II
Quand monsieur le curé ne pouvait pas venir – car le pauvre homme avait des rhumatismes en hiver – c’était Pauline qui faisait la partie de sa tante. Qui ça, Pauline ? Morbleu, si vous lisiez mieux, vous le sauriez déjà ! – La nièce de dame Yolande, une nièce pauvre mais à qui la vieille dame devait laisser toute sa fortune. En attendant, Pauline était riche déjà de tous les biens naturels qu’un homme de sens estime pour la plus précieuse des dots : un visage avenant qu’éclairaient deux yeux loyaux et doux, une belle taille bien remplie, fort heureusement bombée aux bons endroits. L’ensemble de ses grâces savoureuses était pour contenter un gourmand et un gourmet tout ensemble. Tout était charmant, et il y en avait beaucoup. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre.
Bien qu’elle excellât à laisser sa tante aller à dame, tout en commettant elle-même quelque faute volontaire, les émotions de ce sacrifice de tous les soirs ne suffisaient pas à occuper la nature rêveuse de cette belle enfant. Pauline avait dix-huit ans déjà et en paraissait vingt. Vous avez remarqué, comme moi, que les personnes qui prennent cette précaution n’en paraissent plus que trente-huit à quarante. C’est une compensation que leur devait l’équité divine, laquelle se manifestant rarement dans les grandes choses, doit s’évaporer ainsi en mille petites justices de menu détail. Ne vous plaignez donc jamais, homme de peu de foi, de ce qu’une jeune fille semble avoir plus que son âge. C’est une avance d’hoiries que vous fait une providence exceptionnellement favorable à vos désirs. De vous à moi, Pauline trouvait lourde déjà l’ombre même du bonnet de sainte Catherine et passait le jour à souhaiter un mari, sans compter la nuit où elle le souhaitait bien davantage encore. Innocente avec cela… Morbleu ! qui oserait dire le contraire ! Je vous ai conduits dans un monde fort bien élevé. Pauline savait mal ou point du tout ce qu’elle désirait, mais elle le désirait avec rage. Il existe encore, de par le monde, – apparent rari, – je n’ajoute pas nantes pour éviter les personnalités – des gens simples qui n’ont pas besoin d’analyser leurs impressions pour y trouver une saveur. Elle était de ces créatures élues qui savent être heureuses ou souffrir sans se demander si elles ont des raisons suffisantes et logiques pour cela. Elle souffrait et était heureuse tout ensemble, quand elle pensait à cette chimère. Arrangez cela comme vous voudrez. Je ne déflorerai pas les pudiques sensations de cette vierge en y promenant le scalpel qui sert de plume à mes plus illustres contemporains. Elle soupirait souvent, pleurait quelquefois, s’ennuyait toujours en compagnie… Et puis, en voilà assez comme ça.