Chapitre 26

1469 Words
Caroline J'avais bossé aujourd'hui de 10 heures à 15 heures. J'étais ensuite rentrée à la maison et j'en avais profité pour faire une petite sieste. J'eus tout de même de la peine à m'endormir, car je n'avais pas réussi à rentrer en contact avec Alessandro de tout le week-end. Il était simplement injoignable. Je ne saurai dire comment j'aurais justifié le b****r que j'avais échangé avec Thomas, mais je savais au fond de moi qu'il fallait que je trouve les mots justes. J'ai été tentée dans un premier temps de laisser les choses telles quelles, car je me disais que c'était peut-être mieux ainsi. Notre relation était encore naissante, mais je me sentais bien avec lui et surtout, je n'avais pas envie d'y mettre un terme, pas si vite ! J'avais besoin de la vivre pleinement avant de devoir passer à autre chose. Je m'étais levée vers 17 heures et avais cuisiné rapidement du riz au safran (risotto alla milanese) et je m'étais ensuite décidée à étudier. J'avais le livre de neurologie ouvert devant moi, mais j'avais l'impression que les mots dansaient devant mes yeux. Je m'étais tout de même efforcée sans grand succès, cela aussi à cause de la chaleur étouffante de cette fin de mois de juin. Il y'avait certes un climatiseur déjà installé dans mon minuscule appartement, mais je ne pouvais me permettre de l'allumer, au risque de voir ma facture d'électricité flamber. J'avais alors décidé de m'installer sur le petit transat au balcon pour profiter de la brise du soir. J'étais en train de flâner sur mes cahiers quand des éclats de voix attirèrent mon attention. Malgré le noir, je pus facilement distinguer la silhouette de Tiziana et sans grand risque de me tromper, elle était accompagnée de son puncheur. J'avais malgré tout décidé d'aller à leur rencontre bien que Tiziana m'ait assuré de loin que tout allait bien. Elle m'avait ensuite proposé de la rejoindre dans son appartement. Je pris mon souffle et toquai à la porte de Tiziana. Cette dernière s'ouvrit quelques secondes plus tard. - Viens, rentres, dit Tiziana avec un petit malaise dans la voix. J'entrai et elle m'invita à prendre place. Elle se rendit à la cuisine et se présenta avec une bouteille de vin (Prosecco) et deux verres. - Tu veux bien prendre un verre ? Ou de l'eau ? demanda Tiziana d'un air gauche en s'installant en face de moi. - Je prendrai volontiers un verre de vin, merci, lui répondis-je d'un air embarrassé. L'atmosphère était assez pesante. Tiziana ouvrit la bouteille et nous servit. On se fit un tchin avant que chacun ne porte son verre à ses lèvres. Tiziana posa ensuite son verre sur la table et leva le regard vers moi, avant de baisser immédiatement la tête. - Je voulais te remercier pour tout à l'heure, parla enfin Tiziana. Disons qu'il se faisait déjà insistant. - Il n'y a vraiment pas de quoi ma belle. En regardant votre posture d'où j'étais, j'ai préféré descendre m'assurer que tout aillait bien. - Merci, répondit Tiziana. On resta silencieuses un petit moment tandis que chacune portait son verre à ses lèvres. - T'as pas chaud là ? demandai-je en réalisant qu'elle était vêtue de manière particulièrement chaude, pourtant nous avoisinions 31 degrés. - Euh, euh, balbutia Tiziana d'un air honteux sans oser terminer sa phrase. Je la regardai d'un air ahuri avant qu'une petite idée ne fasse son chemin dans mon esprit. - C'est ce à quoi je pense ? demandai-je. Tiziana hocha simplement la tête et éclata en sanglots à cet instant. Je me levai prestement et me rapprochai d'elle. Je pris place sur le siège près d'elle et la serrai dans mes bras. Le corps de Tiziana fut secoué de soubresauts et elle laissa couler un torrent de larmes. Elle était inconsolable. Après de longues minutes, elle sembla se calmer. - Ça va aller Tiziana, ça va aller, dis-je en lui donnant de légères tapes sur le dos. - Je me sens tellement désemparée, dit-elle en s’essuyant les yeux du dos de la main. Elle se leva et alla prendre un mouchoir. Elle se moucha bruyamment et vint s'installer près de moi. - Vous êtes en couple depuis longtemps ? me harsadai-je à demander. - Oui, depuis un peu plus de trois ans. Il n'était pas comme ça au début tu sais... Je l'ai connu le jour de mon arrivée à Brescia. Je l'avais intercepté pour lui demander des renseignements. Je devais me rendre à la clinique où je bosse actuellement pour un entretien d'embauche. Quand il avait tourné le regard vers moi, j'avais immédiatement été captivée par ses yeux d'un noir profond. Il m'avait par la suite... Le regard de Tiziana s'illumina quand elle commença à me raconter sa rencontre avec cet homme. Il ne fallait pas être un devin pour réaliser que cet homme avait encore de l'emprise sur elle. - Euh, comment en êtes-vous arrivés là ? osai-je demander. Le regard de Tiziana s'assombrit à ma question. - Tu n'es pas obligée t'en parler, tu sais, dis-je en me sentant tout à coup mal à l'aise. - Euh, non, ça ne me dérange pas, répondit Tiziana avec le regard mélancolique. J'avais remarqué dès le départ qu'il était extrêmement jaloux et possessif, mais je dois avouer qu'au lieu de m'en inquiéter, je me suis sentie flattée de voir un aussi bel homme, avec une bonne position sociale batailler pour m'avoir pour lui tout seul. Il désapprouvait fortement si je devais sortir avec mes collègues de travail pour un pot après le boulot. Tiziana s'arrêta un long moment et sembla fixer le vide. - Sincèrement, je n'avais pas apprécié, mais je ne l'avais pas non plus condamné pour autant. Il avait réussi par me convaincre qu'il essayait de me protéger, de me mettre en garde afin d'éviter de mauvaises rencontres. - Tu plaisantes, j'espère ? m'exclamai-je. Tu es une grande fille, qui a boulot, un appartement que tu paies de ta poche, qui a quitté sa terre natale pour s'installer dans une autre ville et d'après ce que je vois, tu t'en sors très bien. - Tu sais, je n'ai pas pensé ainsi dès le départ. Après toutes ces années à vivre sous son cocon, j'ai commencé à me sentir à l'étroit, à vouloir me faire des amis, vouloir voir d'autres personnes que lui... - Ce qui me semble la chose la plus normale ! m'écriai-je. Je pense qu'à part la violence physique, Tiziana subissait une violence psychologique de la part de Giorgio. Elle était complètement sous son joug. - En effet, répondit Tiziana d'une voix embarrassée. Giorgio s'opposait toujours au fait que je sorte avec mes collègues, même pas avec Maura, une collègue de travail avec qui j'entretenais de très bons rapports. Justement, à un moment n'en pouvant plus, j'avais décidé de sortir prendre un pot avec Maura après le boulot, tout en sachant que Giorgio n'aurait pas apprécié. J'avais pensé lui taire ma sortie, mais dans un sursaut d’orgueil, j'avais décidé de l'en informer. J'étais quand même une grande fille et jusqu'à preuve du contraire, j'avais le droit de fréquenter qui bon me semble. Giorgio était entré dans une colère noire et était sorti de mon appartement après m'avoir bousculée rudement. Elle me narra par la suite les autres épisodes de violence physique. - Tu sais, dit Tiziana d'un ton légèrement honteux, je pense que Giorgio a peut-être besoin d'aide. - Pardon ? m'exclamai-je en me levant brusquement de mon siège et en la regardant attentivement. - À part ses crises de colère, il est vraiment un ange et nous passons des moments exceptionnels ensemble, répondit Tiziana d'une voix un peu rêveuse. Je restai à l'observer un petit moment avant de prendre la parole. - Tiziana, ce comportement de ton mec est anormal. On ne peut prétendre aimer quelqu'un sans vouloir son épanouissement. L'amour n'est pas une prison. L'amour n'est pas un ring de boxe ! - Je le sais bien, soupira Tiziana, Je reste tout de même convaincue qu'il n'est pas une mauvaise personne, car à part ces égarements, il est adorable et il les regrette toujours d'ailleurs. - Je vois, je pense que tu devrais quand même réfléchir à ce que je t'ai dit. Parfois, ces traces, dis-je en indiquant du regard ses vêtements ambles, ne sont que le début d'une longue série... - Je sais ma belle, mais d'un autre côté, j'ai l'impression de le lâcher alors qu'il a peut-être besoin de mon aide. Nous restâmes pensives toutes les deux pendant un long moment. - Je vais y aller ma belle, une dure journée m'attend demain, dis-je en pensant à Alessandro. Réfléchis tout de même à notre conversation. - Promis, répondit Tiziana en souriant faiblement. Je me levai et rejoignis mon appartement pendant que Tiziana fermait la porte derrière moi.
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