Les yeux rivés sur la porte d'entrée de son bureau, Daegan attendait impatiemment qu'Éric fit enfin son apparition. Cela faisait plus d'une quinzaine de minutes que sa secrétaire l'avait informé de sa présence et qu'il attendait désespérément qu'il vienne lui faire part de ce qu'il avait pu obtenir en menant ses recherches. Qu'est-ce qu'il pouvait bien le retenir ? N'avait-il pas conscience qu'il le faisait attendre ? Il vida d'un trait son verre et le reposa sur le mini bar avant de s'emparer du combiné. Il rappela sa sécrétaire pour lui demander des explications. Celle-ci insistait sur le fait qu'il avait bien pris le couloir qui menait directement à son bureau.
_ Alors pourquoi n'est-il toujours pas dans mon bureau ? Il cria à l'endroit de sa secrétaire.
— Je ne saurai vous le dire Monsieur. Je ne comprends pas, il devrait être à votre bureau à l'heure qu'il est.
Daegan raccrocha et sans plus attendre sortit de son bureau. Il jeta un regard aux alentours et ne vit personne. Ce qu'il trouva étrangement bizarre. Où était donc passé Éric ? Alors qu'il extirpa son téléphone portable pour appeler ce dernier, il entendit des bruits de pas. Il releva la tête et aperçut sa petite nièce. Celle-ci accourut aussi vite et se jeta sur lui pour l'étreindre.
— Tonton !
Sa frustration s'envola aussitôt et un large sourire se dessina sur ses lèvres.
— Elle ne m'a pas laissé le temps de l'emmener vers vous, expliqua la secrétaire qui les avait rejoints.
— Elle connaît très bien le chemin Elena.
— Je vous laisse.
— Alors, qu'est-ce tu fais ici ma belle ? Où est ta mère ? S'enquit-il en la reposant sur le sol.
— Au café avec tonton Éric. Ils discutent.
Prenant un air surpris il fronça les sourcils.
Pourquoi Éric se trouvait-il au cafétéria avec sa sœur alors qu'il devrait être même en ce moment dans son bureau pour lui faire un rapport. Et de quoi pouvaient-ils bien discuter ?
— Azalée ! Tu m'as fait un sang d'encre, s'exclama corazon qui arborait un visage angoissé. C'est la dernière fois que tu t'éclipses de la sorte. Combien de fois devrais-je te le répéter d'ailleurs ? S'emporta-t-elle.
— Je voulais voir oncle Daegan, murmura la petite en bourdonnant.
Corazon porta un regard sévère sur sa fille. C'était justement pour éviter ce genre d'angoisse qu'elle avait préféré la laisser à la maison. Elle avait insisté à tel point que Tante Babette l'avait supplié de l'emmener.
— Elle n'a rien fait de mal Corazon..
— Ah oui ? Tu trouves ? Peux-tu imaginer la peur que j'ai ressentie lorsque j'ai réalisé qu'elle n'était plus à mes côtés? Ce n'est pas pour la première fois qu'elle le fait et tu le sais bien. Cette petite a toujours le chic de me mettre dans tous mes états en se faufilant en douce. J'en ai plus qu'assez de toujours lui répéter qu'elle devrait me prévenir avant d'aller quelque part mais elle n'en fait qu'à sa tête.
Daegan ne reconnaissait plus sa sœur ; il ne lui connaissait pas ce côté là, bien évidemment puisqu'elle était d'une nature calme et ne s'emportait presque jamais encore moins quand sa fille faisait une bêtise. Il se doutait bien que quelque chose la tracassait et il n'avait pas besoin d'être un génie pour deviner ce qui la mettait dans cet état. Il s'abaissa au niveau de sa petite nièce qui avait déjà les yeux humidifiés de larmes. Il se servit de son pouce pour les essuyer et lui murmura quelque chose à l'oreille. Elle retrouva le sourire et sautillait de joie lorsque Daegan sortit un billet de sa poche.
— Non Daegan, s'écria Corazon en arrachant le billet.
— Qu'est-ce qu'il te prend ? S'enquit Daegan en plissant le front.
— Elle finira par en prendre plus de calories si tu la pousses toujours à manger ces cochonneries. Je te l'avais pourtant refusé
— Ne sois pas ridicule, ce n'est pas quelques glaces qui lui feront prendre du poids. Tu devrais arrêter d'infliger à cette pauvre gamine un régime aussi strict et la laisser s'adonner à ces sucreries comme tous les enfants de son âge. "Rends-moi mon billet" ordonna-t'il avec un regard sévère à l'appui.
Sous le regard opiniâtre de Dagean, Corazon se résigna à lui remettre le billet.
— Merci.
— c'est bien la dernière fois.
— Ça suffit Corazon. Azalée, tu peux aller voir Elena pour qu'elle te prenne une glace.
— N'importe laquelle ? Demanda t-elle en sautillant.
— Oui ma belle.
Sans plus attendre, Azalée prit le Billet que lui tendit Daegan.
— Je t'en prie, ne t'éloigne surtout pas , s'écria Corazon.
— Promis maman.
— Nous pouvons oublier sa carrière, soupira Corazon de frustration.
— Arrête, tu veux ? Et si tu me disais plutôt ce qui t'amène ici. Alors tu entres ? S'enquit-il en ouvrant la porte de son bureau.
Après avoir jeté un coup d'oeil furtif à sa montre, il glissa sa main sur le dos de sa soeur et la poussa à l'intérieur de son bureau.
— Tu attends Éric , j'imagine.
— Oui, répondit-il d'une voix coléreuse. Je l'attends depuis un moment et il n'est toujours pas arrivé. Ce qui me choque le plus c'est le fait qu'il aie passé tout le temps à discuter avec toi alors qu'il devrait être ici à me faire un rapport.
— Oh ça va, pas la peine de te mettre dans un tel état. S'il n'est pas arrivé jusqu'à ton bureau c'est parce que je lui ai renvoyé chez lui.
— Et pourquoi ? Demanda t-il en levant un sourcil d'étonnement.
— La mère d'Isabelle n'arrivait pas à le joindre. Ni toi d'ailleurs. Sa femme est sur le point d'accoucher. Elle m'a donc appelé pour que je le prévienne. Il est de son devoir d'être aux côté de sa femme.
— Je comprends.
— Et le voici ton rapport, ajouta t-elle en lui tendant une chemise dossier.
Daegan s'en empara et s'empressa de jeter un coup d'œil. Pendant qu'il zieutait le document, Corazon prit place sur l'un des canapés de la pièce.
— Enfin une bonne nouvelle, lança finalement Daegan.
— Alors, nous avions une piste ?
— Oui, répondit-il. Cette Zara Bishop, je crois que nous l'avions enfin trouvée.
— Je n'arrive pas croire qu'on aie pu avoir une piste. Après plusieurs années à la rechercher sans succès.
— Il était temps qu'on la retrouve Cora. On l'avait promis à papa, dit-il en saisissant le combiné.
— Oui Mr? En quoi puis-je vous aider ? Lança la voix de la secrétaire à l'autre bout du fil.
— Faites moi une réservation pour Boston.
— Pour quelle date ?
— Pour demain. Je prendrai le vol de l'après-midi.
— Mais , que faites-vous de la réunion prévue pour demain monsieur ?
— Reportez le, Elenea. Ce voyage est bien plus important que cette réunion, déclara t-il avant de raccrocher.
— T'es-tu préparé à la rencontrer au moins ? Demanda t-elle en devinant déjà la réponse.
— Franchement non, soupira t-il.
— Alors là, je m'inquiète.
— Et pourquoi donc ? Je ne vais sûrement pas débarquer chez elle et lui annoncer qu'elle fait partie de notre famille et que papa l'a fait d'elle une héritière. J'irai pas à pas à commencer par me rapprocher d'elle et essayer de mieux la connaître. Bien ! dis moi, Quand es-tu rentrée ?
— Hier soir, nous avons passé la nuit chez Tante Babette. Damian s'est enfin réveillé du coma, ajouta t-elle d'une voix empreinte de tristesse.
— Mais c'est une excellente nouvelle, s'exclama Daegan. Mais pourquoi fais-tu donc cette tête ? Tu devrais plutôt te réjouir non ?
— Enfin, je suis heureuse qu'il s'en soit sorti.
— Alors où est le problème ?
— Le problème, répéta t-elle en quittant son siège pour rejoindre Daegan qui était adossé contre le bureau. Le problème est que...
À peine prononça-t'elle ces mots qu'elle fondit en larmes; de quoi rendre son frère encore plus anxieux à son sujet. Il faut dire que la dernière fois où Daegan l'avait vue dans cet état était à l'occasion du décès de leur père; plusieurs années s'étaient écoulées depuis. C'était fort surprenant de la voir verser des larmes au moment où elle devrait sauter de joie. Le père de sa fille avait retrouvé ses sens: il avait survécu
Il arracha un papier mouchoir de la boite rectangulaire posée sur son bureau et le tendit à sa soeur.
— Merci, murmura-t-elle en prenant le papier mouchoir.
— Qu'est-ce qui ne va pas Corazon? Demanda-t-il tendrement.
— Je...Je savais qu'il allait s'en sortir puisque c'est l'homme le plus battant que j'aie connu. Je ne m'attendais pas à ce qu'il ouvre les yeux et me fixe comme si je n'étais qu'une parfaite étrangère à ses yeux. Au départ, j'ai cru qu'il faisait semblant de ne pas me reconnaitre vu qu'il m'en voulait de lui avoir caché l'existence d'Azalée.
— Serais-tu entrain de me dire que Damian aurait perdu la mémoire ? Fit Daegan en prenant un air choqué.
Corazon hocha la tête en se mouchant.
— Comment pourrais-je l'annoncer à Azalée. Elle était si enthousiaste à l'idée de connaître enfin son père; de lui faire entendre la chanson qu'elle lui avait écrite spécialement pour lui, ajouta t-elle dans un rire amer. Elle sera dévastée !
Chamboulé par cette nouvelle , il enlaça sa soeur et lui caressa le dos d'un geste fraternel.
Aucune langue ne saurait décrire les émotions que partagèrent ces deux âmes si familières durant la dizaine de secondes que dura l'étreinte. Le réconfort, le soulagement que lui procura son frère était bien réel. C'étaient des jumeaux. Ils avaient grandi ensemble et ont tout appris à deux. Aucun des deux ne se connaissait autant que le connaissait l'autre. Cette proximité s'avérait si précieuse dans un moment comme celui là. Daegan n'avait pas besoin de sentir quelque chose d'intense ou de spécial. Il n'avait qu'à être là,... Sa présence comptait beaucoup. Et même si les mots d'encouragement tardaient à venir, ce n'était pas le plus important. Il était présent. C'était assez.
Et comme il aimerait tant apaiser sa douleur, il avait horreur de la voir dans cet état.
— Tout est de ma faute Daegan, couina t-elle en redoublant ses sanglots.
— Ne dis pas ça Corazon. Tu n'y es pour rien. Arrête de te culpabiliser pour une chose que tu n'as pas orchestré.
— Comment peux-tu me dire cela ? Elle vociféra en se retirant de son étreinte. Aurais-tu oublié que s'il est dans cet état c'était à cause de cet accident dont je suis la responsable ? C'était moi qui avait commencé cette dispute et c'était toujours moi qui était au volant.
— Je n'ai pas oublié Corazon. Damian avait fait preuve d'imprudence. Il n'aurait jamais dû vouloir te prendre le volant de force.
— Il voulait m'arrêter puisque je conduisais à une vitesse supérieure sous l'effet de la colère. Ne me cherche pas d'excuse Daegan. Damian ne se souviendra jamais de nous à cause de moi. Je me déteste tellement.
— Sèche tes larmes, si Azalée te voit dans cet état, elle te posera des questions. Je suis sûr que tu ne veux en aucun qu'elle apprenne la nouvelle.
— Je ne supporterai pas de la voir triste. Oh ! c'en est trop Daegan. Je ne sais pas si je pourrai endurer cette situation encore longtemps. Un jour à l'autre il faudra que j'en parle à Azalée.
— Allez viens on va s'asseoir, il l'incita en la poussant vers le canapé. Alors, quel est l'avis du médécin concernant son état ? A-t-il espoir qu'il recouvre la mémoire ?
— Je sais pas Daegan. Le médecin trouve que...
À peine A-t-elle articulé ces mots qu'Elena surgit dans le bureau avec une expression alarmée sur le visage.
— Qu'il y-a t-il Elena ? Demanda Daegan d'une voix craintive.
— C'est la petite, elle a disparu.