La défloration

3196 Words
La défloration« Ils se rapprochent, seuls et dans l’ombre de la nuit. Vénus leur donne de l’ardeur ; ils essayent des combats nouveaux pour eux. Il se lève roidi : elle s’efforce en vain de lui résister : il s’attache à ses joues, à ses lèvres, et tout brûlant, du pied lui presse le pied. Mais le traître vise plus haut. Une verge se dérobait sous son vêtement, la tête nue et rouge comme le vermillon, comme la baie sanglante de l’hièble. Quand leurs pieds sont entrelacés, il tire de sa cuisse ce monstre horrible, informe, démesuré, privé de la vue, et se jette avec feu sur sa tremblante victime. Dans un réduit où mène un étroit sentier, s’ouvre une fente chaude et luisante : de ses profondeurs s’exhale une vapeur impure ; nul homme chaste ne doit pénétrer dans ce coupable lieu. C’est une caverne horrible, un gouffre ténébreux qui vomit des exhalaisons dont l’odeur blesse les narines. Le jeune héros s’y porte par des routes connues, et, pesant sur le ventre et rassemblant ses forces, il y plonge sa javeline noueuse et d’une dure écorce. Elle s’y enfonce et s’abreuve à longs traits d’un sang virginal. Les cavités retentirent et les cavernes rendirent un long gémissement. Elle, d’une main mourante, veut arracher le trait ; mais, à travers les os pénétrant les chairs vives, le dard se fixe dans la blessure. Trois fois avec effort elle se soulève appuyée sur le coude, trois fois elle retombe sur sa couche. Lui, rien ne l’émeut, rien ne l’étonne : il ne connaît ni trêve ni repos : il s’acharne, tient ferme, et n’abandonne jamais son clou. Les yeux tournés vers le ciel, il va et revient dans ce ventre qu’il ébranle, il perce les côtes et les meurtrit de sa dent d’ivoire. Bientôt enfin ils arrivent tous deux au bout de la carrière : fatigués, ils atteignent le but. Leur haleine pressée agite leurs flancs et leurs lèvres arides, la sueur ruisselle de leurs membres. Le héros se pâme et succombe : de l’engin le virus découle. » La jeune épousée ne sera, malgré tout, que l’intendante de la maison de son mari, la mère des enfants qu’elle lui donnera. Si elle est stérile, elle doit être répudiée comme inutile, et, dans tous les cas, supporter à côté d’elle la concubine qui apportera quelque variété dans le geste d’amour, assurera l’intérim pendant les grossesses. Pour elle, d’après le règlement solonien, le mari lui doit au moins trois preuves d’amour conjugal par mois. Et si un mari impuissant a épousé une riche héritière, celle-ci pourra solliciter le b****r d’un des parents de son mari, à son choix. Plutarque ajoute à ce code un peu sec des préceptes plus tendres : On demandait à une jeune Lacédémonienne si elle s’était approchée de son mari : « Non, répondit-elle, mais il s’est approché de moi. » C’est ainsi que devra se conduire une épouse pudique ; ne fuyant ni ne recevant d’un air morose les avances de son mari, jamais non plus elle ne les provoquera. L’une se sent de la courtisane effrontée, l’autre manque de grâce et d’amour et devient une preuve d’indifférence ou de dédain. Partout et toujours il faut que les époux évitent de s’offenser ; mais ils le doivent surtout lorsqu’ils reposent ensemble sur l’oreiller ; car il serait difficile de trouver le temps et le lieu où puissent s’apaiser les discordes, les querelles et les colères qui naîtraient dans cet asile du repos et de la tendresse. Saint et respecté doit être l’acte mystérieux qui, comme le labourage pour la terre, est l’origine de la fécondité conjugale, dont la naissance des enfants est le but et la fin naturelle. En raison de son caractère sacré, l’homme et la femme unis par le mariage ne doivent s’approcher que religieusement et sagement de cette source de la vie, et il n’est pas pour eux de devoir plus impérieux que de s’abstenir de toute conjonction illicite, de regarder comme un crime toute tentative de n’en recueillir aucun fruit, ou de se laisser aller, quand ce fruit est produit, à en rougir ou à le cacher. » Plus brutalement le Romain dira à sa femme : « Laisse-moi satisfaire mes désirs sur d’autres femmes ; le nom d’épouse est un titre de dignité et non de plaisir. » Et Pétrone, non sans aigreur, ajoutera : « On doit aimer son épouse comme un revenu légitime ; et je ne voudrais pas être condamné à n’aimer que mon revenu. » D’ailleurs, les femmes n’y mettent guère plus de pudeur, puisque Sénèque s’écrie avec indignation : « Qui aurait aujourd’hui aucune honte de l’adultère, depuis qu’on en est venu au point que nulle femme ne prend un mari que pour piquer un amant ! La chasteté n’est plus qu’une preuve de laideur. Quelle est la femme assez misérable, assez repoussante pour se contenter d’une seule paire d’amants, qui n’ait ses heures pour chacun, sans que le jour lui suffise pour tous, qu’on ne voit en litière chez l’un, au lit chez l’autre ? Il n’y a qu’une niaise et une femme du vieux temps qui ne sache pas que l’adultère avec un seul est appelé mariage. Quelle femme rougit aujourd’hui d’être répudiée, depuis qu’il se trouve des matrones nobles et illustres qui comptent leurs années, non par le nombre des consuls, mais par celui de leurs maris, qui divorcent pour se marier, se marient pour divorcer ? On a redouté ce scandale aussi longtemps qu’il a été rare ; mais depuis qu’aucune de nos audiences ne se passe sans un divorce, à force d’en entendre parler, on a appris à en user. » Mais qu’avons-nous parlé de pudeur ? Gardons-nous de donner à ce mot le sens restrictif et prohibitif que nos mœurs lui ont assigné ; n’oublions pas qu’il s’agit d’un peuple trop près encore de la nature pour considérer déjà l’instinct s****l comme chose honteuse et qui, loin d’attacher une idée libertine à la représentation de l’organe de la génération, lui donne la plus haute signification symbolique. Et c’est ainsi qu’un grave philosophe épicurien, étudiant un long et superbe poème de la Nature, a consacré quelques pages remarquables à l’examen philosophique du b****r charnel, de l’attraction sexuelle : Quand les premiers feux de l’adolescence pétillent dans les cœurs des jeunes gens ; quand la nature a mûri dans leurs jeunes membres le suc générateur, les simulacres émanés en foule de tous les corps brillants de fraîcheur et de beauté, les poursuivent, irritent leurs désirs, le nectar de l’amour bouillonne, franchit sa limite et leurs vêtements sont inondés de flots voluptueux. Oui, ce n’est qu’au temps où l’adolescence a développé nos corps que le fluide créateur abonde et s’épanche. Chacun de nos organes est excité par la sympathie des objets qui l’entourent : l’organe des plaisirs n’est enflammé que par les formes humaines. Dès que le nectar fécond, échappé de ses réservoirs, se répand dans les membres, se précipite vers les conduits destinés à son cours, et abreuve le siège même de la volupté : soudain les vaisseaux tendus se gonflent à la fois ; irrités, ils demandent à s’épancher. Le désir a fait son choix et s’élance ardemment sur l’auteur de sa brûlante blessure : une guerre active, un combat amoureux s’allume ; les coups répondent aux coups ; on s’approche, on frémit, des pleurs coulent, un ennemi succombe, et le vainqueur téméraire ensanglante sa lubrique victoire. Ainsi, lorsque Vénus nous a blessés de ses traits, soit en empruntant les charmes d’un adolescent, soit en faisant briller la volupté sur le corps ravissant d’une femme, notre cœur s’élance à son tour vers l’objet d’où le coup est parti, il veut s’unir à lui et l’inonder de flots amoureux. Voilà Vénus ! voilà l’origine de ce nom d’amour et la source de cette suave rosée, qui filtre goutte à goutte au fond du cœur enivré de délices et devient bientôt un océan de douleurs. Car si l’objet aimé est absent, son image assiège, captive notre âme et son doux nom résonne sans cesse à notre oreille. Ah ! fuyons ces simulacres dangereux : écartons loin de nous les perfides aliments de l’amour, appelons d’autres idées dans notre âme. Qu’un heureux partage ne nous laisse point épancher tous les flots du plaisir sur un unique objet et bannisse ainsi les tourments d’une exclusive ardeur. La plaie de l’amour vit et se creuse dès qu’on la nourrit : sa fureur est toujours croissante et féconde en tourments ; elle s’embrase sans cesse, si par une nouvelle blessure chaque blessure remplacée ne s’affaiblit tour à tour ; si une tendresse volage n’efface la première trace du mal et ne donne un nouvel aliment aux caprices du cœur. Mais, en réprimant l’amour, se prive-t-on des doux fruits de la volupté ? Ah ! plutôt on recueille ses charmes en évitant ses peines : la volupté est le partage de l’esprit libre et ferme et fuit ces forcenés dont les ardeurs flottent incertaines ; qui, dans l’ivresse de l’amour, ne savent quels attraits ils doivent livrer à l’avidité de leurs mains et de leurs regards ; qui, dans l’étreinte de leur fureur lubrique, semblent courroucés, fatiguent l’objet de leur désir, et, d’une dent frémissante, impriment sur la lèvre des baisers douloureux. Non, leur volupté n’est pas pure ; ils sont irrités, par des aiguillons secrets, contre l’auteur de cette ardeur frénétique : mais Vénus amortit le trait dans le sanctuaire du plaisir et répand sur la blessure le doux nectar de la volupté. Oui, l’insatiable amant espère qu’à la source même de sa brûlante ardeur il pourra en éteindre la flamme ; mais la nature répugne à des résultats si opposés. L’amour est l’unique désir qui s’irrite par la jouissance. La faim et la soif s’apaisent aisément parce que les breuvages et les sucs des aliments se distribuent dans nos membres et font partie d’eux-mêmes ; mais un visage charmant, un teint brillant de fraîcheur n’introduisent en nous que de légers simulacres, qu’un stérile espoir soudain emporté par le vent. Tel, dans le sommeil, un homme consumé par la soif cherche vainement Tonde qui peut éteindre l’ardeur de son sein ; il tend ses lèvres avides au simulacre d’un limpide ruisseau, il s’épuise en vains efforts et succombe, dévoré par la soif au milieu de cette onde trompeuse. Ainsi, par de fugitifs simulacres, Vénus se joue des amants ; l’aspect des formes enchanteresses les embrase et ne les rassasie pas ; leurs mains avides parcourent les plus secrets appas, et, sans pouvoir en détacher la moindre portion, elles errent incertaines sur un corps voluptueux. Et lorsque, dans la fleur de l’âge, deux amants réunis frémissent aux brûlants accès du plaisir, lorsque Vénus, descendue dans leurs corps, va semer le champ de la maternité, leurs membres s’entrelacent ; sur leurs lèvres humides, que presse une dent amoureuse, leurs âmes se cherchent et se confondent. Mais la nature ne permet pas cette intime fusion : leurs corps, l’un dans l’autre, ne peuvent se fondre tout entiers. Car tel est le but de leurs ardents efforts, tant Vénus les enlace étroitement, tandis que leurs membres palpitant au choc brûlant du plaisir se résolvent en sucs voluptueux ; enfin, quand l’amour a rompu la barrière de ses flots jaillissants, sa violente ardeur se calme un moment, mais elle se rallume avec une fureur insatiable, toujours trompée dans son but, elle ne peut trouver aucun moyen de triompher de son mal : les amants dans leur incertitude sont consumés par une secrète blessure. Ajoutez à ces tourments la fatigue du vice ; ajoutez une vie courbée sous un joug ignominieux, une fortune détruite, la dette rongeuse, les devoirs oubliés, un honneur malade et chancelant. On prodigue les parfums, on fait briller à ses pieds l’élégante chaussure de Sicyone ; les émeraudes les plus grandes et du vert le plus éclatant sont enchâssées dans l’or, et les tissus les plus précieux prodigués dans les joutes du plaisir, s’usent en étanchant la sueur amoureuse. Les voluptueux convertissent les biens de leurs ancêtres en voiles, en ornements, en meubles somptueux ; ils les transforment en parures de débauches, de festins et de jeux, ils respirent de suaves parfums, ils se parent de guirlandes et de couronnes ; mais du milieu même de la source des plaisirs surgit l’amertume, et l’épine déchirante sort du sein brillant des fleurs. Soit que le remords crie au fond du cœur et leur reproche des jours oisifs et honteusement perdus ; soit qu’un mot équivoque, échappant de la bouche d’une amante comme un trait déchirant, pénètre dans leur âme et s’y conserve pareil au feu qui s’accroît sous la cendre ; soit que la défiance jalouse épie dans les regards distraits un éclair pour un rival, ou surprenne sur des lèvres trompeuses un souris ironique. Ah ! si tant de peines accompagnent l’amour fortuné, les innombrables tourments d’un amour sans succès ne frappent-ils point tous les yeux ? Il faut donc, je le répète, veiller sur soi-même, réfréner ses désirs et se prémunir contre les pièges de l’Amour. Car il est plus aisé de les éviter que de s’en affranchir quand ils nous ont captivés, et de rompre les chaînes dont Vénus nous accable. Quoique enlacé dans le piège fatal, l’homme pourrait encore s’y soustraire si lui-même n’y précipitait ses pas, s’il ne fermait les yeux sur les vices de l’âme et du corps de l’objet qui l’asservit. L’aveugle délire des amants enfante des perfections imaginaires ; leur cœur séduit transforme en beautés, en vertus, les difformités et les vices. En vain ils se prodiguent une mutuelle et mordante ironie, ils se conseillent alternativement de conjurer Vénus de les affranchir de leurs nœuds avilissants, et le plus implacable censeur ne voit pas que lui-même est le plus coupable. Chacun embellit les défauts de son idole. La noire est une brune piquante. L’immonde négligente dédaigne la parure. La louche est l’image de Pallas. La maigre, aux nerfs vaillants, une biche légère. La petite, la naine, l’une des Grâces, une beauté, une perfection sans mélange. La taille colossale, sans altération, a de la noblesse et de la dignité. Celle qui balbutie des mots inachevés, c’est la modestie qui bégaie. La muette est la pudeur même. La querelleuse, ardente et loquace, est une flamme qui pétille sans cesse. Une maigreur qui semble ne plus appartenir à la vie offre les traces d’un brûlant amour. Celle dont la toux est mortelle devient une beauté languissante. D’énormes mamelles sont les appas de l’amante de Bacchus. Le nez court promet la volupté. La lèvre épaissie appelle le b****r. Mais où m’arrêter, si je tentais de retracer toutes les illusions de l’amour ? Eh bien, j’y consens : ton amante mérite les éloges de ta bouche. Tout son corps voluptueux exerce la puissance des attraits de Vénus ; mais n’en est-il pas d’autres aussi parfaites, et tes jours coulaient-ils sans charmes avant de la connaître ? Oublies-tu que, comme la plus difforme, elle subit les infirmités de la vie ; que souvent, son souffle corrompu l’infecte elle-même, et que ses suivantes s’échappent pour exhaler loin d’elle leur rire satirique ? Cependant, l’amant à qui sa demeure est interdite vient suspendre des guirlandes de fleurs sur sa porte dédaigneuse : il y brûle des parfums, et, plaintif, il imprime ses baisers sur le seuil ; mais s’il parvient à le franchir, l’illusion s’évanouit : l’air qu’il respire blesse ses sens, il médite une adroite retraite ; soudain, il oublie ses plaintes amoureuses méditées si longtemps, il s’accuse de folie et ne conçoit pas comment il supposait à la faiblesse humaine ces perfections que la nature ne lui départit pas. Aussi les prêtresses des amours ne s’abusent point : aux amants qu’elles veulent attirer dans leurs chaînes, elles cachent avec art les arrière-scènes de la vie ; mais l’imagination porte sa clarté dans ces mystères ; active, elle en pénètre les plus profonds secrets. Tandis que la femme, dont l’esprit est facile et complaisant, vous permet elle-même d’acquitter les tributs que l’humanité vous impose. Oui, les soupirs d’une femme sont quelquefois exempts de feinte, lorsque, pressant contre son sein le sein de son amant, elle l’étreint avec ivresse ; lorsque, sur la bouche qu’elle aime, ses lèvres humides s’abreuvent de volupté : son ardeur est sincère ; heureuse de faire partager à son amant le plaisir qu’elle éprouve, elle l’excite à fournir la course à l’amour. C’est ainsi que la femelle des légers oiseaux, des monstres féroces, des troupeaux et du fier coursier succombe avec docilité aux ardeurs de son époux ; car le bouillonnement du désir livre un s**e timide à la douce réaction des ébats amoureux. Ne vois-tu pas les êtres unis par une mutuelle ardeur, tourmentés en secret dans leurs communs liens ? Vois ces chiens lascifs, au détour des chemins ; par des efforts opposés, ils tentent de se désunir, mais ils resserrent encore les liens plus puissants de l’amour. En serait-il ainsi sans l’attrait impérieux d’un plaisir mutuel, qui les précipite dans le piège et les retient captifs ? Il faut donc l’avouer, tous les sexes ont une part commune à la volupté. Dans l’ivresse de l’amour, quand la femme pompe en ses flancs avides les germes producteurs, la ressemblance des enfants tiendra du père ou de la mère, selon que l’un ou l’autre fournira davantage au tribut voluptueux ; et s’ils tiennent également de leurs auteurs, alors les sources de la vie, extraites du plus pur-sang du père et de la mère, ont été excitées par une ardeur égale, et leurs flots sagement balancés, ont également concouru à la naissance du nouvel être. Quelquefois, les enfants, images de leurs aïeux, rapportent les traits de leurs ancêtres les plus éloignés, parce que les époux renfermaient en eux quelques principes purs, qui, de race en race, se sont transmis de la tige première au sein de leurs rejetons. C’est en animant cette foule de principes que, sous des formes variées, Vénus fait revivre en nous les traits, la chevelure, la voix de nos ancêtres ; parce que, semblables aux autres parties du corps, ils sont formés de germes dont le but est invariable. L’homme et la femme influent également dans la reproduction des deux sexes, car l’enfant ne naît que du mélange des flots générateurs. Seulement, sa ressemblance est plus marquée avec le père ou la mère, selon que l’un ou l’autre aura contribué plus largement au tribut amoureux. Non, ce ne sont pas les dieux qui nous interdisent quelquefois le don de propager notre race, nous privent du doux nom de père, et nous condamnent à un hymen stérile. N’imitons point ces époux qui, dans leur crédule espoir, répandent le sang des victimes, surchargent les autels de présents, demandent à la divinité les sucs abondants qui doivent féconder leurs épouses ; mais ils fatiguent en vain les oracles et les dieux. L’épouse demeure stérile quand la semence de la vie est trop fluide ou trop onctueuse ; car, ne pouvant se fixer dans l’enceinte qui la reçoit, elle se résout appauvrie et retombe en rosée infertile. Trop épaissie, au contraire, elle s’embarrasse, n’atteint point le but, ou, si elle pénètre dans le sanctuaire, elle ne peut se confondre aux flots amis qu’elle aura fécondés. L’harmonie est indispensable aux concerts de Vénus. Tel homme est souvent plus fécond avec la femme qui lui offre le plus de sympathie ; telle femme reçoit plus facilement le fardeau de la grossesse de l’époux qui lui convient le mieux. On a vu des femmes subir sans fruit le joug de plusieurs hyménées, et qu’un époux nouveau entoure d’une nombreuse et douce postérité. On a vu des époux, après plusieurs unions infertiles, recevoir d’une autre compagne les tendres soutiens de leur vieillesse : tant la sympathie est nécessaire dans l’intime union des époux, afin que les sucs générateurs, ni trop onctueux ni trop appauvris, puissent, dans une douce fusion, accomplir l’œuvre de l’amour. Observons aussi l’influence des aliments : les uns épaississent, les autres liquéfient, appauvrissent les flots générateurs. Ne négligeons pas non plus l’attitude qui convient aux doux sacrifices de la volupté. On le croit, le modèle le plus favorable nous est offert par le coursier généreux ; car la poitrine, placée à la même hauteur que les reins, ouvre une carrière plus libre aux flots générateurs. Que jamais l’épouse, par des ébats lascifs, n’excite l’ardeur de son époux : la secousse de ses membres voluptueux sollicite des flots trop abondants qui jaillissent de tout le corps et l’énervent ; d’ailleurs ces mouvements immodérés s’opposent à la fécondation : le soc, détourné de son but, épanche la semence hors du sillon. Laissez aux viles courtisanes ces honteux artifices qui les affranchissent du fardeau de la maternité et rendent leurs faveurs plus délicieuses ; l’épouse, entourant ses plaisirs d’un voile de pudeur, dédaigne ces lubriques transports. Sans le secours de la divinité, sans les flèches de Vénus, l’épouse la moins belle trouve l’art d’être aimée. Sa facile prévenance, la soigneuse propreté, ornement de son corps, son indulgente vertu accoutument son époux à couler près d’elle une douce vie : l’amour naît aisément de l’habitude. Ainsi de faibles coups, mais sans cesse répétés, triomphent des corps les plus indestructibles ; et la pluie, en tombant goutte à goutte, perce, avec le temps, le plus dur rocher. » DEUXIÈME PARTIE La Science de l’AmourLa Science de l’Amour
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