IVPersuadé qu’au-delà des violences que soulève toute évolution rapide le Progrès ne peut être finalement en contradiction avec le « Bien », Ménélik a la suprême audace d’aller au-devant de nouveautés qui, pour lui et pour ses peuples, changeront toutes les conditions de la vie.
Il comprend que l’isolement où l’Éthiopie s’est étiolée entre la vallée du Nil et la vallée de la Mer Rouge, est pour elle une cause d’insécurité et d’infériorité. Il rêve de jeter par-dessus les déserts, commercialement infranchissables, des Danakils et des Issas, un pont qui relierait son royaume à la civilisation. Il veut que l’amorce de ce chemin de fer de paix et de progrès soit, non point en Angleterre dans le Somaliland, non point en Italie à Massaouah, mais en France à Djibouti. Pour atteindre un tel but il doit faire sentir sa force à tous ceux qui craignent de voir leurs privilèges emportés par ce fleuve de fer.
Il m’a dit un jour :
– Les Éthiopiens et moi, nous aimons le progrès. L’Impératrice, mes Grands et mon Clergé nous font la guerre…
Ménélik souriait alors de son large et éblouissant sourire.
Avec l’éclat de sa légendaire bravoure il évoquait cette certitude, cent fois proclamée dans des appels à la Nation, qu’il vaut mieux mourir au service d’une idée juste que de vivre dans l’effroi de la Vérité.