III

309 Words
IIICette « Vérité » que la Reine Makéda, son aïeule, chercha chez Salomon, Ménélik va la demander à l’Europe. Il le fait avec la persuasion intime qu’après les avènements du Mosaïsme et du Christianisme, la Science se lève à l’horizon des hommes comme une troisième religion. Les formes mêmes que Ménélik donne à son souhait d’acclimater sur le Haut Plateau la religion de la Science, témoignent que, de ce chef, il n’a jamais pensé commettre une infidélité envers la religion de ses pères, mais seulement la perfectionner. Douze apôtres n’ont-ils pas suffi au Christ pour faire rayonner sur le monde la doctrine évangélique ? Dès 1867, Ménélik s’adresse à un marchand d’Aden qui lui vend des armes. Il le prie de faire venir d’Europe une compagnie de douze ingénieurs. Il croit fermement que ces nouveaux missionnaires lui apporteront la Science totale et que par leur intermédiaire il en fera bénéficier ses peuples. « Il n’est pas juste, écrit-il dans sa lettre, que nous continuions à être privés d’une Vérité dont les autres nations tirent tant de profit. » Dirai-je pour la confusion de nos civilisations européennes que ce petit-fils de Salomon demande tout d’abord à ceux qui, pense-t-il, lui apportent les vertus du progrès, s’il leur sera possible de lui fabriquer, de toutes pièces, des fusils en Éthiopie ? J’ai manié dans la collection d’armes de l’Empereur l’outil de guerre qu’il construisit lui-même, en ce temps-là, dans son Guébi d’Addis-Ababâ, afin de se prouver que, pour la défense de sa liberté, il pourrait au besoin se priver de la complaisance capricieuse de l’Europe. De même s’intéressa-t-il avec ardeur aux opérations chirurgicales dont lui donnaient le spectacle les médecins russes envoyés en mission auprès de lui par le Tzar Nicolas. Je l’ai vu, en tablier blanc, attentif à respecter les règles de l’antisepsie, mettant lui-même la main au bistouri. Son intelligence largement ouverte aux vérités d’ordre spirituel concevait avec clarté que l’art de guérir doit perfectionner ses ressources parallèlement à l’art de blesser, sous peine de détourner les découvertes de la Science vers le seul triomphe du Mal.
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