Clara:
L’université avait une atmosphère pesante ce matin-là, et ce n’était pas seulement à cause des examens imminents. Il y avait quelque chose d’indéfinissable dans l’air, une tension palpable que je ne pouvais pas ignorer. Depuis que je m’étais réveillée, le cœur encore alourdi par les larmes de la veille, je ne cessais de penser à Peter, à tout ce qu’il m’avait confié. Cette histoire avec ses parents, le projet qui l’éloignerait de moi… Je savais qu’il n’avait pas pris cette nouvelle à la légère, et je sentais que quelque chose avait changé en lui.
Lorsque je le vis entrer dans l’amphithéâtre ce matin-là, mon cœur se serra. Ses épaules semblaient affaissées, son regard fixé sur le sol, évitant soigneusement de croiser le mien. Je le connaissais assez bien maintenant pour savoir qu’il s’efforçait de cacher ce qu’il ressentait vraiment. Cette distance, ce mur invisible qu’il semblait avoir dressé entre nous, me brisait le cœur.
Je pris une profonde inspiration, rassemblant mon courage pour aller lui parler. Je m’approchai doucement de lui, posant une main hésitante sur son bras. « Salut, Peter. » Ma voix trembla légèrement, trahissant mon inquiétude.
Il releva les yeux vers moi, mais ce fut un bref regard, presque furtif, avant qu’il ne détourne à nouveau le regard. « Salut, Clara. » Son ton était neutre, distant, comme s’il s’efforçait de maintenir une barrière entre nous.
Je fronçai les sourcils, essayant de comprendre ce qui se passait. « Est-ce que tout va bien ? » demandai-je doucement, espérant qu’il s’ouvrirait à moi, qu’il me dirait ce qui le tourmentait.
Mais il secoua la tête, esquissant un sourire forcé. « Oui, tout va bien. Juste une mauvaise nuit, c’est tout. » Ses mots sonnaient faux, et je sentais qu’il essayait de me rassurer, mais cela ne faisait qu’accentuer mon malaise.
Je l’observai un moment, cherchant dans son expression la moindre trace de ce Peter que je connaissais. Mais il avait changé. Son regard, autrefois si chaleureux, semblait désormais voilé par une tristesse profonde. Cette distance qu’il imposait, ce refus de croiser mon regard… Je ne pouvais m’empêcher de me demander si j’en étais la cause.
« Peter, tu peux me parler, tu sais. » Je baissai la voix, essayant de créer un espace de confiance entre nous. « Si quelque chose te tracasse, je suis là. »
Il serra les dents, et je vis ses mâchoires se contracter sous la tension. « Clara, je… » Il s’interrompit, comme s’il cherchait les bons mots. Puis il soupira, secouant la tête. « Ce n’est pas toi. Ce n’est pas ta faute. »
Mais je n’étais pas convaincue. Quelque chose n’allait pas. Je sentais cette douleur en lui, cette lutte intérieure qui le déchirait. Il avait toujours été franc avec moi, mais aujourd’hui, il se refermait, et cela me faisait plus mal que je ne voulais l’admettre.
Je pris une profonde inspiration, tentant de retenir les larmes qui menaçaient de couler. « Tu as l’air fatigué, Peter. Tu es sûr que tout va bien ? » C’était une question inutile, je le savais, mais je devais m’accrocher à quelque chose, tenter de percer ce mur qu’il avait érigé entre nous.
Il hocha la tête, esquissant un sourire triste. « Oui, juste… une nuit difficile. » Ses yeux se posèrent brièvement sur moi, et pendant un instant, je crus y voir une lueur d’espoir, comme s’il voulait me dire quelque chose. Mais il détourna le regard, et cette étincelle disparut aussitôt.
Je me sentais impuissante, incapable de l’aider, incapable de comprendre ce qui se passait vraiment. La culpabilité m’envahit, comme un poison qui se répandait dans mes veines. Était-ce à cause de moi qu’il souffrait ainsi ? Avais-je été égoïste en m’immisçant dans sa vie, en lui imposant mes propres sentiments ?
« Je suis désolée, » murmurai-je, baissant les yeux. « Si je ne m’étais pas rapprochée de toi, si je n’étais pas entrée dans ta vie… peut-être que tu ne souffrirais pas autant aujourd’hui. »
Il releva brusquement la tête, me fixant avec surprise. « Clara, non. Ne dis pas ça. » Sa voix était plus ferme, presque désespérée. « Ce n’est pas de ta faute. Tu n’as rien fait de mal. »
Mais ses mots ne parvenaient pas à apaiser ma culpabilité. Je voyais bien qu’il souffrait, qu’il se battait contre quelque chose de plus grand que nous. Et cette distance qu’il mettait entre nous, ce mur invisible qu’il dressait, me faisait douter de tout. Avait-il changé d’avis ? Regrettait-il notre relation ? Était-il en train de se préparer à partir, à m’abandonner ?
Mon cœur se serra, et je luttai pour ne pas éclater en sanglots. « Alors pourquoi tu te comportes comme ça ? Pourquoi tu m’éloignes ? » La douleur dans ma voix était évidente, et je vis ses yeux se remplir de tristesse.
« Clara, je… » Il s’interrompit, passant une main tremblante dans ses cheveux. « Je ne veux pas t’éloigner. Mais il y a tellement de choses que je ne peux pas te dire, tellement de choses que tu ne comprendrais pas… »
Je serrai les poings, essayant de contenir ma frustration. « Alors explique-moi, Peter. Parle-moi. » Ma voix se brisa, trahissant la peine que je ressentais. « Ne me laisse pas dans le noir, à imaginer le pire. »
Il secoua la tête, comme s’il luttait contre lui-même. « Je ne peux pas, Clara. Pas maintenant. » Il fit un pas en arrière, créant encore plus de distance entre nous. « J’ai juste besoin de temps. S’il te plaît, laisse-moi le temps de régler tout ça. »
Je le regardai, le cœur brisé, sentant que quelque chose en moi se déchirait. « D’accord, » murmurai-je, la voix à peine audible. « Je te laisserai le temps, Peter. Mais promets-moi une chose… »
Il hocha la tête, l’air épuisé. « Tout ce que tu veux. »
« Ne pars pas. Ne m’abandonne pas. » Les mots sortirent malgré moi, et je vis son visage se tordre de douleur.
Il s’approcha de moi, hésitant, puis posa une main tremblante sur mon bras. « Je te promets que je ferai tout ce que je peux pour ne pas te perdre. Mais… » Il baissa les yeux, la voix tremblante. « Je ne peux rien te promettre d’autre. »
Et avec ces mots, il tourna les talons et s’éloigna, me laissant là, seule, au milieu de cet amphithéâtre désormais vide. Les larmes coulaient sur mes joues, et je ne fis rien pour les arrêter. Je savais qu’il se battait, je savais qu’il essayait de protéger quelque chose de précieux. Mais cette distance qu’il imposait, cette barrière qu’il dressait… elle me brisait.
Je me sentais si impuissante, si inutile. Je voulais l’aider, être là pour lui, mais je ne savais pas comment. Tout ce que je pouvais faire, c’était espérer. Espérer que l’amour que nous partagions serait plus fort que les obstacles, plus fort que cette douleur qui nous déchirait.
Mais au fond de moi, une petite voix ne cessait de murmurer : Et si c’était déjà trop tard ?