IXSans doute, me disait le Ras, nos aïeux avaient commis le crime de s’adonner aux cultes égyptiens. Ils avaient péché par politique autant que par faiblesse. Mais, sous cette écorce de mensonge, ils conservaient, croyez-le bien, la pure doctrine des patriarches. Ils sont toujours demeurés étrangers au culte de Jahvé. Ils ont ignoré cet égoïste Protecteur d’Israël qui se fait cruel dans l’intérêt de son peuple favori. L’élan qui obligea cette Reine éthiopienne, dont je vous parlais naguère, à venir trouver Salomon, fut, en vérité, la mémoire, conservée au fond des cœurs, de cet Élohim, absolu, simple, juste, universel, Roi et Providence de l’Univers, que, dans les contemplations de leurs nuits, les patriarches avaient aperçu derrières les étoiles. Qu’est-ce qu’une Reine d’Éthiopie et son peuple auraient eu à faire d’un Dieu étroitement national comme le fut Jahvé ? Ce qui passionnait les nôtres dans la tradition qui leur était restituée, c’était le noble idéalisme, la tradition du Grand Dieu, du Père Universel, que Jésus, plus tard, devait nous rapprendre à invoquer dans son oraison dominicale.
Et, avec une flamme dans ses yeux de Christ byzantin, le Ras concluait :
– Ceci est la double grandeur de l’Éthiopie : dès ses origines elle chérit passionnément la Vérité. Elle aime la Vérité plus que son idolâtrie égyptienne, plus que la révélation dont Salomon la gratifie quand il initie la Reine Makeda aux mystères de son Arche d’Alliance. Lorsqu’au troisième siècle de notre ère Frumentius vient lui apporter la parole chrétienne, elle consent tout de suite à se détacher du Dieu que l’on enferme dans un tabernacle afin d’adorer le Dieu que l’on porte dans son âme. Elle voit dans la Rédemption de Jésus s’accomplir les promesses d’Élohim. Puisse-t-elle rester fidèle à cette Vérité définitive sans négliger pourtant les progrès dont j’ai eu le spectacle au cours de mes voyages en Europe et dont notre Négus est si résolument épris !