VIIl faut savoir qu’en Éthiopie la famille n’est point constituée avec la rigidité de la nôtre. C’est, en ce pays très chrétien, un fait exceptionnel que l’union de l’homme et de la femme soit considérée comme un engagement qui comporte quelque intervention du divin. Dans l’ordinaire aucune cérémonie, civile ou religieuse, n’accompagne la fête des épousailles. C’est l’occasion d’une suite de repas et de divertissements, accompagnés, si les fiancés ont de la fortune, d’un contrat d’argent.
Cette union, si aisée à nouer, se rompt sans effort. Une femme peut passer par une longue suite de mariages et de divorces sans que sa réputation en souffre. Le nombre des filles de bonne naissance est grand – on en a vu jusque sur les marches du trône, – qui se marient sans difficulté après que des naissances d’enfants sont venues attester l’indulgence de la morale éthiopienne pour les surprises du désir. De ce chef les bâtards jouissent à peu près de tous les droits concédés par l’usage aux héritiers légitimes.
Nous sommes loin, on le voit, de la sévérité sans rémission qu’appliquent aux défaillances des filles et des femmes les peuples qui, comme les Arabes, les Danakils, les Issas, vivent de l’idéal de la race pure.
En fait, dans sa forme la plus répandue, le mariage n’est en Éthiopie qu’une sorte de volontariat où l’harmonie des conjoints fait la loi.
C’est seulement quand l’homme et la femme voient approcher la maturité de leur âge qu’ils songent à demander au prêtre une bénédiction. Alors ils sont certains que leurs esprits s’accordent et que le goût de la fidélité est dans leurs cœurs. Ils vont donc s’agenouiller devant un autel. Un prêtre donne à chacun d’eux la moitié d’une hostie. C’est ce que l’on nomme « le mariage à la communion ». Il est si indissoluble que la mort ne relève pas des engagements par où il lie. Si c’est la femme qui survit, presque toujours elle se retire dans un couvent. À supposer que l’homme n’entre point dans l’état religieux, il ne peut, en tout cas, se remarier.
Conformément à ces pratiques, Ménélik n’a été que le quatrième époux de cette Impératrice Taïtou qu’il fit d’abord asseoir à ses côtés comme reine de Choa, sans autre consécration que la volonté du Lion de Juda et sa tendresse persistante.
CHAPITRE IIILa fille du Négus