Nate reste silencieux sous la couette. Je suis assise au bord du lit, perdue dans mes pensées, tandis que je rattache mon soutien-gorge.
— Ça va ?
Sa voix brise le silence. Je tourne la tête vers lui, offrant un sourire timide. Il s'approche, glisse une main dans mes cheveux et m'embrasse doucement.
— On en est où, nous deux ?
Ma question suspend le moment. Son regard vacille, comme s'il cherchait les bons mots. Finalement, il souffle :
— Je le pensais vraiment. Ce que je t'ai dit, tout à l'heure... je suis désolé. Je veux me racheter. Faire mieux.
Ces mots cognent contre ma poitrine. Une part de moi veut y croire, mais l'autre hésite. Je soupire profondément, mes doigts jouant nerveusement avec un pli du drap.
— C'est ta dernière chance, Nate.
Son visage s'illumine, et avant que je ne puisse réagir, il me serre dans ses bras. Nous basculons sur le lit, son poids m'écrasant alors qu'il m'inonde de baisers. Mon rire résonne malgré moi.
Puis, un coup à la porte nous fait sursauter.
— Nate ? T'es là ?
La voix de Dev. m***e.
Nous bondissons, pris de court. Je me précipite pour ramasser mes affaires éparpillées, mon cœur battant à tout rompre. Nate attrape mon t-shirt et me le lance d'un geste pressé.
— Planque-toi !
Mes yeux balayent la pièce. Il n'y a qu'un seul endroit. Je me glisse dans l'armoire, le souffle court, tandis que Nate ajuste à la hâte son t-shirt froissé.
— Ouais, j'arrive !
À travers les fentes de l'armoire, je le vois se passer une main dans les cheveux, tentant d'effacer les traces du moment que nous venons de partager. La poignée de la porte tourne et Dev entre dans la pièce.
— Qu'est-ce que tu fous ici tout seul ? La soirée est pas finie, tu sais.
La voix de Dev est animée, presque agacée. Nate, adossé au lit, tente de garder un air naturel, mais ses épaules sont un peu trop tendues.
— Je me suis allongé... J'ai pas vu le temps passer.
— Mouais. T'as pas vu Gita, par hasard ? Ça fait un moment que je la cherche. Je voulais lui dire de rentrer, mais impossible de mettre la main dessus. La dernière chose dont j'ai besoin, c'est que Ganesh m'engueule parce que je l'ai "perdue".
— Elle doit pas être loin, t'en fais pas.
— Sérieux, je sais même pas pourquoi elle nous a suivis. Je te jure, elle est pot de colle, c'est abusé. Franchement, si elle avait plus d'amis, elle passerait pas son temps à s'incruster pour se trouver un semblant de vie sociale.
Mon cœur se serre dans l'armoire. Chaque mot de mon frère me frappe en pleine poitrine. Pot de colle ? Pas d'amis ? Sa voix résonne dans ma tête, plus cruelle encore qu'elle ne l'est déjà.
Nate se racle la gorge, mal à l'aise.
— Arrête, t'es dur, mec.
— Pourquoi tu prends sa défense ? Toi non plus, t'étais pas ravi qu'elle se pointe.
— Peut-être, mais... Elle traverse la même chose que toi en ce moment.
Le silence s'installe un instant.
— Si tu le dis. Allez, viens, on y retourne.
Je retiens ma respiration en entendant leurs pas s'éloigner. Juste avant de sortir, Nate jette un dernier coup d'œil vers l'armoire. Ses yeux croisent les miens à travers les interstices. Un éclair de culpabilité traverse son regard avant qu'il ne disparaisse avec Dev.
Je reste immobile, le souffle coincé dans ma gorge, les mots de Dev tournant en boucle dans ma tête. C'est vraiment ce qu'il pense de moi ? Que je l'envahis ?
Je sors de l'armoire, maladroite, enfilant rapidement mon t-shirt. Mes mains tremblent encore. J'ouvre la porte, seulement pour tomber sur un couple éméché, riant et s'agrippant l'un à l'autre. Leur regard surpris me transperce, mais je baisse la tête et passe sans un mot.
Les escaliers semblent interminables, mes pas lourds. Une larme glisse sur ma joue, que j'essuie d'un revers rapide avant de rejoindre la cuisine. C'est toujours l'endroit le plus calme dans ce genre de soirées chaotiques. Mais ce soir, même ici, je ne trouve pas de répit.
Un type, celui de tout à l'heure, entre à son tour.
— Ça va pas ?
Je fais semblant de ne pas l'entendre, mais il insiste. Il tend un verre, l'air compatissant.
— Tiens, ça ira mieux.
Je le prends à contrecœur, offrant un sourire faible. D'une traite, je bois le contenu, espérant que l'alcool noiera mes pensées. Mais alors qu'il pose une main oppressante sur mon épaule, un frisson me parcourt. Je la repousse doucement, poliment.
— Ça va, merci.
Il n'en démord pas. Quand je me lève pour partir, ma tête tourne violemment. Une nausée oppressante monte, et mes jambes vacillent.
— Hé, doucement. T'es sûre que ça va ? Laisse-moi t'aider.
Avant que je ne puisse protester, il m'attrape par le bras et me guide vers un coin sombre sous l'escalier. Mon esprit s'embrouille davantage à chaque pas.
Adossée au mur, ma vision se brouille complètement. Ses mains, d'abord posées pour me soutenir, deviennent plus intrusives. Elles s'attardent, explorent, malgré mes maigres tentatives pour me dégager.
— T'inquiète, je suis là. Tout va bien.
Sa voix mieleuse, déguisée en réconfort, me donne envie de hurler. Mais mon corps me trahit. Mes bras restent mous, mes lèvres scellées. Je ne peux rien faire, rien dire.
Quand il tire sur mon t-shirt, je sens ma panique éclater, mais aucun son ne sort. Tout semble perdu, jusqu'à ce qu'il soit brutalement arraché de moi.
Je m'effondre au sol, le carrelage froid contre mes genoux. Ma vision vacillante capte des ombres, des éclats de mouvement. Dev est là, au-dessus de lui, frappant avec une rage dévorante.
Les cris montent autour de nous, un mélange de stupeur et d'encouragements. Des visages flous se dessinent dans la foule qui s'amasse, mais je ne distingue plus rien clairement.
Le chaos s'éloigne, remplacé par le silence. Puis, le noir complet.
***
Je reprends conscience lentement, la tête lourde, comme si un marteau battait contre mes tempes. Les sons autour de moi sont flous au départ, mais bientôt, des cris percent le brouillard dans mon esprit.
— Mais qu'est-ce qui t'a pris, franchement ! La laisser toute seule alors qu'elle connaît personne !
La voix de Ganesh, tranchante, m'arrache à ma torpeur. J'ouvre les yeux avec difficulté, clignant plusieurs fois avant de reconnaître mon environnement. Je suis chez moi, allongée sur le canapé.
— Ferme-la, sérieux ! Comment j'étais censé savoir qu'un mec allait la droguer ?!
Cette fois, c'est Dev qui réplique, sa voix chargée de colère.
Je me redresse légèrement, le cœur battant. Mes muscles protestent à chaque mouvement.
— Tu te fous de tout, en fait, c'est ça ton problème ! Même ta propre famille, tu peux pas être là pour elle. T'es pathétique !
Dev s'approche de Ganesh, menaçant, son ton devenant de plus en plus accusateur.
— Répète un peu ?!
La tension entre eux est palpable, leurs voix montant en crescendo. Je me lève tant bien que mal, chancelante, mes jambes à peine capables de me porter.
— Arrêtez-vous, s'il vous plaît.
Ma voix est faible, tremblante, mais elle suffit à suspendre leur dispute. Ils se tournent vers moi, l'un avec culpabilité, l'autre avec inquiétude. Ganesh s'approche, la mâchoire serrée.
— Comment tu te sens ?
Je n'arrive pas à répondre tout de suite. Les images de la soirée reviennent par fragments : le verre, le coin sombre, Dev frappant ce type... Mon estomac se serre, et je détourne le regard.
— Je vais... Je vais bien, murmuré-je, même si ce n'est qu'un mensonge.
Dev recule d'un pas, ses poings toujours serrés.
— Tu vois, elle va bien, lâche-t-il froidement à Ganesh avant de quitter la pièce en claquant la porte.
Le silence qui suit est lourd, pesant. Ganesh reste planté là, les bras croisés, observant la porte avec un mélange de colère et de frustration.
Je m'effondre à nouveau sur le canapé, les jambes trop faibles pour me soutenir.
— Gita... Je suis désolé.
Les mots de Ganesh sont sincères, mais je n'ai pas la force de lui répondre. Je me contente de fermer les yeux, espérant que tout cela n'est qu'un mauvais rêve.