Caroline
Je me mis à fixer le plafond de la chambre et mes pensées me portèrent à ma dernière nuit au Cameroun. J’étais couchée dans cette même chambre avec maman qui avait fait le déplacement depuis Bagangté (ville de l’Ouest Cameroun), la ville où j’étais née et avais grandi avant mon départ pour Yaoundé afin d’y faire des cours de langue italienne. Maman était arrivée à Yaoundé en matinée afin de m’accompagner à l’aéroport le lendemain soir où j’avais mon vol prévu pour l’Italie.
Flash-back
Je suis couchée dans le lit dans la petite chambre que j’occupe chez mon frère Liam. Je suis super excitée ! Demain, je m’envole pour l’Italie afin de poursuivre mes études en médecine. J’avais un test de langue et ensuite le concours d’entrée en faculté de médecine quelques jours après mon arrivée. J’étais concentrée sur mes objectifs et je savais ne pas avoir le droit à l’erreur. J’étais fille de paysans et mon voyage avait été entièrement financé par mon frère Liam qui avait à peine fini son cursus d’ingénieur et avait commencé à travailler il y a peu.
Maman était venue de Bagangté avec des mets déjà préparés et beaucoup d’autre chose.
- Caro, dès que tu arrives tu mets le met de pistache au congélateur, tu as compris ? dit maman en s’asseyant sur le lit près de moi.
- D’accord maman, répondis-je en me tournant vers elle avec les yeux ensommeillés.
J’étais extrêmement fatiguée. J’avais couru toute la semaine pour la préparation de mon voyage.
- Caro, tu dors ? marmonna maman.
J’ouvris un œil et répondit à maman.
- Non maman, dis-je malgré tout, même si je ne rêvais que de repos.
- Ma fille, je dois te parler, reprit maman.
Le ton grave de maman me fit ouvrir le deuxième œil et je me redressai en la fixant.
- Caro, tu vas aller poursuivre tes études en Europe, ma fille, je voudrais que tu te concentres sur tes études.
- Bien-sûr maman, dis-je avec soulagement.
Le ton de maman m’avait fait un instant craindre le pire.
- Caro, tu es déjà une grande fille et je ne sais pas si tu as un copain, je n’ai jamais voulu m’intéresser à ça. Tu seras loin de nous et tu seras entièrement responsable de ta personne. Tu reviendras peut-être ici à ton prochain voyage pour nous présenter ton futur mari. Ma fille, je voudrais que tu ramènes quelqu’un de chez nous, un camerounais, tu comprends ?
- Mais maman, pourquoi cela ? demandai-je d’une voix stupéfaite.
Maman resta un long moment avant de me répondre. Elle semblait tout à coup perdue dans ses pensées.
- Tu te souviens de ma petite sœur Bernadette ? demanda maman.
- Bien sûr maman, elle était décédée en France quand j’étais encore toute petite.
Ma tante serait décédée en France près de deux ans après son départ du Cameroun. J’emploie le conditionnel parce que son mari avait informé la famille de son décès, nous n’avons jamais vu sa dépouille et ne savons même pas où elle avait été inhumée.
- Effectivement, Bernadette était allée en France pour ses études. Quelques mois après son arrivée, elle nous informa avoir fait la connaissance d’un homme, un français. Elle semblait heureuse et nous l’étions pour elle. Elle nous avait parlé au départ de leur mariage qui serait organisé ici au Cameroun, mais elle nous informa par la suite que son mari avait préféré le faire en France.
Maman avait le regard au loin.
- Quelques mois après, nous n’avions plus du tout de nouvelles de ta sœur, tu sais, nous n’avions pas toutes ces technologies que vous avez aujourd’hui. J’ai essayé d’appeler son numéro en vain. J’ai contacté son mari et après insistance, il m’informait qu’elle était décédée. Je voulus lui demander des explications, mais il ne m’en donna pas la possibilité en raccrochant et bloquant simplement mon numéro. Je rappelai à plusieurs reprises et je m’aperçus qu’il m'avait carrément bloquée.
- Je vois, répondis-je d’une voix pensive.
- Nous n’avons plus jamais eu de ses nouvelles. Maman commença à dépérir à vue d’œil, et cela, jusqu’à sa mort.
Ma grand-mère était en effet morte un an après le décès de ma tante. J’avais toujours pensé à une simple coïncidence.
- Tu sais, si Bernadette s’était mariée à un camerounais, même de l’autre bout du Cameroun, comme à l’Extrême-Nord du pays, nous aurions pu nous rendre auprès de sa famille pour demander des explications. Malheureusement, était aussi lointaine avec quelqu’un dont on n’avait aucune idée de sa famille, nous n’avons jamais pu avoir des informations sur les causes de sa mort. Ce qui m’amène à me demander si elle est encore en vie, dit maman d’un ton nostalgique.
- Je te comprends maman, mais je pense tout de même que ce qui est arrivé à tata Bernadette est tout simplement une exception.
- Je le sais ma fille, mais je ne pourrais pas le supporter s’il t’arrivait quelque chose. Ma famille ne résisterait pas à un autre drame. J'aimerais que tu me donnes ta parole que tu ne me ramèneras pas un étranger.
- Je t’ai comprise maman et je te promets de ne pas te décevoir.
Maman continua à me raconter ses souvenirs avec sa sœur, son regard s’illuminait de temps en temps même si sa voix était empreinte de tristesse et de nostalgie.
Fin du Flash-back
Je sortis de mes pensées et m’aperçus qu’il était déjà 2 h du matin. J'entendis tout à coup des éclats de voix. J'eus l'impression que cela provenait de la chambre de Liam, mais c'était tellement fugace que j'eus l'impression d'avoir rêvé.
Je pensais ensuite à ma relation avec Alessandro et la promesse faite à maman. Que faire ?
Le lendemain matin, je me levai aux environs de 9 h et la place près de moi était libre dans le lit.
Je sortis et me rendis aux toilettes pour un besoin pressant et rejoignis Tiziana au salon. Cette dernière était en train de regarder la télévision.
- Salut ma belle, dis-je en faisant une bise à Tiziana. Bien dormi ?
- Ouais, assez bien et toi ?
- Nuit un peu agitée, mais ça va. T’as déjà fait ton petit-déjeuner ? demandai-je à Tiziana.
-Non, je t’attendais. Ton frère a laissé tout le nécessaire sur la table et il m'a dit que tu lui avais demandé des informations pour faire des puces. Il m’a indiqué une boutique dans le coin.
- Oui, il faut vraiment qu’on se fasse des puces. J’ai impression d’être amputée sans connexion.
- Haha, à qui le dis-tu ? répondit Tiziana en éclatant de rire.
Je mis mon petit-déjeuner avec Tiziana tout en papotant gaiement. Je me rendis ensuite avec elle dans la boutique indiquée par mon frère pour se procurer des puces. J’avais à peine remplacé ma puce italienne par celle camerounaise qu’une rafale de messages m’arriva à l’instant. Ils étaient tous d'Alessandro et un de Thomas.
“ Bonjour mon amour, t’as passé une bonne nuit ? Comment vais-je résister toutes ces semaines sans toi ? Tu me manques déjà”
Le message était suivi d’une série d’émoticônes de cœurs rouges.
J’eus un pincement au cœur quand je lus son message. Dans quoi m’étais-je engagée ?