XLes Européens qui, dans les vingt-cinq dernières années, sont montés sur le Haut Plateau, ont eu sous les yeux l’illustration vivante de ce double état d’âme salomonesque et évangélique dans lequel le Ras Makonnen apercevait la grandeur particulière de sa nation. Ils ont contemplé le Négus Ménélik, roi très chrétien, rendant la justice suprême, la Bible en main, dans les termes mosaïques du code de « la dent pour la dent. » J’ai eu la curiosité d’aller au-delà de cet impressionnant spectacle. Je me suis fait commenter les premières pages de ce code éthiopien qui, dans ses traits essentiels, reproduit le Code Justinien. Elles gardent la trace de l’émotion qui assaillit les Négus lorsque, après leur conversion au christianisme, ils se demandèrent, avec un grand trouble, si, afin de se conformer à la Loi de Jésus, il leur fallait renoncer au droit de punir.
Dieu seul pouvait répondre à ces angoisses de conscience.
Dans la préface que les Éthiopiens ont ajoutée au Code byzantin le Saint Esprit apparaît à une assemblée d’évêques. Il les charge d’informer les Chefs des Peuples que la Loi du Pardon est encore un idéal. Elle ne peut être appliquée en toute occasion dans les affaires de ce monde. Il convient de la réserver pour les rapports privés, entre chrétiens, entre frères. En attendant que les hommes deviennent meilleurs, le droit public est encore obligé d’appliquer aux délinquants la vieille formule du Code mosaïque.