Chapitre 13

2180 Words
Tiziana Cela faisait exactement neuf jours depuis ma fameuse dispute avec Giorgio. J'avais continué à bosser en couvrant les marques de violence. J'avais dû décommander la visite de mon cousin Matteo, car je ne voulais en aucun cas qu'il me voie avec ces traces sur le corps. Matteo était quelqu'un de fougueux et je voulais éviter un drame, car je suis certaine qu'il serait allé demander des comptes à Giorgio, et cela, pas de la manière la plus cordiale qui soit. Nous étions dimanche soir, j'avais à peine fini le boulot ce soir et j'étais en train de rentrer à la maison. Mon téléphone n'avait pas arrêté de sonner. J'avais réussi à changer quelques tours de travail avec des collègues afin de ne pas rencontrer Giorgio, car ce dernier se présentait très souvent à ma sortie parce qu'il détenait mon emploi du temps. Je garai la voiture devant l'immeuble en jetant un regard circulaire autour de moi, je pouffai un ouf de soulagement en notant l'absence du véhicule de Giorgio. Je descendis nonchalamment de la voiture et ouvris la malle arrière pour extraire les achats que j'avais effectués avant d'aller bosser quand je le vis se matérialiser devant moi comme par enchantement. - Tiziana, Tizi, s'il te plait chérie, dit Giorgio d'un ton suppliant. - Giorgio, répliquai-je d'une voix lasse, nous n'avons plus rien à nous dire. Je me rapprochai de la porte d'entrée et essayai d'y insérer ma clé, mais à ma surprise, Giorgio se saisit rudement de ma main et me tourna violemment vers lui. - Ça suffit maintenant, tu vas m'écouter ! Je pense m'être déjà assez excusé ! s'exclama Giorgio le regard vide. Je pris peur à cet instant. - Giorgio, j'ai eu une longue journée aujourd'hui et je suis extrêmement fatiguée, j'ai vraiment besoin de repos, dis-je courageusement. - Toujours la même excuse, hurla Giorgio en me bousculant rudement. Je ne demande qu'à te parler bon sang. Je commençais déjà à paniquer quand j'entendis une voix hurler de loin. - Tiziana, Tiziana, tout va bien ? demanda Caroline depuis son balcon. Je n'avais même pas remarqué sa présence et je remerciais silencieusement le ciel pour son intervention. Je levai la tête dans sa direction et lui répondis. - Euh, euh, oui tout va bien, réussis-je à lui crier d'une voix que j'espérais calme. Je savais qu'avec sa présence, Giorgio serait obligé de se tenir à carreaux. - Giorgio, laisse-moi rentrer chez moi, murmurai-je d'une voix lasse. - Tiziana, il faut qu'on parle ! s'exclama Giorgio. J'avais le regard tourné vers Giorgio quand le clic de l'ouverture automatique de la porte d'entrée et la voix de Caroline résonna dans mon dos. - Tiziana, as-tu besoin d'aide ? demanda Caroline en regardant avec insistance les sachets de supermarché que je tenais en main. - Merci Caroline, t'es gentille, lui répondis-je avec soulagement en lui tendant l'un des sachets. Aurevoir Giorgio, dis-je en me tournant vers ce dernier. Je rentrai dans l'immeuble après Caroline et m'assurai d'avoir fermé soigneusement la porte derrière moi. Je commençai à monter les marches qui menaient à nos appartements quand le soulagement que j'avais éprouvé plus tôt fut remplacé par un sentiment de honte. Caroline me précédait silencieusement et s’arrêta enfin devant mon appartement. Elle se tourna vers moi et me tendit le sac qu'elle tenait en main. - Bon beh, je vais y aller, je te souhaite une bonne nuit, dit Caroline d'un ton embarrassé en évitant de croiser mon regard. - Euh, merci beaucoup Caroline, euh, euh, tu ne voudrais pas entrer un moment, rétorquai-je d'un air hésitant. Je me sentais certes honteuse, mais je n'avais aucune envie de me retrouver dans la solitude de mon appartement. Une fois de plus, Caroline était intervenue, me sauvant ainsi la mise. - Euh, sans problème, donne-moi juste une minute, répondit Caroline. Caroline rentra dans son appartement pendant que j'entrais dans le mien. Je profitai pour ranger mes effets en attendant son retour. Je sentais un énorme nœud à ma gorge. J'avais une terrible envie de pleurer, mais j'essayais d'être forte. Caroline J'avais bossé aujourd'hui de 10 heures à 15 heures. J'étais ensuite rentrée à la maison et j'en avais profité pour faire une petite sieste. J'eus tout de même de la peine à m'endormir, car je n'avais pas réussi à rentrer en contact avec Alessandro de tout le week-end. Il était simplement injoignable. Je ne saurai dire comment j'aurais justifié le b****r que j'avais échangé avec Thomas, mais je savais au fond de moi qu'il fallait que je trouve les mots justes. J'ai été tentée dans un premier temps de laisser les choses telles quelles, car je me disais que c'était peut-être mieux ainsi. Notre relation était encore naissante, mais je me sentais bien avec lui et surtout, je n'avais pas envie d'y mettre un terme, pas si vite ! J'avais besoin de la vivre pleinement avant de décider de passer à autre chose. Je m'étais levée vers 17 heures et avais cuisiné rapidement du riz au safran (risotto alla milanese) et je m'étais ensuite décidée à étudier. J'avais le livre de neurologie ouvert devant moi, mais j'avais l'impression que les mots dansaient devant mes yeux. Je m'étais tout de même efforcée sans grand succès, cela aussi à cause de la chaleur étouffante de cette fin de mois de juin. Il y'avait certes un climatiseur déjà installé dans mon minuscule appartement, mais je ne pouvais me permettre de l'allumer, au risque de voir ma facture d'électricité flamber. J'avais alors décidé de m'installer sur le petit transat au balcon pour profiter de la brise du soir. J'étais en train de flâner sur mes cahiers quand des éclats de voix attirèrent mon attention. Malgré le noir, je pus facilement distinguer la silhouette de Tiziana et sans grand risque de me tromper, elle était accompagnée de son puncheur. J'avais malgré tout décidé d'aller à leur rencontre bien que Tiziana m'ait assuré de loin que tout allait bien. Je pris mon souffle et toquai à la porte de Tiziana. Cette dernière m'ouvrit la porte quelques secondes plus tard. - Viens, rentres, dit Tiziana avec un petit malaise dans la voix. J'entrai et elle m'invita à prendre place. Elle se rendit à la cuisine et se présenta avec une bouteille de vin (Prosecco) et deux verres. - Tu veux bien prendre un verre ? Ou de l'eau ? demanda Tiziana d'un air gauche en s'installant en face de moi. - Je prendrai volontiers un verre, merci, lui répondis-je d'un air embarrassé. L'atmosphère était assez pesante. Tiziana ouvrit la bouteille et nous servit. On se fit un tchin avant que chacun ne porte son verre à ses lèvres. Tiziana posa ensuite son verre sur la table et leva le regard vers moi, avant de baisser immédiatement la tête. - Je voulais te remercier pour tout à l'heure, parla enfin Tiziana. Disons qu'il se faisait déjà insistant. - Il n'y a vraiment pas de quoi ma belle. En regardant votre posture d'où j'étais, j'ai préféré descendre m'assurer que tout aillait bien. - Merci, répondit Tiziana. On resta silencieuses un petit moment tandis que chacune portait son verre à ses lèvres. - T'as pas chaud là ? demandai-je en réalisant qu'elle était vêtue de manière particulièrement chaude, pourtant nous avoisinions 31 degrés. - Euh, euh, balbutia Tiziana d'un air honteux sans oser terminer sa phrase. Je la regardai d'un air ahuri avant qu'une petite idée ne fasse son chemin dans mon esprit. - C'est ce à quoi je pense ? demandai-je. Tiziana hocha simplement la tête et éclata en sanglots à cet instant. Je me levai prestement et me rapprochai d'elle. Je pris place sur le siège près d'elle et la pris dans mes bras. Le corps de Tiziana fut secoué de soubresauts et elle laissa couler un torrent de larmes. Elle était inconsolable. Après de longues minutes, elle sembla se calmer. - Ça va aller Tiziana, ça va aller, dis-je en lui donnant de légères tapes sur le dos. - Je me sens tellement désemparée, dit-elle en s’essuyant les yeux du dos de la main. Elle se leva et alla prendre un mouchoir. Elle se moucha bruyamment et vint s'installer près de moi. - Vous êtes en couple depuis longtemps ? me harsadai-je à demander. - Oui, depuis un peu plus de trois ans. Il n'était pas comme ça au début tu sais... Je l'ai connu le jour de mon arrivée à Brescia. Je l'avais intercepté pour lui demander des renseignements. Je devais me rendre à la clinique où je bosse actuellement pour un entretien d'embauche. Quand il tourna le regard vers moi, je fus immédiatement captivée par ses yeux d'un noir profond. Il m'avait par la suite... Le regard de Tiziana s'illumina quand elle commença à me raconter sa rencontre avec cet homme. Il ne fallait pas être un devin pour réaliser que cet homme avait encore de l'emprise sur elle. - Euh, comment en êtes-vous arrivés là ? osai-je demander. Le regard de Tiziana s'assombrit à ma question. - Tu n'es pas obligée t'en parler, tu sais, dis-je en me sentant tout à coup mal à l'aise. - Euh, non, ça ne me dérange pas, répondit Tiziana avec le regard mélancolique. J'avais remarqué dès le départ qu'il était extrêmement jaloux et possessif, mais je dois avouer qu'au lieu de m'en inquiéter, je me suis sentie flattée. Voir un aussi bel homme, avec une bonne position sociale batailler pour m'avoir pour lui tout seul. Il m'avait carrément interdit de sortir avec mes collègues de travail pour un pot après le boulot. Tiziana s'arrêta un long moment et sembla fixer le vide. - Sur le coup, je n'avais rien trouvé de mauvais. Il essayait selon lui de me protéger, de me mettre en garde afin d'éviter de mauvaises rencontres. - Tu plaisantes, j'espère ? m'exclamai-je. Tu es une grande fille, qui a boulot, un appartement que tu paies de ta poche, qui a quitté ses parents pour s'installer dans une autre ville et d'après ce que je vois, tu t'en sors très bien. Il serait plus inquiet pour toi que tes propres parents qui t'ont laissée partir à des milliers de kilomètres d'eux ? - Tu sais, je n'ai pas pensé ainsi dès le départ. Après toutes ces années à vivre sous son cocon, j'ai commencé à me sentir à l'étroit, à vouloir me faire des amis, vouloir voir d'autres personnes que lui... - Ce qui me semble la chose la plus normale ! m'écriai-je. Je pense qu'à part la violence physique, Tiziana subissait une violence psychologique de la part de Giorgio. Elle était complètement sous son joug. - En effet, répondit Tiziana d'une voix embarrassée. Giorgio s'opposait toujours au fait que je sorte avec mes collègues, même pas avec Maura, une collègue de travail avec qui j'entretenais de très bons rapports. Justement, à un moment n'en pouvant plus, j'avais décidé de sortir prendre un pot avec Maura après le boulot, tout en sachant que Giorgio n'aurait pas apprécié. J'avais pensé lui taire ma sortie, mais dans un sursaut d’orgueil, j'avais décidé de l'en informer. J'étais quand même une grande fille et jusqu'à preuve du contraire, j'avais le droit de fréquenter qui bon me semble. Giorgio était entré dans une colère noire et était sorti de mon appartement en me bousculant rudement, me faisant tomber. Je n'y avais pas accordé une attention particulière jusqu'à l'épisode successif après que j'aie reçu un message d'un collègue qui me faisait la cour, je ne l'avais jamais encouragé. Giorgio n'a rien voulu entendre et j'avais reçu une gifle soigneusement appliquée. Elle me narra par la suite les autres épisodes de violence physique. - Tu sais, dit Tiziana d'un ton légèrement honteux, je pense que Giorgio a peut-être besoin d'aide. - Pardon ? m'exclamai-je en me levant brusquement de mon siège et en la regardant attentivement. - À part ses crises de colère, il est vraiment un ange et nous passons des moments exceptionnels ensemble, répondit Tiziana d'une voix un peu rêveuse. Je restai à l'observer un petit moment avant de prendre la parole. - Tiziana, ce comportement de ton mec est anormal. On ne peut prétendre aimer quelqu'un sans vouloir son épanouissement. L'amour n'est pas une prison. - Je le sais bien, soupira Tiziana, Je reste tout de même convaincue qu'il n'est pas une mauvaise personne, car à part ces égarements, il est adorable et il les regrette toujours d'ailleurs. - Je vois, je pense que tu devrais quand même réfléchir à ce que je t'ai dit. Parfois, ces traces, dis-je en indiquant du regard ses vêtements ambles, ne sont que le début d'une longue série... - Je sais ma belle, mais d'un autre côté, j'ai l'impression de le lâcher alors qu'il a peut-être besoin de mon aide. Nous restâmes pensives toutes les deux pendant un long moment. - Je vais y aller ma belle, une dure journée m'attend demain, dis-je en pensant à Alessandro. Réfléchis tout de même à notre conversation. - Promis, répondit Tiziana en souriant faiblement. Je me levai et rejoignis mon appartement pendant que Tiziana fermait la porte derrière moi.
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