacle. Mais en dedans tu auras pour dieux la furieuse Ambition, et la pâle Envie, et la Rage de la vengeance cuisant tes moelles, et la puante Faim de l’or. Que les niais pratiquent ce qui sied, et toi ce qui t’agrée, jeune homme au nez morveux, vieillard pour les ruses. Que ne te souhaiterais-je pas ? Que ne le présagerais-je ? Tu me surpasseras moi-même. Protée, par mes propres artifices, entre tous les coquins, Héros unique. Qu’en ton sein réside ma divinité, que moi-même, Laverna, je me cherche en toi et veuille qu’on m’y cherche. »
Ici elle éternua ; l’enfant peta : ainsi accepta-t-il l’augure.
Cotytto rit et, de ses mains délicates, applaudit. Son brillant visage fleurit d’une vive beauté, ses yeux fripons exciteraient la lasciveté, même sommeillante, même engourdie par l’âge. Elle a les seins nus, nus aussi les bras et nues les cuisses taillées dans un marbre vivant, dans de la neige vivante. Mais où se cache, timidement blottie au bas du ventre, l’honnêteté du s**e, un voile de soie protège mal la partie en feu ; tu jugerais un nuage transparent. Le désir libertin l’aiguillonne ; éperdue, avec rage elle fatigue ses membres agiles de rapides mouvements ; piquée du taon occulte, spontanément elle coule, fondue en eau, et d’une blanche liqueur souille ses cuisses. « Joli enfant, dit-elle, ô comble de ma joie, comble de ma gloire et de mon espoir certain ! Initié, tu assisteras, bandant à mes mystères. Tu y présideras, brûlant d’un v*****t priapisme. Tu feras et subiras rudement, à toi seul, de rudes choses, cinède et pédicon de beaucoup le plus déterminé. Tu m’auras libérale, par mes lascivetés ! Moi aussi. Nulle salacité de la brûlante Vénus, culetant et repoussant, ne brisera la tienne, qu’avec toi, par devant ou par derrière, elle engage la lutte. Il s’émerveillera, t’enviant les reins toujours dispos, toujours égaux à tes désirs et aux miens, celui qu’on adore à Lampsaque. Nul bouclier n’émoussera la pointe du javelot ; un jour craindra les menaces du cimeterre dégainé, Pyrrha, consumée de vieillesse et tu n’épargneras pas la vieille. Tu t’élanceras en armes, gonflant d’une feinte colère ta mentule, et pas une beauté n’épuisera tes forces. Dans tes muscles fatigués renaîtra une vigueur nouvelle. N’épargne pas tes reins ; moi-même, je redonnerai du souffle à ta veine épuisée, j’y verserai la douce liqueur. Et, par Hercule ! tu ne les épargneras pas, si je te connais bien. Pour toi Vénus revêtira d’étranges figures ; enragée elle ne se refusera pas à un enragé, elle ne refusera rien non plus à ton extravagante luxure. Tu suceras, tu irrumeras : je le verrai et j’applaudirai ; en retour, tu seras sucé et tu seras irrumé. La volupté d’un plat, assaisonné de crime, s’accroît : dans tes transports la plus honteuse te sera d’autant la plus douce. Mais comment dirais-je les turpitudes de ta main gauche ? Comme elle jouera, la perverse ! Comme vite de femme elle te tiendra lieu ! Comme à sec elle engagera la stérile bataille ! Mais tout cela dans l’ombre. D’une nuit obscure tu te couvriras, toi et tes fureurs ; la perspicace envie s’émoussera, trompée par tes habiles artifices. Homme adroit, teins de rougeur ton front, d’une rougeur empruntée ; tu le teindras, et je me réjouis de le voir si bien teint, et ta face rougissante te fera croire honnête, et l’imbécile plèbe prêtera foi à l’imposteur. Que ne te souhaiterais-je ! Que ne te présagerais-je ? »
Elle se tait ; l’enfant b***e : ainsi accepte-t-il l’augure.
« Moi, je te prodiguerai à pleines mains tous mes trésors, espoirs du Styx, ô cher enfant ! » ajoute, en brandissant la verge d’or, le Cyllénien. « Je répandrai sur tes lèvres menteuses un doux poison ; on boira tes paroles ; la peste que tu renfermes touchera les cœurs, en passant par les oreilles avides. Par l’inflexion de ta voix, comme le veut l’usage, tombant avec grâce, et tes ambages merveilleux, tu feras qu’en parlant la sentence décidée en ton esprit personne ne la devine : mielleux de bouche, plein de fiel amer dans le cœur. Les Solons auront bien moins que toi enveloppé leur pensée d’un ténébreux silence. Tu seras le salut des méchants, mais l’écueil des bons ; à toi les ruines, les deuils, les meurtres, scélérat ! Habile à ourdir des ruses, avec quelle effronterie, étant noir, tu paraîtras blanc ! Comme de miel tu adouciras le poison ! Sous des roses éparses et sous la suave rosée des fleurs, comme tu cacheras l’aspic ! Par-dessus tout, tu seras travaillé du honteux amour de l’argent, et les flots précieux et au loin célèbres du Tage n’apaiseront point ta soif. Ton guide moi-même, je te suggérerai de nouveaux artifices. Tu chemineras par les sentiers ténébreux, mais sûrs, du lucre déloyal, sous mes auspices, vers d’immenses richesses ; ce qui te plaira, ce grand Jupiter le fera tourner à ton profit ; à ses genoux, suppliant, tu tomberas servilement ; tu le flatteras, remplissant en bouffon le rôle de mime. Tu ne réputeras honteux rien de ce qui seulement rapporte du gain ; ta religion sera dans ta caisse, ton Dieu dans tes écus ; la stupide Fortune se ruera dans tes bras. Je serai l’entremetteur : rien qu’à ta vue elle sentira le prurit ; et tu ne manqueras pas toi-même, habile homme, de mêler le faux au vrai, la bouffonnerie au sérieux ; ainsi les perspicaces tomberont dans tes filets, même de leur plein gré, par mes prestiges. Tu auras en toi de quoi exciter mon approbation, mon émulation, sycophante, maquereau, pendard, gonflé de ruses ! »
Ses ongles crochus démangent à l’enfant : ainsi accepte-t-il l’augure. Le neveu d’Atlas se réjouit ; Laverna hurle, chantonnant je ne sais quoi d’aigre ; la molle Catytto remue ses reins flexibles.