Leyth-1

2011 Words
Leyth 3 mois. Ça ne paraît rien comme ça. Mais croyez-moi que, quand on a toujours la même idée qui nous tourne en boucle dans la tête, 3 mois c’est long. Au moins, ça m’a laissé le temps de retourner le sujet dans tous les sens. Il ne faut pas que je me voile la face, c’est effectivement peut-être mon Harry, l’ex de la sœur de James. Au moins, il n’est pas mort ; bon à savoir. Non, mais franchement, depuis tout ce temps où je n’ai pas eu signe de vie, évidemment que je me suis posé la question. Enfin, à supposer que ça soit lui. Puis, Harry ? Un connard ? Non, impossible. On ne doit pas parler du même. Mais qu’est-ce que j’en sais après tout ? Ça fait plus de 10 ans que je l’ai pas vu. Je ne sais pas comment il a évolué. Tant c’est vraiment devenu un connard. Mais non… Quand même… Pas mon Harry… Et Paris ? Sérieusement ? Mais qu’est-ce qu’il ficherait là-bas ? OK, je veux bien qu’il ait déménagé, mais qu’est-ce que ses parents aillent faire à Paris ? Puis il a de la famille, ici à Londres, je suppose, alors pourquoi il ne serait pas revenu ? C’est bien Londres. Argh, mais je n’y comprends rien. Rien de tout ça n’a de sens ! Ou alors, c’est juste moi qui ne sais pas mettre les pièces du puzzle ensemble ? Rah, je ne sais pas… J’ai l’esprit trop embrouillé en ce moment… J’arrive plus à penser clairement… En plus de mes idées en vrac, Lukas me met la pression ces derniers temps… Il se demande pourquoi je ne le présente pas à ma mère… Il m’a demandé si j’avais honte de lui. Je réponds quoi à ça, moi ? Évidemment que non, je n’ai pas honte de lui. Mais je ne veux pas lui présenter ma mère parce que j’ai peur de la réaction qu’elle pourrait avoir. Même si je devine à peu près ce qu’elle fera – et que ça ne serait pas beau à voir–. Il s’impatiente, je crois. Puisqu’il m’a présenté à ses parents, il doit attendre que je fasse la même chose, non ? Mais c’est plus compliqué que ça. Et c’est de ça dont j’ai honte, je ne veux pas qu’il sache que ma mère est stupide à ce point. Au début, j’esquivais le sujet, mais maintenant je ne peux plus éviter l’inévitable. Je repousse un peu plus le moment fatidique. J’ai l’impression d’être un agneau emmené de force à l’abattoir. Quelle merde. En plus, j’ai peur qu’il me quitte s’il apprend que ma mère est homophobe. S’il me quitte à cause de si peu — parce qu’en soi, c’est ma mère la conne de l’histoire, pas moi. On le vit très bien pendant qu’elle ne le sait pas–, alors ça veut dire qu’il ne m’aurait pas tant aimé que ça, et ça voudrait dire que j’aurais perdu mon temps –et un bout de mon cœur au passage– pour rien ? Non nonnon, Leyth, tu pars loin. Ouais, mais s’il tourne la page parce qu’il ne supporte pas que ma mère ne l’accepte pas ? Et si- -Leyth, tu recommences. La voix de Nathan m’interrompt. — Hein ? Quoi ? Qu’est-ce que je recommence ? Je demande en me redressant, perdu. — Ça, tes dessins vaudou et ta léthargie bizarre. Je fronce les sourcils et remarque que sur la feuille devant moi sont dessinées plus de spirales que de mots. Je suis venu passer l’après-midi chez le blond pour qu’on révise notre prochain contrôle de philosophie, et à travers le tas de motifs, je repère à peine deux phrases, dont une citation. Hum, je n’ai pas dû beaucoup travailler avant de griffonner tout le reste. Je grimace en soupirant. — Désolé… J’étais… Je pensais à autre chose. — Bah !J’ai cru voir ça, ouais ! Encore cette histoire ? — Laquelle ? — À toi de me dire laquelle des deux. — Les deux… — Bah !Au moins, c’est fait. Pour ce qui est d'Harry, tu devrais arrêter d'y penser parce qu'il- -Mais t'es mignon, toi ! C’est facile à dire ! Mets-toi à ma place un peu pour voir ? Je le coupe. — Ferme ta gueule et laisse-moi parler, tu veux ? Merci. Y’a un milliard d’Harry sur cette f****e planète, arrête de psychoterce n’est pas le tien qui s’est tapé la sœur de mon pote. Et- -Mais il a dit qu'il habitait à Londres y'a dix ans, ça ne peut pas être une simple coïncidence ! Je le coupe à nouveau. — Coupe-moi la parole encore une fois et je t’enfonce mon poing tellement fort par la gorge, qu’il va te ressortir par le cul. Il s’agace.Il y en a des milliers de Harry en Angleterre, c’est un des prénoms les plus courants. Même le prince s’appelle Harry, bordel.Il continue, blasé.Si tu crois que je vais continuer à te regarder t’enfoncer six pieds sous terre à cause de ce con qui fait silence radio depuis la nuit des temps, tu te trompes. Et je jure devant Dieu que si je le croise un jour, il se prend mon poing dans la gueule avec toute la délicatesse dont je sais faire preuve.Il affirme. Et je ne souris même pas. Parce que je sais qu’il en est capable. Et que ses cinq ans de judo quand il était plus jeune pourraient faire manger la poussière à Harry. Je continue alors à le fixer bêtement pendant qu’il reprend. — Et pour Lukas, réagis. Soit, tu le largues parce que tu te chies dessus de le présenter à ta mère, soit, tu lui roules la pelle de sa vie devant elle. Mais tu ne restes pas à attendre comme un couillon. Parce qu’il est en train de bouillir, et crois-moi que ce n’est pas parce qu’il a envie de te faire du sale. Ce n’est pas correct de le faire attendre comme ça. Il doit penser que c’est une marque de respect envers lui de le présenter à ta mère, c’est la moindre des choses. Tu peux aussi lui parler des raisons pour lesquelles tu ne veux pas le présenter à ta mère, et alors là tu verras sa réaction. Soit il accepte et vous attendez que tu trouves un chez-toi ou que t’ailles habiter chez lui, même si c’est déjà quasiment le cas vu le temps que tu passes chez lui, soit vous vous démerdez autrement. Mais p****n, écoute-moi bien Leyth Winston Travis, tu vas porter tes couilles une bonne fois pour toutes et sortir la tête de l’eau avec tout ça. Parce que ni Harry ni Lukas ne continueront à t’entraîner vers le bas, est-ce que je me suis bien fait comprendre ? Il demande, le ton grave et sérieux. Là, tout de suite ? J’ai envie de me barrer. Fuir comme un gros lâche. Parce que, premièrement, il m’a mis mes quatre vérités dans la gueule, et il a affiché ça avec tellement d’aisance que j’en suis déconcerté. Deuxièmement, la manière dont il m’a dit tout ça m’a fait m’enfoncer dans ma chaise comme pour disparaître, j’ai concrètement l’impression d’être un gamin de cinq ans qui se fait engueuler par son père. Je préférerais être n’importe où ailleurs plutôt qu’ici à affronter le regard que me soutient Nathan. Alors pour toute réponse, j’acquiesce. J’ai les larmes aux yeux et la gorge tellement serrée que même un soupir ouvrirait les vannes. — Bien ! Il répond, changeant radicalement d’expression. Il est redevenu le Nathan que je connais, le joyeux. Comment il fait ça ?! — FIFA ? Il propose, comme si les dix dernières minutes n’étaient pas arrivées. — Euh…Je commence, déconcerté. Je ne peux pas, j’ai mon cours de dessin dans… Je dis en regardant l’heure sur mon portable.Merde. Je suis en retard. J’annonce en soupirant et en me levant pour rassembler mes affaires. — Allez, viens, j’t’emmène espèce de boulet. — Oh !Tu me sauves ! — Ouais, j’sais, j’suis Superman. Allez, bouge ! On rit et je finis de boucler mon sac avant de le suivre vers sa voiture. — Jamais tu ne penses à passer ton permis, toi ? Maintenant que t’as 18 piges, t’sais. Il demande en montant derrière le volant avant d’allumer le moteur. — Pas l’temps… Entre le foot, le lycée, les cours de dessin, Lukas. J’ai un emploi du temps de ministre t’sais pas c’que c’est eh ! Je ris en attachant ma ceinture. — Nan, mais déjà, pourquoi tu continues à prendre des cours de dessin alors que de un, tu te tapes ton prof, ce qui n’est pas si productif que ça, et de deux tu sais dessiner ? — Parce que ma mère trouverait ça louche que j’arrête d’un coup. — Hm…Il souffle, pas convaincu. Le reste du trajet se passe dans le silence le plus complet. Pas même la radio ne vient perturber le froid glacial qui nous balaie. J’ai rarement vu Nathan dans cet état. Ça ne lui ressemble pas. Alors dès qu’il se gare devant chez moi, je soupire en voyant Lukas assis sur mon perron, les yeux rivés sur son portable, et je me détache pour me retourner vers le blond. — Nathan qu’est-ce qu’il se passe… ? T’es… Différent. Je dis. — Je te l’ai dit, Leyth. Je ne supporte pas de te voir te foutre en l’air à cause de ce connard d’Harry. Le mec a visiblement–il commence avant de se stopper comme s’il venait de réaliser qu’il n’avait pas le droit de dire ce qu’il allait dire. Peu importe. Je n’aime pas te voir comme ça, c’est tout. Je sais que je ne peux rien faire pour t’aider et ça me fait rager. — Tu fais déjà plus que ce que tu penses Nathan… — Ce n’est pas assez ! Il s’énerve avant de se reprendre en soufflant. Va rejoindre ton Jules, il t’attend dans le froid, le pauvre. Il me dit en me l’indiquant du menton. À cette réplique, je sais que la discussion est close et qu’essayer de la poursuivre serait vain. Je soupire et prends le blond dans mes bras en lui murmurant un petit « merci » à l’oreille avant de sortir sans attendre la moindre réponse. Je m’avance ensuite vers mon petit-ami, en affichant mon plus beau -faux — sourire. Toute cette conversation avec mon ami m’avait vraiment chamboulé. Lorsqu’il me voit arriver, il se relève en vitesse et vient m’enrouler de ses bras. -Maaaaaah lâche moi, t’es gelé ! Je ris en essayant de me dégager. — C’est ta punition pour m’avoir fait attendre une demi-heure sur le palier ! Il se joint à mon rire et se penche pour m’embrasser. J’y réponds avec plaisir, même si la froideur de son visage me fait froncer le nez. — On devrait vraiment rentrer, tu vas choper la crève. Je m’amuse. — La faute à qui ? Je me dépêche de déverrouiller la maison avant d’y pénétrer, suivi de près par Lukas. La chaleur nous enveloppe aussitôt et un soupir de soulagement traverse les lèvres du brun, ce qui me fait sourire. — T’as faim ? Tu veux manger quelque chose ? Je propose en partant vers la cuisine. — Toi ? Il propose avec un sourire en coin. — Luke ! Je râle. Je baisse la tête en fonçant loin de lui parce que j’aurais pu jurer avoir viré au rouge pivoine plus vite qu’une Ferrari monte à 100 kilomètres-heure. Et je l’entends rire derrière moi. — T’es mignon. Il s’amuse en s’assoyant sur une chaise de bar. — Tu m’embêtes. — T’aimes bien. — Ce n’est pas le sujet. Je contre. — Tss, t’es un enfant. Il sourit. — T’aimes bien. — Ce n’est pas le sujet. Il réplique. Je lève les yeux au ciel, retenant un sourire et je sors un paquet de gâteaux pour le poser sur le bar, puis je pars m’asseoir sur la chaise à côté de Lukas. Il attrape le paquet et m’en propose –ce que je décline– avant qu’il n’en prenne un pour croquer dedans. À la place, j’attrape une banane dans le panier de fruits posé devant nous et je m’apprête à l’éplucher quand la voix à côté de moi laisse mon geste en suspens. — Je ne ferais pas ça si j’étais toi. Il m’annonce. — Quoi ? Mais pourquoi ? Je demande en inspectant le fruit comme si c’était l’élément d’un dossier secret de la NASA. — J’ne suis pas sûr de réussir à rester sage si tu manges une banane à vingt centimètres de moi. Il dit sérieusement. Je fronce les sourcils et penche la tête sur le côté en essayant de comprendre pourquoi il dit ça, avant de réaliser. OH ! À l’heure qu’il est, mes joues ne sont plus rouge pivoine, mais elles ont carrément pris feu, alors que Lukas est mort de rire à côté. Je repose le fruit dans le panier comme s’il m’avait brûlé. — Mais t’es intenable ce soir ma parole ! Je lance, gêné. — Mais quoi ! Je n’y peux rien ! Il se défend. — Range tes hormones Don Juan, on a un cours qui nous attend. Je dis en me levant. — De biologie ? J’ai beaucoup aimé le chapitre sur l’éducation sexuelle, il était vachement constructif ! Il rit en me suivant dans le salon. — Crois-le. Je m’amuse. — Bah !J’veux bien, mais tu brises mes rêves ! Il m’accuse. — Pauvre chéri, j’te plaindrais si j’avais le temps ! Il lève les yeux au ciel et s’assoit sur le canapé avant d’attraper mon carnet de croquis pour voir où on s’était arrêté la dernière fois. Finalement, le cours démarre tranquillement, on reprend les dessins abandonnés à la fin du cours dernier, et tout se passait bien jusqu’à ce que, pendant que j’esquissais l’ombre d’une rose, Lukas passe ses doigts sur mon bras. Je fronce le nez et dégage mon bras doucement, en continuant mes coups de crayon, mais ce n’est pas ce qui l’a dérangé, au contraire.
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