Tiziana
- Je pense que ton téléphone est un train de sonner, lança Giorgio en se tournant vers moi.
Son visage jovial de tout à l'heure était immédiatement remplacé par une mine austère.
- Euh, je sais, je vais répondre plus tard, répondis-je en essayant de prendre une expression sereine.
- Pourquoi ne réponds-tu pas maintenant ? As-tu quelque chose à cacher ? continua Giorgio sans se départir de sa mine sévère.
- Mais non, qu'est-ce que tu racontes ? m'exclamai-je d'une voix choquée.
J'avais déjà eu l'occasion au préalable de jeter un œil à ma smartwatch qui était connectée à mon téléphone et je m'étais aperçue que l'appel provenait de mon cousin Matteo. Mais connaissant Giorgio, j'avais préféré ne pas répondre à l'appel pour éviter un motif ultérieur de dispute. J'étais décidée à profiter de ma soirée que tout avait commencé de manière désastreuse.
- Bah répond donc ? s'exclama Giorgio d'un air soupçonneux.
Je me décidai donc à répondre à l'appel.
- Coucou Matteo, ça va ?
- Salut Tiziana, je vais bien et toi cugina (cousine) ? demanda Matteo d'un ton jovial.
Matteo était le fils du grand frère de mon père. Comme beaucoup de familles italiennes, nous avons grandi dans l'immeuble appartenant à mon grand-père. Ma famille occupait le rez-de-chaussée tandis que celle de Matteo occupait le premier étage. Nous avions une relation quasi fusionnelle, car nous étions nés la même année. Nous avons fréquenté la même école au primaire et au secondaire. J'avais continué ensuite avec les études universitaires tandis que Matteo avait préféré se jeter immédiatement dans le monde du travail.
- Je vais bien, lui répondis-je d'une voix assez crispée.
- Je te dérange ? demanda Matteo.
- Euh, pas du tout, rétorquai-je.
- T'es avec ton taré de copain, c'est ça ? demanda Matteo d'une voix moqueuse.
- Matte ! m'écriai-je d'un air faussement offusqué pendant que ce dernier éclatait de rire.
Matteo n'avait jamais eu l'occasion de rencontrer Giorgio, mais il avait remarqué mon malaise chaque fois qu'il appelait et que j'étais en compagnie de Giorgio.
- C'est quoi son problème à ce mec ? demanda Matteo d'une voix légèrement irritée cette fois.
- Matte, on se parle demain, nous sommes presque arrivés en discothèque.
Ce qui était totalement vrai, car Giorgio était en train de manœuvrer pour garer la voiture.
- Que voulait-il ? demanda Giorgio après avoir immobilisé la voiture.
- Je ne sais pas, nous n'avons pas eu l'occasion de parler, je le rappellerai demain, répondis-je en essayant d'ouvrir la portière de la voiture.
- Pourquoi ne pas l'avoir fait maintenant ? demanda Giorgio en posant une main ferme sur la mienne.
- Giorgio, ça suffit. Tu ne vas pas plomber l'ambiance ! Essayons de nous amuser ce soir, bref, dans la mesure du possible, répondis-je d'une voix excédée en me dégageant de son emprise et en sortant de la voiture.
Il sortit à son tour du véhicule et le contourna rapidement.
- Désolée d'être parfois aussi chiant bébé, tu sais que je t'aime n'est-ce pas ? Et je ne veux en aucun cas te perdre, murmura Giorgio d'une voix douce en me serrant contre lui.
Je me soumis mollement aller à son étreinte et il me relâcha enfin.
- Nous devrions y aller, nos amis nous attendent, répondis-je simplement en me tournant vers les autres qui étaient tous positionnés devant l'entrée de la discothèque et qui visiblement, nous attendaient.
"Nos amis nous attendent" avais-je dit. "Tes amis nous attendent" aurais-je dû dire. Car effectivement, ils étaient tous des amis de Giorgio. Je n'avais pas d'amis dans cette ville où je m'étais installée il y'a plus de trois ans.
- Tout va bien ? demanda Davide en nous observant attentivement.
- Oui, tout va bien, répondit Giorgio d'une voix faussement joyeuse.
Nous nous dirigeâmes rapidement vers l'entrée de la discothèque. Les garçons se rapprochèrent des caisses pour régler l'entrée pendant que nous attendions.
Ils nous rejoignirent par la suite et nous pûmes enfin rentrer dans la discothèque. Les lumières étaient aveuglantes tandis que la musique était assourdissante.
Quelques minutes plus tard, nous étions installés et avions commandé à boire.
- Les filles, on se bouge, hurla Rebecca d'une voix joyeuse.
Les autres filles se levèrent en flèche et je fis de même. J'avais envie de me lâcher ce soir. Je rejoignis les filles sur la piste de danse tout en me trémoussant joyeusement. Quelques minutes plus tard, je sentis des bras vigoureux m'encercler la taille et le parfum de Giorgio envahit mes narines. Il me tourna lentement vers lui et on se mit à danser tous les deux.
La soirée se déroula sans accrochage particulier. Je m'étais tout de même divertie, bien que j'avais ce sentiment mitigé de frustration en moi. Je n'avais pratiquement dansé qu'avec Giorgio, tandis que les autres filles qui nous accompagnaient avaient dansé de temps en temps entre elles et parfois avec leurs copains respectifs. J'aurais aimé moi aussi me joindre à elles quelques fois pour quelques moments de folie.
Il était déjà quatre du matin et les premiers signes de la fatigue se faisaient déjà ressentir.
- Nous allons y aller, lança Giorgio. Merci les amis, nous avons passé une bonne soirée, dit Giorgio.
- Nous allons y aller nous aussi.
Quelques minutes plus tard, nous étions devant la sortie de la discothèque et après les embrassades d'usage, chaque couple regagna son véhicule.
J'étais à présent assise dans la voiture de Giorgio. J'avais le regard tourné vers la fenêtre et observais le paysage qui défilait devant moi. Je sentais de temps en temps le regard de Giorgio peser sur moi.
- Ça va poussin ? demanda-t-il d'une voix douce.
- Ça va, répondis-je d'une voix neutre.
Le reste du trajet se fit dans le silence. J'entrai dans l'appartement de Giorgio toujours sans piper mot. Je me rendis aux toilettes pour me démaquiller et enfiler mon pyjama. Je me mis immédiatement sous les couvertures et fus rejointe quelques minutes plus tard par Giorgio. Je lui tournai obstinément le dos.
- Chérie, j'ai l'impression que tu es fâchée, dit Giorgio d'une voix douce. S'il te plaît, dis quelque chose.
- Giorgio, que voudrais-tu que je te dise ? répondis-je d'une voix désabusée.
- Chérie, je sais que tu es colère. Tu sais que je suis ainsi parce que je t'aime n'est-ce pas ? Je n'aime pas quand tu t'habilles de manière légère.
- De manière légère, tu dis ? Comment étaient habillées les copines de tes amis ? Mon habillement était parfaitement adéquat pour la circonstance ! m'exclamai-je. En plus, tu étais pratiquement une seconde peau durant toute la soirée, j'avais parfois l'impression d'étouffer.
- Je sais bébé, je sais. Tu as parfaitement raison, pardonne-moi, mais c'est plus fort que moi. Je promets de faire des efforts chérie, dit Giorgio d'une voix contrite.
- Tu dis toujours la même chose Giorgio, m'exclamai-je d'un ton dépité.
- Je sais bébé, pardonne-moi, murmura Giorgio d'un air suppliant.
Je soupirai simplement et ne répondis pas à sa supplication. Giorgio m'attira vers lui et me serra très fort dans ses bras.
- Bébé, je te promets que j'ai compris, pardonne-moi.
Il me fit ensuite un b****r sur le front et resserra son étreinte. Je me laissai finalement aller et on s'endormit ainsi dans les bras l'un de l'autre.
La journée de dimanche se déroula dans la quiétude. J'étais encore un peu remontée contre Giorgio en début de matinée, mais il sut me dérider avec ses blagues idiotes. Il avait maintenu un regard implorant toute la matinée. Je lâchai finalement prise et on passa une belle journée.
- Bébé, je vais y aller, je commence très tôt demain matin, dis-je en regardant ma montre.
- T'as raison, il est déjà 20 h là, rétorqua Giorgio. J'espère que nous n'aurions plus à faire cette navette très longtemps encore.
Je préférai ignorer sa phrase et me saisit de ma valise. Giorgio la prit de mes mains et me raccompagna à ma voiture. Il me serra dans ses bras et on échangea un b****r fougueux.
- Je t'aime chérie, murmura Giorgio contre mes lèvres.
- Je t'aime aussi, répondis-je-je.
Je montai finalement dans la voiture et m'éloignai après lui avoir lancé à Giorgio un b****r de la main. Je roulai tranquillement dans les rues désertes de Brescia à cette heure de la nuit et rejoignis rapidement mon quartier.
J'arrivai au pied de mon immeuble et remarquai que la pancarte "Appartement à louer" avait été enlevée. L'agence immobilière avait apparemment trouvé un locataire pour l'appartement en face du mien.