Caroline
Liam avait à peine ouvert la porte de l’appartement qu’il louait que sa copine Lucile déboula et se jeta dans ses bras. Ils étaient en couple depuis quelques années déjà, bien avant mon départ pour l’Italie, et je devais admettre que cette fille ne m’avait jamais inspiré confiance. Mon instinct me dictait de me méfier d’elle.
- Liam, chéri, je t'attends depuis un moment, s’écria Lucile en serrant Liam dans ses bras.
Mon frère ne sembla pas particulièrement enthousiaste de la voir.
- Ah, Lucile, t’es là ? dit Liam d’un air désinvolte.
- Bonsoir Caroline, me salua Lucile avec deux bises rapides.
Son accueil ne me surprit nullement, nous n'avions jamais été de bonnes amies. Elle salua tout aussi rapidement Bertrand et se mit ensuite en retrait un bref moment et observa attentivement Tiziana.
- Elle c'est Tiziana, une amie de Caro.
- D'accord, lâcha négligemment Lucile en tendant la main à Tiziana. Enchantée, Lucile.
- Tiziana, répondit Tiziana en lui prenant la main.
- Chéri, j'aurais voulu cuisiner quelque chose, mais malheureusement, je suis moi-même arrivée il y a peu. On pourrait regarder si les vendeuses de poissons de la rue sont encore ouvertes.
J'eus envie de rire à ces mots. Lucile était simplement une bonne à rien. Elle n'était capable de rien faire de ses mains, en fait, elle ne voulait rien faire de ses mains. Elle a toujours joué à la petite princesse et quand elle venait chez mon frère, elle s'asseyait simplement au salon et ce dernier devait tout faire pour elle. Je me demandais toujours ce que mon frère lui trouvait.
- T'inquiète Lucile, répondit froidement Liam, j'y avais déjà pensé. J'ai cuisiné avant de prendre la route de l'aéroport. Les filles, on va d'abord ranger vos effets dans la chambre, continua Liam en nous guidant vers la chambre que j'occupais quand je vivais ici. La chambre était juste en face de celle de Liam.
Quand je quittais le Cameroun, Liam avait à peine aménagé dans cet appartement. J'avais vécu avec lui ma dernière année au Cameroun pendant que je faisais les cours de langue italienne.
On retourna au salon quelques minutes plus tard.
- Vous voulez manger quelque chose maintenant ? demanda Liam en regardant sa montre. Votre avion a atterri à 20 h, mais vous avez vraiment mis du temps à sortir de l'aéroport. J'avais pensé qu'on aurait pu dîner ensemble.
- T'inquiète Liam, nous avons mangé dans l'avion, dis-je après avoir jeté un bref regard à Tiziana qui m'a fait un signe négatif de la tête.
- D'accord, nous allons juste ouvrir une bouteille pour célébrer ta venue après toutes ces années, lança Liam d'un ton joyeux en se rendant à la cuisine.
- Où sont les verres Liam ? demandai-je à mon frère que j'avais suivi à la cuisine. Je ne savais pas que Lucile serait là...
- Moi non plus sincèrement, répondit Liam d'une voix étrange.
Je levai le regard vers lui et il détourna simplement la tête.
On retourna au salon avec la bouteille de vin, un bol contenant des arachides et nos verres. Tiziana, Bertrand et Lucile étaient installés sur le fauteuil. On déposa le tout sur la table basse et Liam ouvrit la bouteille qu'il servit dans quelques verres.
- Comment vas-tu Caroline ? Ça fait vraiment longtemps là ! Ça se passe bien en Italie ? demanda Bertrand.
- Je vais assez bien, merci. Ça se passe assez bien, très prise entre boulot et études. Et de ton côté ?
- Je vais bien, on se bat.
- Et toi Lucile, tu vas bien ? demandai-je par politesse.
- Tout va très bien merci, répondit Lucile avec un large sourire aux lèvres. Je suis d'ailleurs en train de penser à ouvrir une boutique pour la vente des articles de luxe. Tu sais que je suis une passionnée de mode et j'adore les belles choses, continua-t-elle en caressant le sac dont il était bien visible le logo d'une marque de haute couture.
Une autre raison qui me poussait à m'interroger sur Lucile ! Elle était toujours habillée de manière luxueuse pourtant elle détenait qu'un petit salon de coiffure au marché central et ne provenait pas d'une famille aisée. Bref, ce n'était pas mon problème.
On resta à converser encore un moment.
- Liam, je crois qu’on va aller se coucher, dis-je après avoir lancé un bref regard à Tiziana qui semblait somnoler. La mater (maman en camfranglais- langage utilisé dans la vie courante au Cameroun, dérivant de l’anglais et le français, les deux langues nationales du Cameroun) arrive demain à quelle heure ?
J'aurais voulu l'appeler, mais vu l'heure, elle était certainement déjà endormie.
- Je ne sais, elle me fera signe quand elle prendra le bus demain, elle comptait prendre le premier bus, répondit Liam.
- D’accord, Tiziana on y va ?
Cette dernière se leva avec soulagement. Elle avait de la peine à tenir debout. C’était tout à fait normal, il était déjà presque une heure du matin et nous étions debout depuis la veille à 3 h.
Tiziana se rendit aux toilettes pour se débarbouiller et je fis de même juste après elle. Je rentrai ensuite dans la chambre pour me coucher et je m’aperçus que Tiziana dormait déjà.
Je restai couchée un long moment à fixer le vide. J’étais tellement heureuse d’être de retour au Cameroun, même si c’était pour un bref séjour. Ma terre Natale m’avait énormément manquée et un sentiment de bien-être m’avait envahi quand j’avais foulé son sol à l’aéroport. Et que dire de revoir Liam ?! Et maman que je pourrais enfin serrer dans mes bras demain ?
Je me perdis ensuite dans mes pensées. J’avais eu de la peine à me séparer d’Alessandro hier matin à l’aéroport. Notre relation n’était pas vraiment au beau fixe. Il avait de la peine à me comprendre et moi de mon côté, je le comprenais. Il me disait qu’il avait l’impression que je ne vivais pas pleinement cette relation, mais comment lui donner tort ? Je m’interdisais à me laisser aller totalement.