Essai bibliographique
Un manuscrit indiqué comme l’original des Tableaux des mœurs du temps figure sur le
Catalogue de curiosités bibliographiques, livres rares, précieux et singuliers. Manuscrits, pièces historiques, Autographes anciens et modernes, recueillis par le Bibliophile voyageur. La Vente aura lieu le jeudi 16 mars 1837, et jours suivants, etc., rue des Beaux-Arts, n° 6, salle de M. Leblanc, libraire ; par le ministère de Me Pierret, commissaire-priseur, boulevard Poissonnière, n° 14. À Paris, chez Leblanc, libraire, rue des Beaux-Arts, 6, 1837.
Le manuscrit est décrit de la façon suivante au n°
348. Tableaux des mœurs du temps, dans les différents âges de la vie : Dialogues (XVII) suivis de l’Histoire de Zairette, ou Description des scènes du sérail de l’empereur Mouphack (par De la Pouplinière), in-fol. v. m.
Manuscrit original de l’Édition dudit ouvrage, exécutée sous les yeux de l’auteur, tirée à un seul exemplaire, de format in-4, lequel existe maintenant dans la bibliothèque du Prince Galitzin, et dont la description détaillée se trouve dans un catalogue publié à Moscou en 1820 par G. de Laveau.
Ce singulier Manuscrit est précédé d’un beau portrait de La Pouplinière qui nous paraît être dû au burin du célèbre Wille. À la suite du volume, on a placé la notice sur La Pouplinière (par M. Audiffret) extraite de la Biographie des frères Michault et l’article extrait du Dictionnaire des anonymes (par Barbier) sur les ouvrages de La Pouplinière.
Aujourd’hui ce manuscrit serait la propriété de M. Pierre L…, qui possède bien d’autres raretés bibliographiques. Il ne m’a pas été donné d’examiner ce manuscrit, cependant on m’a affirmé que son texte présente de notables différences avec le texte que l’on a imprimé.
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On ne connaît qu’un seul exemplaire imprimé de la première édition des Tableaux. L’impression eut lieu vers 1750 d’après les uns, vers 1760 d’après les autres, et à la mort de La Popelinière il passa sans doute dans les mains du roi Louis XV, puis dans celle du duc de La Vallière. Il appartint ensuite au marquis de Paulmy. On le retrouva, après cela, dans le catalogue de la vente de livres précieux du prince Michel Galitzin (Moscou, 1820).
Brunet ajoute : « Cinq ans après la publication de ce catalogue, les livres précieux du prince Galitzin furent envoyés à Paris pour y être livrés aux enchères publiques. Les Tableaux des mœurs du temps faisaient partie de cet envoi ; mais, ayant été vendu à l’amiable et à très haut prix à un amateur français, cet ouvrage n’a pas dû être compris dans le catalogue des livres du prince russe, publié pour la vente qui s’est faite le 3 mars 1825. » Il figura en 1844 au catalogue de la Bibliothèque J.G.(n° 529) et était mis à prix pour la somme de 5 000 francs. Il appartint ensuite au baron Jérôme Pichon, président de la Société des Bibliophiles français, qui en refusa, dit Monselet, « trois mille francs ». Il entra ensuite dans la riche bibliothèque d’un Anglais, M. Frédéric Henkey, qui habitait à Paris et est l’un des auteurs de l’École des Biches. Il passa de là dans le grenier de M. Cousin et parut, en 1891, à sa vente, où il fut acquis pour la somme de 20 200 francs par un amateur étranger.
Cet exemplaire unique est un vol. in-4° relié en maroquin rouge, aux armes parlantes de La Popelinière : un coq répété cinq fois sur chacun des plats. Il porte une note manuscrite de la main de M. de Paulmy :
« Ce livre a été imprimé à un seul exemplaire dans la maison et sous les yeux de M. de La Popelinière, fermier général, connu pour son opulence, son luxe et son goust pour les femmes. À sa mort, il est passé dans les mains du duc de La Vallière, et de là dans les miennes. Son grand mérite consiste dans le fini des miniatures sur vélin, bien au-dessus de ce qu’on trouve ordinairement dans ces sortes de livres. C’est la propre figure de M. de La Popelinière qui est représentée partout, et quant à la femme qui joue le principal rôle, non seulement j’ignore son nom, mais, si je le savais, je ne le dirais pas.
P. »
Ces miniatures, au nombre de vingt, dont dix-huit seules subsistent, les deux dessins en grisaille qui les accompagnent aujourd’hui ne semblant pas de la même main, sont des chefs-d’œuvre charmants et dont la grâce lubrique est sans doute unique au monde. Elles ont été attribuées tour à tour à Caresme, à Marolles ou à Chardin. Voici ce que dit Gustave Brunet à propos de l’attribution de ces miniatures à Caresme :
« Ce volume s’est trouvé à la vente J.G.(Techener, 1844, n° 529); le catalogue annonce que le livre ne sera pas exposé, que la mise à prix sera de 5 000 francs et que les peintures sont attribués à Caresme ; mais nous croyons qu’il y a là une erreur, car Philippe Caresme, né vers 1740, était trop jeune pour avoir travaillé à décorer un volume qui doit avoir été imprimé vers 1750. Observons que, malgré son talent original, Caresme ne figure pas dans les biographies. Nodier possédait de cet artiste, qui fut, à sa honte, le plus habile des rivaux de Clinchtel, dix-neuf gouaches accompagnant le très médiocre poème du Balai de Du Laurens (149 fr. en 1844, n° 481). On peut consulter, au sujet de ce peintre, une notice de M. P. Mantz dans la Chronique des arts. »
Dans son article intitulé La « Zaïrette » des « Tableaux des mœurs du temps » de La Popelinière (Le Livre et l’Image, 5e livraison, 10 juillet 1893), le baron Roger Portalis conteste ces attributions. Il faudrait chercher, d’après lui, « parmi les miniaturistes comme Rouquet, Pasquier et surtout Bocquet, l’auteur mystérieux d’une des plus curieuses œuvres galantes d’alors. Nous avons vu de ce dernier, qui fut peintre en miniatures de la reine Marie-Antoinette, des portraits de femmes dont la manière se rapproche beaucoup des types du livre ».
Toutes ces miniatures ne sont pas érotiques. Il en est de fort convenables, comme celle qui représente le comte venant faire sa cour à Mlle de Se… à travers les grilles du couvent, celle qui montre Mme de Rastard causant avec sa grosse camuson de marchande, Mme Dodo, celle enfin où l’on voit Zaïrette portée au sérail en palanquin par deux esclaves nègres. Cette dernière miniature a été reproduite en couleurs par M. Vigneron-Viret d’après les procédés de Debucourt et surtout de Janinet. Le travail d’aquateinte auquel s’est livré M. Vigneron-Viret a donné d’excellents résultats. Cette gravure a paru dans le Livre et l’Image où elle accompagne l’article déjà cité du baron Roger Portalis. J’ai entendu dire que toutes les planches des Tableaux auraient été reproduites par le même procédé.
Les deux autres exemplaires du même ouvrage – signalés par les Mémoires secrets – ont disparu, et il est bien possible qu’ils aient été détruits.
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En 1863, il a été fait une réimpression textuelle, offrant exactement les même titre et texte que l’édition originale. Le vol. comprend 341 pp. Les Dialogues vont jusqu’à la page 285 et l’Histoire de Zaïrette va de la page 287 à la page 341. L’ouvrage a été tiré à 150 exemplaires.
Une autre réimpression porte l’indication suivante :
… Paris, imprimerie des ci-devant fermiers généraux, 1867.
In-8 de VIII-170 pp. et 1 feuillet, frontispice, 4 vignettes, une en tête et une à la fin de chaque partie, avec une notice de Monselet. Volume imprimé à Bruxelles.
Une autre réimpression porte l’intitulé suivant :
TABLEAUX DES MŒURS DU TEMPS DANS LES DIFFERENTS ÂGES DE LA VIE, par Crébillon fils, suivis de l’HISTOIRE DE ZAÏRETTE, par le marquis de La Popelinière.
[ Marque : Une tête de faune. ]
À Venise, chez Dellopalazzo, Imprimeur.
Pet. in-8 imprimé (à Bruxelles ?) (Poulet-Malassis ?) Fleurons et lettres ornées, 364 pp., plus deux feuillets non chiffrés pour le titre et le faux titre et un feuillet non chiffré pour la table. Les Dialogues vont jusqu’à la page 303 et l’Histoire de Zaïrette commence à la page 304. Au verso du faux titre, on lit :
Imprimé en tout à 300 exemplaires, pour les membres de la Società dei amici dette lettere.
N°
Le chiffre est écrit à la main. Il y a des exemplaires sur papier vergé et sur papier de Chine.
Il en existe encore une réimpression portant l’indication :
… Paris, 1867.
2 vol. in-8 avec 6 fig. libres, 2 vignettes, 2 culs-de-lampe.
Enfin, il y a encore une réimpression en 2 vol. in-18, de laquelle il y a des exemplaires sur papier vergé et d’autres sur papier vélin. Elle est accompagnée de 12 gravures libres sur chine volant que l’on dit être de Staal. Elles se placent ainsi : T. I, pp. 42, 65, 83, 89, 105 ; T. II, pp. 82, 89, 164, 182, 184, 189, 191. Les cinq dernières sont destinées à illustrer l’Histoire de Zaïrette.
PREMIÈRE PARTIE
Tableaux des mœurs du temps dans les différents âges de la vie
Mère Christine, maîtresse des novices et des pensionnaires, Mlle de Se…, pensionnaire sous le nom Thérèse.