Tiziana
La responsable invita ensuite une jeune dame qui commença un témoignage poignant, fait de larmes et de tristesse.
Le témoignage qui me marqua fut celui d'une dame nommée Honorine. J'eus l'impression que son message m’était destiné, tellement je m'identifiais à travers ses propos.
- Bonjour à tous, avait commencé ladite Honorine d'une voix émue. Je suis partie de mon village natal Bamenda pour Yaoundé après la crise qui a frappé le NOSO (region du Nord Ouest et Sud Ouest du Cameroun). Je suis arrivée ici et je travaillais comme femme de ménage chez un couple. J'ai fait la connaissance de Pascal peu de temps après avoir commencé à travailler pour cette famille. Pascal était le frère de mon employeur.
Honorine prit son souffle un long moment. Son regard et sa posture exprimaient toute la tristesse du monde.
- Ce fut le coup de fondre avec Pascal dès le premier regard. Étant nouvelle dans la ville, Pascal était devenu comme un guide pour moi. Je suivais aveuglément ses conseils, même quand je n'étais vraiment en accord avec lui. Notre mariage fut célébré en moins de six mois. J'avais remarqué que Pascal était très possessif, mais j'avais pris ce comportement pour de l'amour et je m'en étais enorgueillie. Le début de la cohabitation avec Pascal fut simplement idyllique, mais je dus déchanter très vite. Pascal s'énervait à la moindre contrariété. Pour parfois trois fois rien : la nourriture pas assez chaude, une chemise pas repassée à son goût, la sonnerie du téléphone trop haute selon lui, bref, tout l'irritait. Ses sautes d'humeur furent très vite remplacées par des mouvements d'humeur. Quand il était en colère, il renversait tout sur son passage. J’essayais généralement de le calmer quand il était dans cet état. Au début, il acceptait mes reproches et me promettait de ne plus recommencer, qu'il apprendrait à contrôler sa colère. Nous avions continué ainsi pendant près de six mois, mais j'avais déjà l'impression de découvrir un autre homme. Durant le bref moment qu'a duré notre relation avant la cohabitation, Pascal avait toujours été très doux, il lui arrivait certes de s'énerver pour des broutilles parfois, mais cela lui passait très vite. Un soir, Pascal rentra plus tard que prévu. Je l'avais attendu en vain et m'étais résignée à aller au lit. J'avais au préalable disposé la table avec son dîner. J'étais profondément endormie quand je me sentis secouée sans ménagement. J'ouvris les yeux et le visage de Pascal m'apparut. On aurait dit un lion prêt à broyer sa proie.
- "C'est quoi ces manières ? Tu ne pouvais pas m'attendre pour me servir ?" m'avait-il hurlé.
- "Désolée bébé, j'ai bossé toute la journée et je suis extrêmement fatiguée. Je t'ai attendu pendant longtemps et je suis venue au lit il y a peu".
- " Et alors ?, lève-toi immédiatement et vas me servir à manger. Quelle est cette histoire de travail ? Tu vas déjà m’arrêter tout ça immédiatement" s'était-il écrié.
- "Bébé, ce n'est vraiment pas possible, essaie de me comprendre, ma famille compte sur moi ",l'avais-je supplié.
- " Tu veux me désobéir ? Tu veux me désobéir ?" avait répété Pascal avant de se jeter sur moi et me rouer de coups. Ce fut ainsi le début d'une longue série de coups.
Honorine se tut un moment en retenant ses larmes.
- Mes parents m'avaient appris que le mariage était fait de hauts et de bas, ce n'était pas toujours un long fleuve tranquille. J'avais pris l'habitude d'éviter des situations qui pouvaient l'irriter, cela me permettait de ne pas recevoir de coups de poing gratuitement. Notre couple évolua ainsi tant bien que mal, j'avais cependant droit à sa violence deux à trois fois par semaine. Je résistais autant que je pouvais. Près d'un an plus tard, je me rendis compte que j'étais enceinte, Pascal était très heureux et j'espérais que cet enfant marquerait le début d'une nouvelle ère pour mon couple, mais ce ne fut malheureusement pas le cas, je perdis la grossesse suite à des excès d'humeur de Pascal. Il m'avait tabassée un soir presque à mort simplement parce que j'avais osé lui demander pourquoi il était rentré aussi tard. J'avais été hospitalisée et étais ensuite retournée dans mon couple. Une bonne femme se doit de résister. Nous avons continué ainsi pendant près d'un an jusqu'à ce que je retombe à nouveau enceinte. Durant cette nouvelle grossesse, Pascal n'avait pas arrêté de me taper pour des broutilles, mais il était évident que ma fille était une lionne, elle était restée ancrée en moi et avait enfin pu voir le jour malgré la violence que je subissais presque au quotidien.
À ce moment, des sillons de larmes se formèrent sur ma joue.
- Quand ma fille avait trois ans, durant une dispute avec Pascal, ce dernier m'avait donné une gifle monumentale qui m'avait fait valser très loin. Pascal était venu vers moi et m'avait saisie fermement par le cou et m'avait collée contre le mur en me tenant fermement à la gorge. Ma fille avait alors couru s'agripper à la jambe de son père. " papa, pourquoi tu tapes maman ?", " papa, laisse maman", Pascal dans un mouvement d'humeur l'avait projetée très loin du dos de la main. J'avais vu ma fille aller heurter violemment le mur. "Marie", avais-je hurlé en me démenant comme un beau diable et Pascal m'avait finalement relâchée et étais sorti de la maison non sans m'avoir insultée. J'avais pris ma petite Marie dans mes bras. "Ça va bébé ?", lui avais-je demandé en larmes. " Ça va maman", m'avait-elle répondu courageusement. Je l'avais ensuite consolée, car elle pleurait sans arrêt et l'avais mise au lit. Pascal était rentré au beau milieu de la nuit et s'était immédiatement endormi. Je m'étais levé le lendemain matin pour amener la petite à l'école, mais étrangement, elle ne se réveillait pas. Je l'avais secouée sans ménagement et elle était restée inerte. J'avais poussé un cri strident qui avait réveillé Pascal. " Que se passe-t-il ici ?" avait gueulé Pascal. " Pascal, Marie ne se réveille pas", "Quoi ? " travail hurlé d'une voix encore ensommeillée. " Vite Pascal, vite, il faut l’amener à l’hôpital", avais-je hurlé. Pascal était sorti pour héler un taxi, ce dernier nous avait transportés à l’hôpital le plus proche. Ma fille est restée une semaine dans le coma avant de décéder. Le médecin nous avait expliqué que l'impact de sa tête contre le mur avait été trop v*****t, lui provoquant ainsi un traumatisme crânien.
C'en était de trop pour moi, je m'étais levée en coup de vent et étais sortie de la salle. J'avais le souffle court. J'avais l'impression de manquer d'air. J'avais senti ensuite senti une main me caresser délicatement le dos.
- Tu sais Tiziana, ta vie t'appartient et tu es libre de la vivre comme il te semble, mais je tenais à ce que tu écoutes ces témoignages, m'avait murmuré Caroline.
Caroline m'avait expliqué sur le chemin de retour que ce centre d'aide avait été créé par une célèbre influenceuse du Cameroun qui avait, elle aussi, été victime de violence familiale. Elle finançait ce centre de sa proche et avec des aides qu'elle recevait quotidiennement. L'idée de m'y amener lui est venu à l'esprit quand je lui avais confié que j'avais l'intention de donner une autre chance à Giorgio.
J'avais préféré abréger notre sortie, car nous étions censées continuer la soirée avec des amis à elle, mais je n'étais décidément plus d'humeur. Nous n'étions plus revenues sur le discours durant le reste de mon séjour et j'avais essayé de profiter de mon mieux de notre weekend à la magnifique ville de Kribi, mais cela avait été difficile, car j'avais constamment un nœud à la gorge.
Je finis par m'endormir pour être ensuite réveillée par la voix du pilote qui annonçait que l’atterrissage à Rome était imminent. J'avais ensuite une correspondance pour Palermo où je devais passer quelques jours avec maman avant de retourner à Brescia. Le séjour chez maman avait été catastrophique comme d'habitude. Elle n'avait manifesté aucune joie à me voir après plus d'un an. Elle était d'ailleurs très souvent absente à la maison. J'avais passé la majeure partie de mon temps avec Matteo et quelques amis.
J'étais actuellement assise dans mon vol en partance pour Bergame. De là, j'aurais rejoint Brescia en bus. Heureusement qu'il y avait de nombreux bus qui faisaient la navette.
Le pilote annonça notre arrivée à l'aéroport de Bergame. Je descendis de l'avion et récupérai rapidement ma valise. Je la trainai péniblement vers la sortie. J'étais en train de me diriger vers la caisse de l'agence de bus afin d'acheter un ticket quand j'entendis mon nom au loin.
- Tiziana, Tiziana...
Que je suis bête, Tiziana était un nom tellement fréquent en Italie, il s'agissait certainement de quelqu'un d'autre. Personne ne m'attendait, personne n'était censé m'attendre. Je poursuivis donc paisiblement mon chemin quand j'entendis de nouveau la voix. Cette fois, la voix s'était sensiblement rapprochée de moi. Je reconnus avec stupeur qu'elle appartenait à Giorgio. Mais que faisait-il là bon sang ?
Je tournai la tête dans la direction d'où provenait la voix et je le vis arriver vers moi à grandes enjambées. Il avait un sourire éclatant aux lèvres et tenait à la main un bouquet de fleurs.
- Bon retour mon amour, s'écria Giorgio quand il arriva à ma hauteur et à ma grande surprise, il se jeta sur mes lèvres et se mit à m'embrasser fougueusement.