VIIIOr donc, depuis ce moment, mon cousin végéta en toute liberté dans le palais royal. Il avait même la satisfaction de se voir présenter les armes par les factionnaires du château, comme à la bête favorite de Sa Majesté.
Ce fut un emploi qui lui fit bien des envieux !
Mais le monarque l’aimait chaque jour davantage. Mon cousin lui parlait de notre globe, lui racontait nos usages, nos idées, nos préjugés, nos divisions, nos institutions, nos plaisirs, nos arts, notre littérature, nos sciences, etc. Cela faisait beaucoup rire le roi. Les courtisans riaient de le voir rire, et le peuple riait de voir rire les courtisans.
Tant il est vrai que, là-haut comme ici-bas, il suffit qu’une chose soit inconnue pour que le vulgaire la trouve ridicule. L’espèce des Laroutine est partout fort nombreuse.
« Mais assez causé pour le moment, » dit le Parisien, en promenant ses yeux sur l’auditoire qui l’écoutait avec la plus vive curiosité ; « voici qu’il est deux heures du matin à la grande horloge du ciel. Il est temps de se coucher. Dormez en paix. Qui dort dîne. Si vous continuez d’être bien sages, je vous conterai la suite, et peut-être la fin finale de la chose. En attendant, bonsoir la compagnie ! Ne faites pas de mauvais rêves : cela trouble la digestion. »
Le lendemain, la répartition des vivres ayant été moins copieuse encore que les fois précédentes, le Parisien crut devoir commencer d’autant plus tôt sa distribution de facéties supplémentaires. L’infatigable narrateur prenait à tâche, comme l’adroite sultane des Mille et une Nuits, de renvoyer chaque jour au jour suivant la conclusion de ses contes.
Il reprit donc ainsi de fort bonne heure :
Chapitre troisièmeSUITE DE LA SUITE À LA SUITE DE LA SUITE DE L’HISTOIRE FANTASTIQUE DE MON COUSIN LAROUTINE, ET DE SON GRAND VOYAGE AU FIN FOND DE LA LUNE.
Tableau de la superbe ville de Krrrrrrstvlmfbcchqdngzx. – Ses édifices particuliers, ses mœurs, ses monuments publics, ses institutions. – Désintéressement de ses hommes d’État, et autres choses rares et curieuses. – Comme quoi mon cousin devient un brandon de discorde pour les peuples de la Lune. – Complication de la crise actuelle. – Conflagration générale. – Épouvantable mêlée. – Où l’on voit de quelle philanthropique manière les habitants de la Lune guerroient. – Combat à la tragédie blanche. – Charge au drame échevelé. – Résolution désespérée de Laroutine. – Son superbe discours à ce sujet. – Ce qu’il fit pour se tirer de peine. – Impuissante douleur des puissants monarques, Brrrrrr et Crrrrrr. – Bon voyage ! – Conduite atroce et même peu délicate de l’astucieux Qssssssss. – Conclusion. – Morale. – Triste retour à la réalité.