IIILe Parisien était loin d’imiter la criminelle conduite de Griffard. Il ne contribuait pas peu, au contraire, à reculer, sans s’en douter, l’occasion impatiemment attendue par les conjurés.
Rien ne pouvait attiédir le zèle de ce brave et loyal matelot. Il avait recours à de singuliers calmants, pour apaiser l’irritation morale, en même temps que l’inanition physique de ses camarades. Dès que le soir arrivait, et l’appétit par conséquent, il se hâtait de leur narrer quelqu’une de ses nombreuses historiettes en guise de réconfortant. Il leur en débitait ainsi jusqu’à ce qu’ils s’endormissent ; et, plus d’une fois, il arriva que la voix facétieuse du conteur favori leur fit momentanément oublier d’intolérables souffrances.
Un soir donc (c’était le neuvième jour de leur triste navigation), le Parisien ayant remarqué, parmi les groupes qui se tenaient à l’ayant du radeau, un peu plus de mystère encore et de sourde agitation que d’habitude, il se hâta de crier à haute voix :
« – Allons, enfants, venez ici ! Je vas commencer ma distribution ordinaire de farces. Qui est-ce qui en veut ? Qui veut que je lui serve un plat de ma façon ? »
Après cette invitation séduisante, le Parisien s’assit à l’arrière du radeau. Ses pâles auditeurs s’étendirent autour de lui ; et alors, sur l’invitation expresse de Lavenette, il reprit ainsi la parole :