Chapitre 2

484 Words
Chapitre 2 Brest, vingt ans plus tard, le 14 septembre. Devant la porte d’entrée d’un grand immeuble, Augustin Lafargues et Philippine Leroy discutaient, convenant de la meilleure attitude à adopter. La jeune fille paraissait plus enthousiaste que son compagnon. Elle le prit par le bras et l’entraîna vers le pub le plus proche. — Je te dis que pour un homme et une femme qui vont ensemble consulter, il vaut mieux se faire passer pour un couple stérile ! fit-elle, mutine. — Oui, mais il faut être à l’aise. Et ce rôle, je ne le sens pas. Enfin… pour moi ! — Espèce de macho ! hurla-t-elle, en pinçant son coéquipier. Attablés devant qui une bière, qui un café, les jeunes gens devisaient à présent de façon plus sérieuse. Tandis qu’il relevait les adresses sur son calepin, Philippine observait son vis-à-vis, en prenant soin de ne pas afficher sur son visage tout l’amour qu’elle lui portait. Certes, elle l’avait déjà dans son lit. Au demeurant, la chose était fort agréable, mais ce qu’elle désirait par-dessus tout ressemblait à une bague, genre anneau de préférence. Tous deux journalistes dans un grand quotidien, ils s’étaient vu confier par leur rédacteur en chef, Bernard Anzo, une mission qui, lorsqu’elle leur fut exposée, les laissa perplexes. Il s’agissait d’enquêter sur les voyants et médiums de Brest ; non pas pour jeter sur eux forcément l’anathème, attitude systématique dans l’hexagone depuis quelques années, mais plutôt pour connaître l’origine de leurs dons - si tant est qu’il y eût don - et s’informer des préoccupations de leur clientèle. « Ces préoccupations sont le baromètre de notre société », avait décrété Bernard Anzo. Augustin Lafargues but la dernière goutte de son café et prit une cigarette. — Il est bien gentil, Bernard, de nous donner carte blanche. Il ferait mieux de nous filer sa carte bleue ! S’il croit qu’on va pouvoir faire le tour de ces charmantes pythonisses en leur offrant les pièces jaunes du train de l’espoir collectées au bureau ! — Tu en as combien sur ta liste ? demanda Philippine. — Huit déclarées, ayant pignon sur rue et, voyons… quinze travaillant au black. Renseignements pris auprès de mes petites amies… fit-il dans un clin d’œil à sa compagne. Ce qui nous en fait vingt-trois. Vaste programme ! Par qui commence-t-on ? Ils décidèrent de « se faire la main » sur les voyants déclarés : deux hommes et six femmes. Les autres, pensaient-ils, seraient plus soupçonneux à leur égard. Dans la crainte d’un représentant du fisc, ils désireraient sûrement savoir qui les recommandait. Le projet des journalistes consistait à mettre au défi les spécialistes des arts divinatoires en leur soumettant un problème plausible mais faux. À ceux qui seraient capables de détecter la supercherie, Augustin et Philippine demanderaient, dans un second temps, une collaboration plus étroite. Fiers de leur plan de bataille, les jeunes gens sortirent du pub. Un vent, très frais pour la saison, les piqua. Augustin tapa du pied pour se réchauffer. — On prend ta voiture ou la mienne ? dit-il en frissonnant. — Tu plaisantes ! Tes parents t’ont fait complet ou quoi ? Ils n’ont pas pris : option jambes ? Allez, viens ! ajouta-t-elle en le tirant par la manche. La première de nos sibylles habite à deux rues d’ici.
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