* Rose *
Le lendemain après midi, nous sommes allés chez ma mère pour récupérer mes affaires et ma voiture. J'étais en train de vider ma salle de bain, quand Élona est entrée.
- Ça va, tu as besoin d'aide ?
- Non, c'est gentil maman, j'ai bientôt terminé.
- Je ne pensais pas que tu partirais si tôt.
- Je t'en pris maman ne pleure pas. Tu sais bien qu'on se verra souvent ! Et ce serait de toutes façons arrivé...
J'ai bouclé le dernier carton en contenant du mieux possible mes larmes. Puis elle m'a aidé à descendre les cartons dans la voiture. Julian nous a aidé.
- Où est Luna ?
- Avec Amanda, cette dernière est ravie de jouer à la poupée, rit-il. Je n'allais pas vous laisser tout faire toutes seules.
J'avais le cœur serré de quitter la maison, mais j'étais heureuse à la fois parce que j'étais enfin avec Julian, sans limites ni contraintes, même si j'en avais guère avec ma mère, mais nous formions notre propre famille. Amanda avait déjà trouvé un appartement, bien que je lui ais dit de rester. La maison était en fait un petit manoir, bien assez grand pour tous. Tous à fait ravissant.
- Chacun son intimité, ce sera mieux pour tout le monde ! S'écria-t-elle joyeusement en rentrant chez elle.
- Quand a-t-elle déménagé ? Demandais-je à Julian.
- Il y a quelques semaines, quand je lui ai dit que je te demanderais ta main. Je lui ai pourtant dis de rester, que ça ne te gênerait pas...
Je n'avais pas remarqué parce que j'avais guère passé de temps au manoir, jusqu'à maintenant, et elle ne m'en avait pas parlé pour garder la surprise de mes fiançailles.
Élona est restée encore un peu avec nous avant de rentrer.
- Alors, quand comptez-vous vous marier ? Demande-t-elle en toute innocence.
- Nous n'avons pas encore prit le temps d'en parler, répond Julian.
Je n'en ai pas rajouté plus et j'en ai profité pour aller coucher Luna dans son berceau. Je suis restée un moment vers elle pour me détendre. J'avais bien trop peur de retourner les affronter tout de suite, parce qu'inévitablement il faudrait que je reparle du projet de retourner au canyon, ce qui blesserait Julian et conduirait probablement encore à une dispute.
J'avais dû m'assoupir dans le fauteuil de la chambre de Luna, parce que la voix de Julian est venue me sortir de ma rêverie.
- Rose, mon amour est-ce que ça va ? Chuchote-t-il.
- Oui bien-sûr, dis-je en me levant.
- Ta mère s'en va...
Je me suis dépêchée de rejoindre ma mère dans le salon.
- Désolée maman, je me suis assoupis.
- Ce n'est pas grave, bonne soirée.
- À bientôt maman. N'hésite pas à venir, je n'aime pas te savoir seule, lui dis-je en la serrant dans mes bras.
Je suis restée un moment sur le pas de la porte, même après qu'elle est disparue au fond de l'allée. Les bras de Julian m'enlaçaient et je sentais son halène fraîche dans mes cheveux.
- Dis-moi ce qui te tracasse, murmura-t-il à mon oreille.
J'ai refermé la porte et lui ai fait face.
- Toi, soufflais-je en le regardant droit dans les yeux.
- Moi ? S'étonna-t-il. Mais enfin pourquoi ?
Je me suis collée à lui, j'ai crocheté une main autour de sa nuque et j'ai appuyé mon visage contre son torse.
- Parce que je t'aime, et je ne sais pas comment agir sans te faire souffrir, dis-je d'une voix tremblante.
- Rose, tu me fais peur...
- Julian, je n'ai pas le choix, je dois retourner là-bas ! Et il est or de question que je vous laisse ici. C'est important. Pour nous tous et tu le sais. Il y a tant de choses que je ne sais pas, que toi tu sais et que tu ne peux pas me dire. Il me serait impossible de les deviner seule ! Et penses à tout ce que nous ne savons pas, ni toi ni moi ! J'ai besoin de savoir...
Quand j'ai relevé la tête il avait les yeux clos, sourcils froncés et les traits tristes.
- Laisses-moi du temps s’il te plaît... murmura-t-il.
- Je me doute que ça doit être pénible pour toi. Mais je pense aussi à notre fille, et mis à part ce que je vois, je ne sais rien d'elle. Ce voyage nous aidera sûrement à savoir à quoi s'attendre.
- D'accord... mais patiente jusqu'à la fin de l'été.
Les négociations ont pris fin et nous avons passé la soirée devant la télé. J'attendrais la fin de l'été pour ré aborder le sujet, je ne voulais surtout pas faire les choses contre sa volonté, il me fallait juste trouver les mots justes pour le convaincre. De plus cela me laisserait le temps de voir comment évoluait Luna.
Comme presque tous les bébés, Luna se réveillait la nuit mais c'est Julian qui s'en occupait, mettant en avant le fait qu'il n'avait rien d'autre à faire que de me regarder dormir, il voulait s'occuper d'elle pour me laisser me reposer. Je n'avais pas eu le loisir de protester, il m'avait rapidement convaincu et nous en étions ravis tout les deux.
En prenant en compte le début de mes symptômes maladifs, jusqu'à la naissance de Luna, il s'était déroulé tout au plus deux mois et demi, soit environ dix semaines. Mais si Luna s'était rapidement développé dans mon ventre, une fois née, elle se développait tout à fait comme les bébés humains. Matt venait régulièrement faire un contrôle de sa croissante et de son évolution, pour s'en assurer. Luna a eu trois mois, début octobre. C'était le début de l'automne et il était temps de reparler à Julian de notre voyage au canyon. Alors un soir, j'ai attendu qu'il ait couché Luna dans son berceau, et j'étais en train de faire les cents pas devant la cheminée quand il est revenu au salon.
- Toi tu as quelque chose à me dire... fait-il remarquer en me rejoignant.
J'étais tellement concentrée sur ce que j'allais dire, que j'ai sursauté.
- Oui en effet, soupirais-je.
Il a pris ma main et m’a entraîné avec lui sur le canapé.
- Tu veux parler du canyon, n'est-ce pas ?
- Comment as-tu deviné ? M'étonnais-je.
- Il n'y a qu'a ce sujet que tu es stressée à l'idée de me parler.
- Je suis désolée.
- Ne le sois pas. J'ai pris le temps d'y réfléchir, depuis que tu m'en as parlé. Et je crois que tu as raison, soupira-t-il.
Je me suis tournée vers lui.
- C'est vrai ? Tu en es sûr ?
- Tout à fait sûr. Il y a bien des choses que je ne sais pas non plus, et si nous voulons envisager notre avenir, on n’a pas d'autre choix. Les choses se seraient probablement passé différemment si nous avions pu prévoir la venue de Luna. Et je crois qu'il est temps maintenant que tu saches tout.
J'ai déposé un b****r sur ses lèvres et me suis laissée aller dans ses bras. J'ai soupiré de soulagement.
- Au fait, où se trouve le Canyon ?
- En France.
Durant les quinze jours qui ont suivi, nous avons préparé notre voyage. Amanda et ma mère nous accompagneraient. Matt avait beaucoup de travail, alors il resterait à Londres. Julian s'est occupé des billets d'avion et des visas, ainsi que de prévenir sa grand-mère de notre arrivée ; moi je m'occupais des bagages.
Nous sommes partis le dix-neuf octobre en début de soirée.
Nous avons atterri à l'aéroport de Lyon, et nous avons loué une voiture pour aller jusqu'au canyon, qui se trouvait à environ une heure trente de là. En arrivant, la grand-mère de Julian nous attendait. Elle nous a accueilli avec beaucoup de joie.
- Julian, Amanda ! Vous m'avez tellement manqué ! S'exclama-t-elle.
- Bonjour grand-mère, comment te sens-tu ?
- Très bien, merci. Alors, c'est quoi cette surprise dont tu m'as parlé au téléphone ?
Il m'a fait signe d'approcher avec Luna.
- Grand-mère, je te présente Rose, ma fiancée, et Luna notre fille.
- Oh mon Dieu ! S'exclama-t-elle émerveillée. Comment est-ce possible ? Demanda-t-elle à Julian en apercevant Luna.
Il s'est contenté de hausser les épaules, le sourire aux lèvres.
- Elle est magnifique, quel âge a-t-elle ?
- Trois mois et demi.
- Félicitation à tous les deux. Bon je vais vous laisser tranquille, on discutera demain, allez donc vous installer.
Nous sommes allés nous installer dans la maison. Amanda, dans sa chambre avec ma mère et nous dans celle de Julian. Quand nous sommes entrés, je me suis arrêtée sur le pas de la porte, un flot de souvenir a resurgi quand j'ai reconnu les lieux. Julian m'a pris Luna qui était dans son siège-auto pour bébé et l'a posée sur le lit. Puis il est revenu vers moi, m'a pris la main et m'a tiré jusqu'à ce qu'il puisse fermer la porte derrière moi. Il m'a enlacé.
- Est-ce que ça va aller ?
- Oui c'est juste que je me rends compte qu'il y avait beaucoup de choses dont je ne me souvenais pas. Je ne suis venus qu'une seule fois ici, c'est étrange d'y repenser, il y a tellement de chose qui se sont passé depuis...
- Repose-toi un moment si tu veux, je vais aller voir ma grand-mère pour lui demander si elle à un berceau pour Luna, ce sera peut-être mieux que sa nacelle de landau.
Il m'a embrassé sur le front et s'est éclipsé. J'ai sorti Luna de son cosy et l'ai installée sur le lit en attendant que Julian revienne. Elle était si paisible, qu'en la regardant elle m'apaisait. Je caressais la paume, de sa petite main ouverte, du bout du doigt, quand elle l'a serré fermement. J'étais impressionnée de la force qu'un si petit être pouvait avoir.
Julian est revenu un peu plus tard, avec un magnifique petit berceau en fer forgé blanc, qu'il a installé dans un coin de la chambre, et y a mis de jolis petits draps anciens. Je suis allée y coucher Luna, qui n'avait toujours pas ouvert un œil.
- Il est ravissant !
- Oui, je trouve aussi. Il appartenait à ma grand-mère, quand elle était elle-même un nourrisson, elle est enchantée de nous l'offrir.
- Elle n'est pas réellement ta grand-mère, n'est-ce pas ?
- Non en effet, dit-il en riant. Amanda et moi avons fait sa connaissance il y a une vingtaine d'année, alors qu'elle travaillait dans un cinéma de Londres. Quand elle nous à vu, elle a immédiatement soupçonné ce que nous étions.
- Comment ? Je croyais qu'il n'y avait que les créatures magiques qui faisait suffisamment attention à vous pour voir que vous n'étiez pas humain ?
- En effet.
- Tu veux dire, que s'en est une ?
- Oui, ou presque. Sa mère était humaine, son père une fée. Elle est capable de comprendre toutes les créatures magiques et de les découvrir, mais elle n'a aucun pouvoir. C'est une mortelle. Quand elle nous a eu raconté son histoire, elle nous a pris sous son aile, en quelque sorte. En forgeant un quelconque lien de parenté, cela nous as beaucoup facilité la tâche pour se fondre parmi les humains et sortir en plein jour. Et depuis, elle est devenue notre grand-mère. Et il y a cinq ans, elle nous a dit qu'elle avait toujours rêvé d'ouvrir un camping. Alors nous l'avons aidé. Ce lieu, comme tu peux t'en douter, est très important pour le monde magique, et c'était l'endroit le plus certain où je pouvais enfin te trouver.
Son visage rayonnait, il caressait mon visage tout en parlant, nous étions allongé sur le lit, nous regardant l'un l'autre.
- Alors nous avons fait en sorte de rénover ce qui existait déjà, dont la maison, où elle a voulu s'installer pour y vivre toute l'année, et nous avons créé tout le reste afin d'obtenir ce que tu connais, poursuivit-il.
Son visage s'est soudain assombrit.
- Je m'en suis énormément voulut quand tu as chuté, parce que c'est moi qui ais fixé les pitons à la roche. Aujourd'hui je ne comprends toujours pas ce qui a pu se produire, ni quelle erreur j'ai pu commettre. Cela n'aurait jamais du arrivé.
J'ai pris sa main dans la mienne pour le réconforter.
- Ne te tourmente pas comme ça, je suis là, et tout va bien. Nous sommes ensemble, c'est le plus important.
Je me suis rapprochée et lui ai donné un b****r. Il m'a souri et a continué son récit.
- Avant ce projet, on essayait le plus possible de passer inaperçu, la plupart du temps on restait cloîtré au manoir. Jusqu'à ce qu'on achète ce terrain, qui avait été laissé à l'abandon, et dont personne ne voulait. Quand nous avons mis pour la première fois les pieds ici, nous sommes sortis de l'ombre. On a restauré la maison pour que grand-mère puisse y vivre, on s'est inscrit au lycée à Londres et nous revenions pendant les vacances pour l'aider. Nous avons ouvert en mai de l'an dernier, et depuis, chaque mois le calendrier des réservations est complet. Mais c'est la première fois que je reviens depuis... Enfin bref, ma grand-mère ne s'est jamais mariée et n'a jamais eu d'enfant, alors aujourd'hui nous faisons sont plus grand bonheur.
Il m'a serré contre lui et son visage dans mes cheveux, il respirait la joie.
- Tu as dit que le père de ta grand-mère était une fée, je croyais qu'il n'y avait que les femmes qui pouvaient être des Fées ?
- Bien sûr que non, les Fées sont une espèce à part entière, tout comme les Hommes.
- Et les Elfes ?
Son regard s'est assombrit, son visage s'est fermé.
- Cette espèce n'existe plus, dit-il froidement en se levant. Tu ne dois plus en parler. Jamais.
Il m'a tourné le dos et regardait par la fenêtre. J’ai eu la nette impression d'avoir mis les deux pieds dans le plat. Et malgré ce qu'il venait de dire, il fallait absolument que j'en sache plus. Certes, ce n'était pas à lui qu'il faudrait que je m'adresse mais telle serait ma première tâche ici : découvrir la vérité sur les Elfes. Julian était tendu, les poings serrés si fort que sa peau paraissait encore plus blanche que d'ordinaire. Je me suis levée, et l'ai rejoint. Délicatement, j'ai posé ma main sur sa hanche, espérant qu'il se détendrait à mon contact. Mais à ma grande stupeur, il s'est retourné violemment, le regard encore plus noir. Et j'entendais un grondement sourd sortant tout droit de ses entrailles. Pour la première fois, j'avais peur de lui. J'ai reculé instantanément. Comme il ne disait toujours rien, ni ne s'expliquait, j'ai récupéré Luna dans son berceau, j'ai pris son sac et suis sortis rapidement. Instinctivement, je me suis dirigée à travers le camping jusqu'à la forêt qui menait au plateau des rocheuses « du Loup Blanc ». Sur le chemin j'ai croisé Amanda.
- Rose, qu'est-ce qui se passe ?
Je me doutais bien que mon visage devait refléter la terreur. Elle a tendu la main vers moi, mais j'ai reculé, serrant ma fille plus fort.
- Ne me touche pas.
- Mais enfin, c'est moi !
- Et jusqu'à quand ?
Ma voix tremblait, je jetais sans arrêt un coup d’œil derrière moi, craignant que le monstre qui avait remplacé Julian se soit mis à ma recherche. C'était peut-être ridicule, mais c'est comme ça que je le ressentais, et mon cœur était empreint de douleur. Je tremblais de terreur.
- Rose je ne te comprends pas...
- Dans ce cas, tu n'as qu'à demander à celui qui fut Julian ! Laisse-moi passer.
Les larmes que j'avais retenues jusque-là, ont fini par couler à flots. Elle s'est écarté, l'air choqué et triste, le regard perdu.
À la lisière de la forêt, après avoir vérifié qu'il n'y avait personne, je me suis envolée dans la forêt, à la recherche d'un arbre assez gros et assez haut pour nous porter refuge. Au sommet d'un grand et gros chêne, j'ai découvert un trou dans le tronc qui m'offrait un confortable petit abri. Il y faisait plutôt frais alors j'ai enveloppé Luna dans sa couverture et l'ai calée contre moi sous mon manteau. Après lui avoir donné son biberon, nous nous sommes endormies au son de la douce berceuse que nous jouait la sève des arbres. Je me sentais en sécurité, mais je me suis réveillée à plusieurs reprises pour vérifier que Luna n'avait pas froid. Pour finir, j'ai posé ma main sur le tronc, et lui ai transmis ma pensée. L'arbre a bouché l'entrée de mon refuge avec son feuillage, empêchant le vent de s'y engouffrer. Notre petit espace s'est rapidement réchauffé et je me suis enfin endormis paisiblement.
Je me suis éveillée quand j'ai entendu Luna pleurer. J'ai sursauté, mon cœur s'est mis à battre si fort et si vite que j'aurai cru l'entendre de mes propres oreilles. J'étais sur le lit et Luna n'était plus avec moi. Je me suis rapidement assise et j'ai fait le tour de la chambre des yeux. J'ai aperçu Julian dans un coin près de la fenêtre qui me fixait. Je me suis aussitôt levée et me suis précipitée vers le berceau. Il était vide.
- Où est Luna ? Demandais-je précipitamment.
- Elle va bien, dit-il à voix basse.
- Où est ma fille ! Hurlais-je cette fois.
- Avec ta mère, dans le salon.
Ailes en alerte, je me suis précipitée au rez-de-chaussée, où j'ai trouvé Luna dans les bras d'Élona. Il y avait également Amanda et sa grand-mère. Le silence est tombé au moment où je suis entrée dans la pièce. Je me suis approchée doucement.
- Rendez-moi ma fille !
- Rose, qu'est-ce qui t'arrive ? S'étonna Élona.
- Tout de suite !
Elle me l'a tendu, et je m'en suis emparée, la serrant contre moi comme si j'espérais pouvoir la cacher. Je me suis dirigée vers la porte mais Julian y était. Je me suis mise à pleurer, je me sentais prise au piège. Mes sens en alerte, mes gencives me piquaient, et plus les secondes s'écoulaient plus je sentais que ça me faisait mal.
- Je t'en pris laisses nous partir...
Il s'est approché, mais j'ai reculé. Son visage était empreint de douleur, mais je n'arrivais pas à m'y fier.
- Depuis quand elle a peur de nous ? Murmura Amanda.
- Je ne sais pas, mais je n'aime pas cette ambiance, répondit Élona. Julian, Rose, est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qui se passe ?
- Arrêtez de me prendre pour une imbécile, vous êtes tous pareils. C'était quoi votre but ? M'appâter pour mieux vous régaler ? Et faire en sorte que je me reproduise, ça aussi c'était prévu ? !
- Comment peux-tu dire une chose pareil ! Hurla Julian.
Mes canines se sont instinctivement allongées, sous la violence des mots de Julian. La douleur avait disparu. J'ai alors compris que mon corps m'offrait de quoi me défendre quand il se sentait en danger. Et c'était la première fois.
- Rose mais qu'est-ce qui te prend ? Demandèrent les autres.
- Qu'est-ce qui me prend ? J'essaye juste de trouver le moyen de sauver ma peau et celle de ma fille ! Si je ne m'étais pas enfuis avec Luna, Julian nous aurait certainement tuée hier soir ! Si tu étais aller le voir comme je te l'ai demandé Amanda, tu ne pauserais pas la question. Ou peut-être que tu t'en doutais déjà mais que tu jouais aussi la comédie !
Ils étaient tous choqués par mes propos et mon agressivité. Julian pleurait le visage caché dans ses mains. J'ai reculé jusqu'à la fenêtre et l'ai ouverte d'une main, en gardant un œil sur eux. Puis, je me suis envolée par la fenêtre. Par chance, elle donnait sur l'arrière de la maison, je pouvais donc atteindre la forêt sans craindre d'être vu.
J'ai airé un moment, sans savoir ni quoi faire ni où aller. Je me suis appuyée contre un arbre et me suis concentrée sur le bruit de la sève qui circulait dans le tronc. Mais je ne cessais de penser à ce qui c'était passé. Qu'était-il vraiment arrivé ? J'avais vécu dans la joie et la bonne humeur, en compagnie de gens que j'aimais et qui m'aimaient cette dernière année, pourquoi du jour au lendemain, tout mon univers s'écroulait ?
J'ai fait appel à la nature, pour me guider là où j'en avais besoin. En plein jour, il ne m'était pas facile de me déplacer en volant à cause des nombreux vacanciers qui peuplaient le site, mais j'ai réussi à atteindre l'endroit qui m'appelait. C'était un départ de grimpe. J'ai emprunté le petit chemin jusqu'au bord des rocheuses. J'ai immédiatement reconnu l'endroit. J'étais aux rocheuses « des Vampires de l'Ouest ». L'endroit même où j'avais eu mon accident, un peu plus d'un an auparavant. Soudain j'ai entendu des pas. Je me suis cachée dans un arbre en attendant que le visiteur parte. Luna dormait profondément, j'espérais juste que ça dure. À travers les feuillages, j'ai aperçu Julian. Il s'est assit dos à la roche et a fermé les yeux, mais je voyais ses larmes qui continuaient de couler. Je ne comprenais pas comment il pouvait continuer à pleurer alors qu'hier il avait une telle rage, une haine atroce dans les yeux qui avait failli nous détruire. J'ai ensuite aperçu Amanda arriver.
- Julian qu'est-ce que tu fais là ? Rentre, c'est inutile, elle reviendra quand elle le pourra.
- Ici je sens sa présence. Et je veux en profiter le plus possible, elle ne reviendra peut-être jamais...
- C'est impossible, elle t'aime, elle a besoin de toi autant que tu as besoin d'elle.
- Mais maintenant elle a peur de moi, et elle a raison !
- Alors c'est vrai ? Tu as failli la tuer ?
Il ne répondait pas.
- Julian parle-moi, comment une telle chose a pu se produire ?
- Elle a évoqué le sujet dont on ne peut parler... et tout à coup, la rage et la haine se sont emparé de moi. Je me suis éloignée pour me calmer, mais elle s'est approchée et quand elle a posé sa main sur moi... tu devines ce qui c'est passé.
- Est-ce que tu l'as attaqué ?
- Non, évidemment, j'ai été capable de me contrôler jusqu'à ce qu'elle s'éloigne avec la petite. Il m'a fallu une heure, avant d'être à nouveau moi-même ! Une heure ! Est-ce que tu te rends compte !
- C'est pour ça que tu ne m'as pas répondu quand j'ai frappé à ta porte ?
Il a acquiescé.
- Quand j'ai enfin pu partir à sa recherche, elle s'était réfugiée dans un arbre, comme le fond les fées quand elles sont en danger. Si je l'ai retrouvé c'est parce que je suis lié à elle, et que sa magie m'a appelé...
Alors ils étaient vraiment sincères ? Je ne savais plus quoi faire. Devais-je rentrer et continuer mes recherches demain ? Me sentirais-je en sécurité ? Ou devais-je continuer sans que personne ne sache, et revenir plus tard ? Il me manquait et je l'aimais quoi qu'il est pu faire. C'était l'homme que la douleur faisait pleurer que j'aimais, pas celui qui était apparu quelques secondes devant moi sans que j'en connaisse les raisons. Et c'était l'homme que j'aimais que je faisais souffrir en ce moment même. J'avais promis de ne plus jamais l'abandonné et pourtant c'est ce que j'étais en train de faire. Luna a ouvert les yeux et m'a souri, à cet instant j'ai compris qu'il était temps de rentrer.
Sans faire de bruit, je suis monté à la cime des arbres et j'ai volé jusqu'au début du sentier. Là, à l'abri des regards, je me suis posée, j'ai caché mes ailes et me suis dépêché de rentrer avant que Julian et Amanda ne rentrent. En arrivant, je suis montée coucher Luna et suis allée frapper à la porte de la chambre d'Amanda.
- Maman ? C'est moi.
La porte s'est ouverte.
- Rose !
Elle m'a pris si fort dans ses bras que j'ai cru que j'allais étouffer.
- Maman, je suis désolée. J'ai eu si peur, que j'ai perdu les pédales, je n'avais plus confiance en personne. Je te demande pardon je n'aurais pas dû vous traiter comme je l'ai fait.
- Tu es toute pardonnée. Est-ce que Julian sais que tu es rentrée ?
- Non, je vais aller prendre une douche et je l’appellerai après, tu veux bien t'occuper de Luna ? Elle est dans son berceau, mais elle va avoir faim et elle a également besoin d'un bain.
- Ne te fais pas de soucis.
- Merci maman. Encore désolé pour ce matin.
- Je me suis douchée en quatrième vitesse, me suis séchée rapidement et j'ai enfilé la première tenue qui me tombait sous la main.
- Maman est-ce que je peux t'emprunter ton téléphone ?
- Oui, pourquoi ?
- Je vais appeler Amanda, mais je ne veux pas qu'elle sache tout de suite que c'est moi qui l'appelle. Elle est avec Julian et je voudrais lui faire la surprise...
Elle a ri et m'a tendu son téléphone.
- Élona ?
- Non, c'est Rose, mais ne dit rien s’il te plaît je sais qu'il est près de toi.
- D'accord...
- Je vais bien, je suis vraiment désolée pour ce que j'ai pu dire tout à l'heure et je m'en excuse. Je suis rentrée, tu veux bien faire en sorte que Julian rentre à la maison ?
- Je vais faire mon possible, à tout de suite.
J'ai raccroché, et j'ai rendu le téléphone à ma mère, puis je suis descendus attendre sur le pas de la porte.
- Rose ?
- Mme Andrew, je ne vous avais pas vu. Je suis vraiment désolée pour ce qui s'est produit ce matin. J'étais terrifiée.
- J'avais bien compris, ne t'en fais pas ma chérie. Julian sera content de te voir.
- Oui, je l'espère, je l'attends avec impatience.
- Je n'en doute pas. Je te laisse j'ai des clients qui vont arriver.
- Bonne soirée.
Après un bon quart d'heure d'attente, alors que la nuit commençait à tomber, j'ai aperçu dans la pénombre, d'abord Amanda et quelques pas derrière elle, Julian, tête baissée, les mains dans les poches, il traînait des pieds. Je suis sortie sur le perron, sans un mot Amanda s'est précipitée sur moi et m'a embrassé sur le front.
- Bienvenue à la maison sœurette, me souffla-t-elle joyeuse avant de filer à l'étage.
Julian ne m'avait toujours pas vu, alors j'ai avancé à sa rencontre. Il a enfin levé la tête et a stoppé net en me voyant. Alors j'ai avancé prudemment jusqu'à lui et j'ai scruté ses prunelles si tristes et pleines de regret. J'ai posé une main sur sa joue, et j'ai essuyé de mon pouce une larme. Prudemment j'ai posé mon autre main sur sa hanche.
- Je t'aime... murmurais-je.
Ni une ni deux, ses lèvres épousèrent ma bouche et il m'a enlacé, me soulevant de terre.
- Rose pardonne-moi je t'en supplie ! Je n'avais aucunement l'intention de...
- Je sais, le coupais-je. J'étais aux rocheuses « des Vampires de l'Ouest » quand tu es arrivé, j'étais cachée dans un arbre et j'ai entendu une partie de ta conversation avec Amanda. C'est pour ça que je suis rentrée, je t'avais promis de ne plus jamais te quitter. Je te demande pardon pour ce matin, j'étais terrifié et j'avais perdu confiance en tout ceux qui m'entouraient.
- C'est à moi de te demander pardon je savais que ça pouvait arriver, j'aurais dû te prévenir de ne pas approcher, ça se serait calmé plus vite...
- Mais j'ai été injuste, il y a des choses que je n'aurais pas dû dire, ton amour pour moi est trop évident pour que ce soit du cinéma.
J'ai tenté de sourire, mais c'était bien faible. Il a souri néanmoins à son tour. Je me suis pelotonnée contre lui, et il m'a serré encore plus fort.