Tiziana
- Hé Tiziana, tu vas bien ? me demanda ma collègue Maura en me fixant avec insistance. Son regard s'attarda sur mon pull et le châle que j'avais enroulé autour de mon cou.
- Buongiorno Maura, sto bene grazie e tu ? (Bonjour Maura, je vais bien merci et toi ?), répondis-je à ma collègue d'un air désinvolte.
- J'ai pensé que tu avais un petit souci de santé, répliqua Maura en maintenant mon regard.
- Mais non ma jolie, je vais bien. J'ai juste pris un petit coup de froid avec la clim de la voiture.
Je comprenais parfaitement la raison de l'inquiétude de ma collègue. Il faisait actuellement 32°C à Brescia. L'Italie était connue pour être un pays avec des températures particulièrement chaudes en été, et cet été ne faisait pas l'exception. J'avais l'impression d'étouffer sous mes vêtements bien trop chauds. D'ailleurs, je sentais de petites gouttes de sueur perler le long de mon échine pendant que je m’efforçais à sourire à ma collègue.
- D'accord, dit Maura. On devrait aller se changer, nous allons prendre le service d'un moment à l'autre.
- D'accord ma belle, rétorquai-je en emboitant le pas à Maura.
Il était actuellement 13 h 30 et nous devions commencer le service à 14 heures précises.
Je m'acheminai avec Maura le long des couloirs jusqu'aux vestiaires où nous avons l'habitude de troquer nos vêtements de ville contre nos uniformes de travail.
- Tiziana, Tiziana, tu m'écoutes ? me secoua légèrement Maura.
Je réalisai à cet instant que j'étais assise sur un des bancs présents dans les vestiaires et que je tenais mon uniforme de travail en main. Je levai un regard perdu vers elle une fraction de seconde avant de me reprendre.
- Tiziana, tu ne m'as pas l'air dans ton assiette aujourd'hui. Que se passe-t-il ma belle ? demanda Maura d'une voix préoccupée.
- Désolée Maura, j'étais simplement perdue dans mes pensées, lui répondis-je avec un sourire.
Maura me fixa avec attention un moment avant de finalement hausser les épaules.
- Je disais que j'ai rencontré l'autre jour au centre commercial madame Rossi, elle était accompagnée de son mari et des jumeaux. Ils ont tellement grandi.
- Wow, j'imagine. Ça fait quand même trois mois déjà, répondis-je en souriant.
Nous avions assisté Maura et moi à l'accouchement de madame Rossi il y a de cela trois mois, un accouchement par césarienne qui s'était compliqué par une hémorragie massive de la maman. L'équipe médicale avait réussi à gérer cette hémorragie, évitant ainsi de justesse une catastrophe. Madame Rossi avait ensuite passé des semaines en réanimation, pendant que les petits étaient dans la couveuse. Nous avons risqué de perdre l'un d'eux suite à une infection périnatale. Mais la nature avait été de leur côté, le couple était sorti de cet hôpital tenant chacun dans ses bras un nourrisson.
- Elle m'a encore remercié pendant je ne sais combien de temps avant de transmettre ses salutations à toute l'équipe, dit Maura avec un large sourire aux lèvres tout en passant son t-shirt par-dessus sa tête.
- Eh oui, cela fait partie des satisfactions de notre travail.
Je me levai enfin en tenant toujours dans mes mains mon uniforme et me rendis aux toilettes.
- Où vas-tu ? demanda Maura d'un air stupéfait.
- Euh, aux toilettes, répondis-je simplement en m'y rendant.
J'entrai aux toilettes et pris un bloc de mouchoir que nous utilisions généralement pour se sécher les mains après les avoir lavés et essuyai les petits sillons de sueur qui s'étaient formés le long de mon échine, sous mon soutien-gorge, au niveau des aisselles. J'en ressortis dix minutes plus tard en tenant dans mes mains mes vêtements soigneusement pliés. Maura me regarda avec incompréhension.
- Tu comptes tenir ce pull sous ton uniforme ? demanda-t-elle enfin.
- Bah oui, j'ai un peu pris froid avec la clim, je te l'ai dit, lui répondis-je nonchalamment.
Elle haussa une fois de plus les épaules et me précéda vers la sortie des vestiaires. Nous entrâmes dans notre service à 13 h 50. Les collègues nous donnèrent des consignes et nous pûmes enfin commencer notre tour de travail.
Je travaillai machinalement tout l'après-midi. Je remerciais le ciel d'être de service aujourd'hui, cela me permettait de me vider l'esprit.
Notre service termina à 21 h.
- Ça te dirait un petit tour en ville demain ? demanda Maura
Cas rare, Maura et moi étions de repos demain. J'avais toujours décliné ses invitations, mais cette dernière ne se décourageait apparemment pas.
- Non ma belle, ce n'est vraiment pas la forme, une autre fois peut-être, répondis-je avant de m'éloigner rapidement vers ma voiture. J'avais l'impression d'étouffer sous ce pull, ce qui était vraiment le cas. Je pris machinalement le chemin qui me menait à la maison la tête pleine de pensées.