Leyth

1112 Words
Leyth 6 ans. 6 ans que j’attends comme un débile. Une lettre, un sms, une colombe, une bouteille à la mer, je ne sais pas, n’importe quoi, mais quelque chose. Au fond, je sais que j’espère dans le vide, mais il faut que je me raccroche à quelque chose. Pourtant Dieu sait à quel point je le déteste. Vraiment, je le hais pour ce qu’il a fait. À cause de lui, je n’ai plus réussi à refaire confiance à qui que ce soit. Pas même à ma mère qui me l’a caché pour soi-disant « ne pas me faire de mal ». Connerie. Elle m’en a bien plus fait en ne me disant rien. Mais pourtant je continue à vouloir le voir redébarquer dans ma vie, comme le con désespéré que je suis. Je sais que je ne devrais pas. Mais c’est mon premier meilleur ami. Comment on est censé retourner au point de départ quand on est allés aussi loin dans ce voyage d’apprentissage ?! Franchement, je n’ai pas envie que quelqu’un prenne sa place même s’il n’est plus là, je n’ai pas envie que quelqu’un essaie non plus. Et j’y ai bien réfléchi, à cette situation. Un an après que maman m’ait dit qu’Harry avait déménagé, je me suis fait la réflexion que je ne devrais pas lui en vouloir, étant donné qu’à 6 ans on n’a pas un quelconque regard sur les actions de nos parents, Harry ne pouvait pas refuser de déménager. Donc de ce côté-ci, ce n’est pas de sa faute. Mais c’est entièrement de sa faute s’il ne m’a donné aucun signe de vie depuis son départ. Certes, j’aurais pu lui écrire, mais ce n’est pas moi qui l’ai abandonné alors ce n’est pas à moi de le faire. Et en plus, je n’ai plus son adresse vu qu’il en a changé, alors que moi je n’en ai pas changé. Il m’a abandonné alors qu’il m’avait promis qu’il ne le ferait pas. Et ensuite, il fait le mort. Quel lâche ! Bien sûr, j’ai réussi à me faire des amis après ça, encore heureux. Mais, ça n’a jamais été rien de plus que des camarades à qui je ne confie jamais rien. J’en change quasiment à chaque nouvelle rentrée, alors à quoi bon s’attacher ? Je l’ai déjà fait une fois, et voilà le résultat. Pourtant j’étais jeune quand j’ai rencontré Harry, et j’étais encore jeune quand il est parti alors ça aurait dû être plus facile de l’oublier. J’ai beau avoir essayé un milliard de fois, ça s’est toujours soldé par un échec cuisant. J’ai 12 ans maintenant, je suis grand, je devrais passer au-dessus ! Mais non, impossible. C’est franchement rageant ces échecs à répétition. Alors aujourd’hui je vais essayer de faire un effort. Aujourd’hui, c’est un nouveau jour de rentrée alors je vais essayer de ne pas passer ma journée à attendre quelqu’un qui ne viendra pas. Après avoir rapidement petit-déjeuné en évitant soigneusement ma mère, je monte me préparer en répétant ces gestes qui sont devenus habituels. Je pars ensuite en direction du collège et je rejoins mon groupe d’amis de l’année dernière avant que nous partions voir la liste des classes affichée sous le préau. Cinq minutes de recherche plus tard, nous trouvons enfin notre classe et nous remarquons avec joie que presque toute notre classe de l’année passée est ensemble cette année, c’est une première ! Nous rejoignons notre salle avec notre professeur principal et mon regard fouille, malgré moi, parmi les groupes de personnes que nous dépassons. Bon sang, Leyth arrête de faire ça, tu perds ton temps ! Je soupire et suis mes copains au travers des rangs avant de trouver une place au fond. Après tout, je n’ai pas à me plaindre ; je suis entouré par tout un tas d’amis et sans être très populaire je ne suis pas non plus un paria. Je suis juste moi, Leyth Travis, et je mène ma petite scolarité tranquillement. Pourtant, même si je ne suis pas peu entouré, j’ai souvent l’impression d’être seul. Seul sans mon meilleur ami. Mais arrête de penser à ça, bon sang ! À nouveau, je soupire et je reporte mon attention sur le professeur devant nous qui avait déjà commencé son speech de rentrée. — ... Je vous emmènerai chercher vos manuels scolaires, en attendant je vais vous distribuer vos carnets ainsi que vos emplois du temps. Pendant ce temps, j’aimerais que vous me remplissiez une fiche d’identité afin que je puisse un peu mieux vous connaître. Vous y écrirez....... Ça y est, j’ai déjà décroché, c’est trop ennuyant. Tous les ans, c’est la même chose, on connaît la chanson maintenant. Blasé, je sors une feuille de papier et griffonne ce que demande le prof, puis ayant fini en avance je me mets à gribouiller quelques dessins dans les coins. Il y a de bonnes habitudes qu’on ne perd jamais. Quand j’y pense, je n’ai jamais abandonné ce rituel du silence et des dessins, sans même y faire attention. Toujours une dizaine de minutes pendant les pauses, j’ai envie de me poser, ne plus parler et gribouiller. Parfois, je n’ai pas de feuilles alors je gribouille sur ma main, quelquefois c’est le stylo qui manque alors je me contente de dessiner des arabesques sur mon bras ou sur ma jambe avec mes doigts. C’est inconscient, mais c’est devenu habituel, j’y suis bien trop habitué pour l’abandonner. C’est tout ce qui me reste d’Harry. Au fil des années, je me suis même trouvé une passion pour le dessin, et je l’approfondis avec quelques cours par semaine, en dehors de l’école. Enfin bref, le professeur qui ramasse ma feuille m’arrache à mes pensées et un sourire se peint sur son visage quand il voit les coups de crayon dans le coin. Une fois qu’il a fini de récupérer les feuilles de tout le monde, je range mon carnet de correspondance et mon emploi du temps qu’il avait posé sur mon bureau et il nous demande de nous lever pour aller chercher nos bouquins. C’était long. Et mon cartable est passé d’un poids plume à un poids mort ; j’ai l’impression d’y avoir lâché une enclume. Je souffle et râle dans ma barbe avant que le professeur nous dise que nous pouvons quitter l’établissement. Devant le portail, quelques-uns de mes amis m’ont proposé d’aller jouer un match de foot avant de rentrer à la maison et j’ai hésité un moment avant de poliment décliner. D’un côté, ça pourrait me changer les idées et me faire du bien de me défouler, mais de l’autre, mon sac pèse deux tonnes cinq et je n’ai pas envie de rentrer trop tard, car je veux me retrouver seul. Alors après les avoir salués je reprends le chemin de la maison, non sans jeter un coup d’œil en arrière pour m’assurer qu’une petite tête bouclée ne m’aurait pas suivi –par le plus grand des hasards–, et évidemment chaque fois que je me retourne, je fais face au vide. En arrivant, je monte jeter mon sac dans un coin de ma chambre puis redescends prendre mon goûter. Maman est dans le salon ; j’entends la télé. Rapidement ensuite, je monte m’étaler de tout mon long sur mon lit. Lorsque je repasse le déroulement de la journée dans ma tête, la réalité me gifle de plein fouet. J’ai échoué. J’ai passé ma journée à attendre quelqu’un qui n’est pas venu.
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