XXIIJeudi, 31 janvier. Il semblait certain que notre grand cuirassé, la guerre étant finie, allait reprendre la route de France et qu’après des relâches en Indochine il nous ramènerait chez nous pour le beau mois de juin. Il y avait bien la petite tristesse de quitter bientôt ce navire, cette vie de bord avec de bons camarades, cet amusant pays, de voir finir à jamais toute cette période très spéciale de l’existence ; mais cela se noyait pour nous dans la joie du retour. Et voici qu’aujourd’hui le courrier de France nous apporte un désolant contre-ordre : nous resterons deux ans dans les mers de Chine ! Sitôt que les glaces fondront à l’entrée du Peïho, force nous sera de rebrousser chemin vers le Nord chinois, et de recommencer, sous le mauvais soleil, le dur métier de l’automne passé :