Chapitre 3
Sandrine se recroquevilla dans le coin de sa cellule qu’elle partageait avec quatre détenues, dont une d’origine australienne, Lesley. La seule avec laquelle elle pouvait échanger un peu, les autres ne parlant que thaï ou laotien. Sans éclairage, la pièce mesurait environ quatre mètres sur quatre et disposait d’un coin toilettes avec un tuyau pour la douche. Un luxe relatif comparé à d’autres établissements pénitentiaires du pays… Elle savait que Cédric était détenu dans les mêmes conditions, à ceci près qu’ils étaient six dans sa geôle. L’un d’entre eux était Américain, lui aussi incarcéré pour t**************e.
Les deux Français avaient été transférés dans la prison de Phongtong, près de Vientiane, dès le lendemain de leur arrestation. Ce petit édifice, construit à l’origine par les Nations Unies pour servir de centre pour réfugiés, était en fait utilisé comme centre de détention pour les étrangers et les prisonniers politiques. La prison comptait une vingtaine de cellules en tout. Un endroit presque intime, si on oubliait son affectation. La nourriture était toujours la même, soupe à la graisse de porc et riz gluant, servie dans la matinée et dans l’après-midi. Les prisonniers qui avaient un peu d’argent pouvaient acheter du poisson, élevé dans les mares du camp. Les gardiens ne traitaient pas trop mal Lesley et Sandrine, parce qu’elles se comportaient de façon ostensiblement servile avec eux. En revanche, leurs codétenues thaï et laotiennes faisaient l’objet de mauvais traitements divers lorsqu’elles ne se montraient pas assez soumises, ceux-ci allant de l’isolement aux sévices physiques. Les gardiens étaient les maîtres et tenaient à le faire savoir.
Allongée à même le sol sur une couverture qu’elle devait partager avec l’Australienne – les matelas étaient interdits –, Sandrine se laissait envahir par l’inquiétude. Comment prévenir ses parents ? Ici, le droit ne s’appliquait pas de la même façon qu’en Europe, et le contact avec le consulat s’avérait très difficile à obtenir. Elle s’en voulait de son imprudence et commençait à éprouver un fort ressentiment contre Cédric. Connaissant la sévérité de la répression en matière de stupéfiants dans les pays asiatiques – qui pouvait aller jusqu’à la peine de mort –, il n’aurait jamais dû se laisser aller à emporter sa petite provision de c******s. « Mais non, aucun problème, je le planquerai sous la doublure de ma valise, ils n’iront jamais chercher là ! ». Tu parles ! Mais le pire, c’est qu’ils avaient trouvé bien plus que quelques grammes de c******s dans les bagages de Cédric : deux cents grammes d’héroïne et des seringues ! À ce compte-là, c’était la prison à vie peut-être. Et le mystère le plus entier demeurait sur la façon dont les autorités étaient arrivées jusqu’à Cédric, qui clamait son innocence et jurait qu’il n’était pas au courant de la présence d’héroïne dans ses affaires. Une dénonciation ? Mais par qui ? Et n’avait-il vraiment rien à voir avec cette d****e ? C’est vrai qu’il se cantonnait d’habitude à ses joints, mais Sandrine se débattait maintenant dans le doute. N’avait-elle pas remarqué une trace de piqûre sur son bras ? Elle aurait dû écouter davantage les mises en garde de son père.
Pour calmer son angoisse, Sandrine essayait de construire dans sa tête un reportage sur son aventure, qu’elle pourrait vendre à L’Express. Un reportage, ou pourquoi pas un livre ?
À condition qu’elle sorte un jour de cet endroit.