Poésie à la louange de Luisa par Dan. H *** B *** (On trouve à la fin du Manuscrit de Meursius une poésie à la louange de Luisa : je n’oserais dire qu’il n’y manque rien.)
Dirai-je ton génie ou tes mœurs ? ô vierge de Tolède, unique gloire ! L’âge des aïeux n’en vante pas de semblable. Les cimes du Parnasse te voudraient pour dixième Muse ; dans leurs bras t’appelleraient les Muses ; le joyeux Apollon irait vers toi, ravi, et de toi seul, parmi les Héroïnes, l’amoureuse Écho ferait résonner les bois ombreux. Audacieuse, tu as pu inspirer ce courage à la Pudeur virginale et l’habituer, timide, à une guerre en règle. Au nom de Vénus ne s’est pas enfuie la Pudeur : intrépide, elle harcèle l’ennemi qui l’insulte de ses paroles et la menace de ses rigueurs. Charmée des grâces d’une œuvre si élégante, Dioné s’a***e et, dans son vain espoir, attend des louanges nouvelles : « Allez rapides, allez, dit-elle, Amours, mais d’un coup d’aile gagnez les plaines que le Tage arrose d’or épars ; vers ses rives verdoyantes, entourez de vos jeux folâtres la jeune fille et, circonspects, écrivez les louanges de la cruelle. Nos traits pourront incendier même des âmes de bronze, lancés par cette main ; et la Vertu recevra des chaînes et suivra nos chars en captive. Ô toi qui, embaumée, surgis dans un florissant royaume, je te salue, don immortel d’une tendre jeune fille ! »
Minerve courroucée ne supporta pas ces accents ; souriante, elle rumine de nouvelles colères : « Coquine, dit-elle, c’est bien la guerre, coquine de Vénus ; rejette ces vains espoirs ; qu’une fallacieuse erreur ne te déçoive. En doutes-tu ? C’est bien la guerre ; contre toi, impure, osa ourdir ces ruses une pure vierge, d’une chasteté intacte ; elle te menace de l’épée, te serre de près, te poursuit victorieuse, toi en rut, jusqu’en tes repaires, et terrible guerrière, resplendit de dépouilles opimes. Ingénieuse, elle te combat sous tes enseignes : comment eût-elle mieux écarté les esprits des vices honteux et de toi-même, gouffre aveugle des vices ? Saine, elle étale aux yeux les ardeurs de la passion malsaine, les forfaits dégoûtants de pus infect, et les ordures des étables d’Augias, des cloaques débordés, et les fureurs que tu oses exercer dans la nuit scélérate. »
Vénus gémit et pousse des soupirs haletants : « Depuis, dit-elle, que nous virent, nues, sous l’Ida, les Dryades accourues, et que, grâce à l’arbitre choisi, j’ai triomphé, seule, j’eus à supporter toutes les colères de la cruelle Pallas. Pourquoi, sans égard à la justice, me poursuis-tu de haines iniques ? Quelle est ma faute, si je surpasse en beauté toutes les Déesses ? Continue pourtant, Pallas. Ce que tu gagneras par cette entreprise, vois-le toi-même. Mais tu oses, frivole, lancer de vaines menaces ? Tu espères pouvoir anéantir mon royaume et troubler mes joyeux triomphes ? Tu n’en feras rien. » Doucement sourit la farouche Pallas : « Non, dit-elle, une vierge à l’éclatante vertu le fera bien. Ce siècle te renversera et, vengeur, te mettra en deuil. Ces honneurs que tu déshonores, Cypris, ruffiane et p****n, elle te les enlèvera malgré ton assurance. Tu t’enfuiras, éplorée, sous le Tartare. »
Salut, nouvelle étoile qui te lèves au ciel ibérien ! Tel le Délien surgit des Indes Orientales, telle s’élève Luisa de l’occidentale Ibérie. Avec le jour, il répand à travers l’espace les ris et les chants ; pour toi, Flore exhale les odeurs suaves, et les nouveaux astres du ciel, astre nouveau, t’admirent. L’amour de la gloire te place parmi les constellations brillantes et te porte aux sublimes citadelles du vrai. Ô non pas héroïne, mais vraiment noble héros ! En dépit de la Nature, tu as semblé dépouiller ton s**e ; t’élevant bien au-dessus de lui, tu revêts le courage et les soucis Virils, et généreuse tu t’oublies et t’abandonnes toi-même. Que tu sois une Divinité heureusement envoyée des régions supérieures et issue de la céleste progéniture de Phœbus, qui le niera ? Salut, nouvelle étoile qui te lèves au ciel ibérien !