Chapitre 2

1540 Words
Chapitre Deux Nico La première chose qui me frappe lorsque j’émerge enfin, c’est une douleur lancinante juste au-dessus de mon œil gauche. Je grogne et tente de me retourner, avant d’être frappé par une nouvelle réalisation : j’ai les mains et les pieds ligotés. Je grimace et cligne des yeux tout en essayant de chasser les toiles d’araignées de mon cerveau, causées par l’excès de vin de que j’ai consommé hier. J’essaie à nouveau de bouger mes mains, mes pieds. Mais non, je suis bel et bien attaché. Mon cœur bat frénétiquement contre mes côtes. Je suis en plein cauchemar, n’est-ce pas ? Mon inconscient cherche à me punir, ça doit être ça. Je déglutis et, au prix d’un immense effort, parviens à me concentrer sur ce que je vois. C’est là que je percute. Je ne suis pas seul. Je me redresse d’un coup, comme foudroyé. — C’est quoi ce bordel ? Qui êtes-vous ? dis-je d’une voix rauque à la créature légèrement vêtue et folle de rage qui se tient devant moi. — Et vous ? Qui êtes-vous ? rétorque-t-elle en maintenant un objet à hauteur de tête. Au bout d’un moment, je comprends qu’il s’agit d’une poêle en fonte. — Vous avez bu mon vin ! s’emporte-t-elle. — Oui, c’est vrai… — Vous commettez une violation de propriété. Je soulève mes poignets ligotés en plissant malgré moi les yeux. Bordel, il fait bien trop lumineux ici. — Bof… Pas vraiment. Mon Dieu, qui est cette femme ? La chef de chantier ? En redoublant d’efforts, je parviens à accommoder ma vision et manque de m’étouffer avec ma propre salive en voyant la femme qui se dessine de plus en plus nettement. Jamais je n’aurais un instant imaginé me retrouver un jour attaché par une femme aux cheveux pris dans des sortes de gros bigoudis avec un masque visqueux sur le visage. Ce dernier est si pâle, par ailleurs, qu’il accentue à outrance la teinte de ses yeux qui me paraissent quasiment noirs. À moins qu’ils ne soient noirs de rage. Je déglutis à nouveau, tout en baissant peu à peu les yeux afin de mieux l’étudier. Quand je l’ai décrite comme légèrement vêtue, cela ne rendait pas hommage à cette fine nuisette… ou bout de tissu qu’elle porte. Si transparente que ses tétons basanés ainsi que ses généreux seins ronds m’interpellent comme des sirènes. J’en ai le souffle coupé. Elle a une silhouette douce, généreuse et pulpeuse. Le genre de corps qui ne demande qu’à être pétri et dorloté. Le genre de corps dans lequel on se perdrait volontiers, un corps capable de nous contenir en entier. L’exact opposé de Veronica. Et certes, c’est pas très classe de ma part, mais je sens mon sexe enfler à mesure que je la découvre, le désir pulsant dans mes burnes pour la première fois depuis des mois. Voire des années. — Eh. Regardez-moi dans les yeux, m’exhorte-t-elle. Sa voix me tire de mes rêveries quelque peu alcoolisées, et je relève la tête, un sourire idiot aux lèvres… sachant que je ne fais qu’empirer la situation. — Désolée, ma belle. Ce n’est pas tous les jours que je suis retenu captif chez mon frère, attaché par une lunatique enragée et à moitié nue, avec un mélange étrange sur le visage et des bigoudis dans les cheveux. Elle se récrie aussitôt. — Je n’ai rien d’une lunatique. — Alors vous vous prêtez régulièrement à ce genre de rituel ? Est-ce que Declan sait que vous êtes là ? — Je vais appeler la police. Je lève à nouveau mes poignets. — Pas besoin, ma chérie. Vraiment. Je vous assure que je ne vais pas vous faire de mal. — Qu’est-ce qui me le prouve ? — Pour commencer… Je tire sur le duct tape, parvenant presque à libérer mes poings. — Je vous déconseille de vous réorienter dans le grand banditisme. J’aurais pu me libérer il y a un bail, déjà. Elle écarquille les yeux puis se mordille la lèvre inférieure. — Pourquoi ne pas l’avoir fait ? Je laisse échapper un rire mécanique. — Parce que je suis trop claqué. Et que j’ai mal à la tête. — Parce que vous avez bu mon grappa. — Écoutez, ma jolie. Si c’est… votre truc… Je baisse les yeux et lorgne la bordure de sa nuisette. — Est-ce que vous portez des sous-vêtements là-dessous, au moins ? m’enquis-je, la bouche soudain pâteuse. La réponse est non. D’ailleurs, je distingue à travers sa tenue l’ombre de lèvres pleines qui flirtent avec le bord de sa… enfin. Merde. C’est la femme la plus canon que j’aie vue depuis… toujours. Je me dandine maladroitement, car en dépit de ma gueule de bois, ma queue est en manque d’action – tant qu’il s’agit d’autre chose que ma main sous la douche. Elle glapit et abaisse la poêle, une teinte rosée se répandant sur sa poitrine. — Je travaille pour Declan, siffle-t-elle avec indignation. Mais vous, en revanche, vous ne m’avez toujours pas dit qui vous êtes. Je baisse la tête. Rester vif et composé me demande bien trop d’efforts. Je la dévisage à travers mes paupières mi-closes. À quoi joue-t-elle ? Elle me regarde comme on regarde une connaissance. Quelqu’un qu’on connaît vraiment. Or je suis certain de ne jamais l’avoir rencontrée. Je ne reconnais ni sa voix ni son corps. Et je suis quasiment certain qu’une fois qu’elle aura retiré ce… euh… masque, je ne reconnaîtrai pas non plus ses traits. — Vous savez très bien qui je suis. Je n’ai pas assez d’énergie pour jouer la modestie. Elle laisse échapper un soupir. — Vous êtes Nicholas Case, je me trompe ? — Nico. Je lève à nouveau mes poignets. — Je vous serrerais bien la main, mais… Je hausse les épaules. — Que faites-vous là ? Declan ne m’a pas prévenue de votre passage. La douleur lancinante au-dessus de mon œil gauche revient me torturer. — Il m’a invité il y a plusieurs semaines. Vous n’avez qu’à lui demander. J’entrouvre un œil et mon regard est immédiatement happé par deux boutons sombres et dressés qui appuient contre le tissu fin de sa nuisette, me torturant tant par leur proximité que par leur caractère inaccessible. Ils pourraient tout aussi bien me fixer, protégés de l’autre côté d’un mur de verre. Je tente de me raisonner, de retrouver mon sang froid. — C’est donc vous, la cheffe de chantier ? C’est très progressiste de la part de Dec. Elle glapit de nouveau, le son restant étranglé au fond de sa gorge. — Pas du tout. Je suis la vigneronne. À cette réponse, je me redresse correctement, un peu trop vite à en croire le mal de tête que cela me cause. — Attendez. Declan s’est lancé dans la production de vin ? Incroyable. Lui qui n’a jamais témoigné le moindre intérêt pour cette pratique. — Non. Je produis le vin. C’est pour cela qu’il m’a embauchée. C’est pour ça que… Elle secoue la tête puis se reprend. — Pourquoi suis-je en train de vous raconter tout ça ? Je lui lance un sourire espiègle. — Parce que je suis le genre de mec à qui les femmes adorent se confier. En fait pas du tout. Tout le contraire, même. J’étais plutôt le genre de mec qui horrifiait les parents des jeunes filles que je voulais fréquenter ; elles avaient l’interdiction formelle de sortir avec quelqu’un comme moi. Mais je m’apprête à prendre un nouveau départ, après tout. Et qui sait quel genre d’homme je vais devenir. Loin d’être dupe, elle renifle avec ironie. — Toujours aussi beau parleur, à ce que je vois, rétorque-t-elle, un poil agacée. — Une minute. Est-ce qu’on se connaît ? Elle se fige. Néanmoins, il m’est impossible de savoir ce qu’elle pense avec ce masque qui obstrue ses traits. — Non, affirme-t-elle avec fermeté en secouant la tête. Il suffit de lire la presse. Je sais déjà tout ce qu’il y a à savoir. Pas faux. Mes frères et moi défrayons régulièrement la presse people ou les colonnes des rubriques société depuis nos seize ans, environ. Mais pour savoir cela, il faudrait qu’elle soit du coin. — Pouvez-vous me redire votre nom ? Elle incline la tête et plisse les yeux. — Alison. — Alison ? Sa bouche s’affine, comme si elle était en proie à un débat intérieur. — Alison Walker. — Enchanté, Alison. Je croise son regard en traînant avec gourmandise les syllabes de son prénom. Il est aussi sensuel en bouche que son corps serait sous le mien. Si seulement nous pouvions résoudre le petit problème du duct tape avec lequel elle m’a ligoté. Une soudaine chaleur émane des tréfonds de son regard sombre, et elle se racle la gorge. — Je reviens tout de suite. Je ne risque pas de bouger, de toute façon. Je l’observe éhontément tandis qu’elle se retourne puis se précipite dans le couloir, toujours armée de sa poêle. Sa chemise de nuit quasi immatérielle couvre à peine les courbes rebondies de ses fesses qui se balancent au même rythme que ses hanches. Mon. Dieu. J’entrevois finalement comme une lueur d’espoir dans ce cauchemar sans fin qu’est devenue ma vie.
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