La cité dormanteÀ Léon Daudet. La côte était haute et sombre sous la lueur bleu clair de l’aube. Le Capitaine au pavillon noir ordonna d’aborder. Parce que les boussoles avaient été rompues dans la dernière tempête, nous ne savions plus notre route ni la terre qui s’allongeait devant nous. L’Océan était si vert que nous aurions pu croire qu’elle venait de pousser en pleine eau par un enchantement. Mais la vue de la falaise obscure nous troublait ; ceux qui avaient remué les tarots dans la nuit et ceux qui étaient ivres de la plante de leur contrée, et ceux qui étaient vêtus de façon diverse, quoiqu’il n’y eût pas de femmes à bord, et ceux qui étaient muets ayant eu la langue clouée, et ceux qui, après avoir traversé, au-dessus de l’abîme, la planche étroite des flibustiers, étaient demeur