CHAPITRE 1
Trois ans plus tard
orbite de la Terre
Vaisseau de guerre Rayon I
L’ascenseur arriva au niveau de la baie à navettes, les portes s’ouvrirent et Adalard faillit percuter Ha’ven. Une énergie nerveuse vibrait dans tout le vaisseau et alimentait le pouvoir d’Adalard. Il avait un besoin urgent d’en décharger une partie.
Tous les guerriers non accouplés étaient impatients de rencontrer quelques belles femelles sur la planète en contrebas. Adalard avait cependant insisté sur le fait qu’ils devaient se montrer très discrets. Rien n’amenait plus de problèmes que de fraterniser avec les locaux qui ignoraient l’existence des extraterrestres. Il avait vu de ses propres yeux le désastre qui pouvait en découler. À en juger par l’expression de Ha’ven, celui-ci devait penser la même chose.
— Où est-ce que tu vas ? exigea de savoir ce dernier.
Adalard sourit à son frère aîné et ajusta le sac qu’il portait.
— Explorer un peu. Vous êtes prêts à partir, Emma et toi ? répondit-il en essayant de le contourner.
Ha’ven ne le laissa pas passer et son air renfrogné s’accentua encore. Visiblement, il n’allait pas pouvoir se sauver aussi vite qu’il l’avait espéré.
— Explorer ? Quel genre d’exploration ? Où ? Tu seras parti combien de temps ? l’interrogea distraitement Ha’ven.
Adalard haussa un sourcil.
— Oui, explorer… la planète, et si je dois t’expliquer quel genre d’exploration, c’est que ça fait trop longtemps que tu es accouplé. Ne t’inquiète pas. Je sais quand le vaisseau doit partir, je serai rentré bien avant.
Ha’ven ouvrit la bouche pour protester, mais soupira plutôt et afficha un sourire en coin.
— Bien sûr. Mais tu ne m’empêcheras pas de m’inquiéter. On dirait que les ennuis te trouvent toujours, où qu’on aille. Plus on se rapproche de la planète et plus je me demande si ce n’est pas une erreur. Je n’arrête pas de me dire que tout ira bien.
— Mais oui, tout ira bien, le rassura Adalard.
Ha’ven grimaça.
— Je sais… c’est juste que je suis distrait. Je m’inquiète pour Emma. Puisque tu tiens tant à aller sur la planète, est-ce que tu peux me rendre un service ? Trisha m’a demandé de rencontrer Mason Andrews et Chad Morrison au ranch de Paul pour vérifier que tout va bien. Si tu pouvais faire ça, ça me ferait gagner du temps. Dis-leur bien que Paul et les femmes vont bien et sont heureux.
— Oui, je peux faire le point avec eux. Autre chose ? s’enquit-il sèchement.
— Non. En ce qui me concerne, ce voyage n’a qu’une mission et ce n’est pas que tu, ou qui que ce soit d’autre à bord de ce vaisseau, ailles briser le cœur d’une pauvre Humaine, l’avertit Ha’ven.
Amusé, Adalard secoua la tête.
— Mes hommes ont besoin de souffler un peu, Ha’ven. Ils ont passé trop de temps dans l’espace. Accorde-leur le crédit de savoir se tenir.
Son frère se renfrogna.
— Ce n’est pas ton équipage qui m’inquiète. Dois-je te rappeler le nombre impressionnant de messages que l’officier de communication du vaisseau a reçu rien qu’au cours du mois dernier de la part de tes innombrables admiratrices qui voulaient savoir quand tu reviendrais ?
— Que veux-tu, je suis bon au lit.
Adalard rit devant l’expression gênée de son frère jusqu’à ce que Ha’ven s’immobilise soudain et se tourne, son visage s’illuminant alors que sa petite compagne blonde venait vers eux. Il était toujours étonné de voir combien son frère était épris… et combien il était reconnaissant que celui-ci avait trouvé Emma. Elle avait littéralement sauvé la vie de Ha’ven, et ce, plus d’une fois.
Adalard lui sourit. Elle lui fit un sourire timide, son regard glissant avec hésitation sur la longue cicatrice qui lui barrait la joue.
— J’espère que tu feras un bon voyage, Emma, dit-il tandis qu’elle les rejoignait.
Il lutta pour réprimer un sourire lorsqu’il vit Ha’ven passer affectueusement un bras autour de la taille de sa compagne. Son frère lui adressa un signe de tête reconnaissant. Le couple avait l’intention d’aller chercher la mère d’Emma dans la maison de retraite où elle vivait. Il ne pouvait qu’admirer son aîné, qui embrassait le rôle de chef de famille. Pour sa part, il préférerait affronter une dizaine d’assassins plutôt que d’avoir à s’occuper d’une compagne, ou pire… d’enfants. Un frisson de dégoût le parcourut. Il laissait aux Valdiers, au pauvre Vox et à Ha’ven le soin de se reproduire. En outre, grâce à ce dernier, il n’était pas tenu de produire un héritier Ha’darra.
— Merci. Tu vas quelque part ? s’enquit-elle poliment.
Il réajusta le sac et haussa les épaules.
— Je pensais explorer un peu plus ta planète. On ne sait jamais quelles informations utiles on pourrait trouver, dit-il, un sourire aux lèvres.
— Oh. J’ai peur de ne pas pouvoir te donner de recommandations. Mes parents ne voyageaient pas beaucoup quand j’étais jeune et… la seule fois…
Sa voix mourut.
— Adalard s’en sortira très bien tout seul, intervint rapidement Ha’ven. Il se rend au ranch de Paul. Un Humain sur place pourra l’aider.
Adalard acquiesça d’un signe de tête.
— Se perdre fait partie du plaisir. Qui sait ? Je trouverais peut-être une femelle qui proposera d’être mon guide, plaisanta-t-il avec un clin d’œil.
Emma écarquilla les yeux et rougit.
— Oui, eh bien… euh… bonne chance, balbutia-t-elle.
— La ferme. Tu la gênes, râla Ha’ven.
Avec un sourire affectueux, Adalard s’inclina légèrement devant elle.
— Toutes mes excuses, Emma. Je ferais mieux de partir avant que ton compagnon ne me défie, plaisanta-t-il.
Emma gloussa.
— J’ai vu ses bleus quand il revient de l’entraînement avec toi. Amuse-toi bien et sois prudent, dit-elle en souriant.
— Toujours pour le premier et jamais pour le second, répondit-il avec un signe de la main.
Il s’éloigna, un sourire aux lèvres. Quitter ce vaisseau un moment lui ferait du bien. Il étudia la baie à navettes. Le Rayon I n’était pas des plus grands. Son frère jumeau, Flèche, l’avait conçu pour qu’il soit rapide, maniable et furtif.
— Commandant Ha’darra, appela un guerrier en se hâtant vers lui.
Adalard ravala un grognement exaspéré.
— Qu’y a-t-il, Quill ? demanda-t-il impatiemment.
— Je voulais vous prévenir que j’ai découvert un module endommagé sur votre navette… et ceci, répondit-il en lui tendant un petit cylindre argenté.
Adalard plissa les yeux en regardant le dispositif de localisation.
— Où est-ce que tu l’as trouvé ? exigea-t-il de savoir.
— À l’intérieur du boîtier extérieur du brûleur. Celui qui l’a installé a mal fait son travail. Quand le module a brûlé, il a court-circuité le dispositif de localisation. Les registres montrent que le module a brûlé lors de votre voyage de retour du spatioport de Kardosa le mois dernier.
Adalard fit rouler le cylindre dans sa main avant de le tendre à Quill.
— N’en parle à personne. Examine les journaux vidéo et effectue un scan pour trouver le fabricant de l’appareil. Je veux savoir qui l’a mis dans ma navette, ordonna-t-il.
Quill inclina la tête.
— Oui, monsieur.
— Et Quill, fais un scan du Rayon I, ajouta-t-il.
L’homme sourit.
— J’en ai déjà lancé un, monsieur. S’il y a d’autres dispositifs, je les trouverai, promit-il.
Adalard opina du chef. Quill lui faisait beaucoup penser à Flèche. Son petit frère, d’à peine quelques minutes de moins que lui, adorait ses jouets. Lui aussi, à la différence que les siens étaient généralement doux, vivants et sexy, tandis que ceux de son jumeau avaient tendance à être mécaniques, durs, froids et mortellement dangereux.
— Je ne serais pas surpris si Flèche avait inventé un nouveau CVP avec tout le temps qu’il passe dans son laboratoire, ricana-t-il.
Il rit en pensant au Compagnon Virtuel Personnel des Valdiers, ou CVP, comme ils l’appelaient. Il devait avouer qu’il avait pris un immense plaisir à regarder celui de Trelon Reykill après que Cara, sa compagne humaine, l’avait diffusé pour tester un nouveau moyen de communication plus performant sur lequel elle travaillait. La moitié de la galaxie connue avait également eu le privilège d’en profiter.
— Je devrais peut-être mettre les femmes humaines dans la catégorie « extrêmement dangereuses », tout compte fait, songea-t-il avant de chasser cette idée.
Les femmes étaient folles, agaçantes et adorables, mais pas vraiment dangereuses… sauf Trisha, Carmen et Riley. Bon sang, même Abby Tanner-Reykill avait rôti son demi-frère, Ben’qumain, et la plupart des Humaines n’étaient guère plus douces qu’Abby ! Et il y avait Emma, la gentille et délicate Emma. Il marqua une pause sur la plateforme conduisant à sa navette personnelle et secoua la tête.
— De qui je me moque ? Elles sont toutes super dangereuses, rit-il.
Il avait hâte d’en rencontrer d’autres.