Chapitre 3

2772 Words
Chapitre Trois Alison Merde. Bordel. p****n. Merde. Bordel. p****n. Merde. Bordel. p****n. Les mots se répètent en boucle dans mon esprit. De plus en plus rapidement à mesure que je me précipite dans le couloir pour gagner ma chambre. Je ne peux PAS croire que Nicholas Case est ligoté sur mon canapé avec du duct tape. Que c’est moi qui l’ai attaché. Et qu’il m’a dévorée des yeux, des pieds à la tête, comme si je faisais cinquante kilos et non quatre-vingt, et qu’il essayait d’imaginer à quoi je ressemblais sans vêtements. OK, je ne peux pas dire que j’en porte, des vêtements… on ne peut pas vraiment appeler ça comme ça. Mais j’ai l’air d’une cinglée avec ce masque hydratant senteur rose et mes bigoudis sur la tête. J’aurais dû attraper une robe de chambre, au moins, mais quand j’ai entendu les ronflements dans le salon, assez violents pour faire trembler les vitres, j’étais trop préoccupée par ma survie pour songer à ma pudeur. Je suis un peu rouge. J’ai chaud et je suis agitée. Pas parce que je suis embarrassée, même si j’éprouve bel et bien de la gêne, et pas qu’un peu… Non. Je suis excitée. Sous l’intensité du regard de Nico qui semblait vouloir ne faire qu’une bouchée de moi, j’ai ressenti un v*****t désir qui m’a fait mouiller. Dire que c’est moi qu’il regardait ainsi. Pas une espèce de manche à balai, comme on en voit dans les défilés, avec des jambes interminables, non. Moi. Je secoue la tête. C’est sûrement parce qu’il a trop bu, ça compromet sa vision. C’est la seule explication sensée au regard brûlant qu’il m’a lancé – regard qui semblait dire combien il était avide de me b****r, et fort. Le plus terrible dans cette histoire, c’est que je ne demande que ça. Même si Nico Case est aussi mon pire cauchemar. Je détache les bords du masque peel-off, le retire complètement et le jette à la poubelle avant d’attraper mon gant de toilette. En temps normal, ma routine beauté matinale constitue un moment de détente qui m’aide à me recentrer, à m’aligner avec la journée qui m’attend. Mais aujourd’hui, ma peau est hypersensible. Mes tétons me démangent, comme s’ils réclamaient d’être pincés. Et je sens que ça pulse entre mes jambes… Mon désir est si pressant que je serre mes cuisses l’une contre l’autre. Je suis plus tendue qu’un arc. Je fais glisser mes doigts par-dessus ma fente humide puis fais le tour de mon c******s. Ça fait une éternité que je n’ai pas été aussi excitée, que je n’ai pas eu aussi… faim. Je me penche par-dessus l’évier, accélérant la cadence de mes doigts, faisant le tour de mon c******s en le pinçant par moments. La jouissance arrive sans tarder, et dans le même temps, je suis submergée de honte. Je viens de me toucher en cachette en pensant à Nico Case – ce type qui m’a mise au supplice pendant deux ans de ma vie et qui a continué à me hanter bien des années plus tard. Grosse vache, baleine à bosses, semi-remorque. Sans lâcher l’évier, je baisse honteusement la tête en sentant déferler sur moi le poids de cette litanie trop familière. Le vol de mes lunettes, de mes manuels scolaires. Les remarques en classe. Tout. J’inspire doucement. La place de Nico est loin, très loin de ma vie – aussi loin possible de moi. Je retire un à un mes bigoudis. Mes cheveux forment des boucles anglaises qui retombent de part et d’autre de mes épaules. Une fois le dernier retiré, je masse mes cheveux dans une queue de cheval maintenue par un gros chouchou. Je me coifferai après ma promenade. Après avoir passé un coup de fil à Declan. J’enfile mes collants de sport, gênée pour la première fois depuis des lustres par la façon dont mes cuisses se touchent lorsque je fais de l’exercice, ou par le volume excessif de mes hanches. C’est pareil lorsque j’enfile ma brassière préférée – celle qui est supposée booster ma confiance en moi tant sur le plan physique que mental. Au lieu de cela, toute mon attention est focalisée sur la masse indistincte formée par mes seins, écrasés l’un contre l’autre comme pour n’en constituer qu’un seul, et la manière dont la chair de mes bras tremblote lorsque je lève les mains par-dessus ma tête. J’attache les lacets de mes chaussures puis cherche mon sweat préféré, celui avec les b****s respirantes sur les côtés. Je le mets et remonte à moitié la fermeture éclair de sorte à ce qu’on entrevoie – guère plus – la peau située sous mon unique sein géant. Je me regarde dans la glace, jaugeant sans pitié cette version pourtant améliorée de moi-même. La version badass d’Alison, une vigneronne talentueuse qui ne le laisse faire par personne, dont le caractère bien trempé plaît particulièrement à mon chef. Pendant un instant terrible et douloureux, j’éprouve du dégoût devant ce reflet et ne peux m’empêcher d’entendre en écho toutes les insultes qui m’ont un jour été adressées, toutes les agressions que j’ai subies, ces souvenirs atroces qui, même après toutes ces années, rodent dangereusement près de la surface de ma conscience. Mais les affirmations que j’ai placardées sur des post-it vifs et colorés tout autour de mon miroir m’aident à me focaliser. Putain. Ce n’est certainement pas pour me laisser détruire par des pensées pareilles que j’ai travaillé si dur pendant toutes ces années. Quel crétin, ce type. J’attrape mon téléphone portable, resté sur la commode, et le glisse dans la poche collée à ma cuisse – une des fonctionnalités qui me séduit le plus avec ce legging près du corps. Je me fiche de savoir quelle heure il est au Kansas, je vais appeler Declan dès que j’aurai mis un pied dehors. Je traverse le couloir tout aussi rapidement qu’à l’allée, faisant mon possible – mais ce n’est pas suffisant – pour ne pas saliver devant cette masse virile et sexy affalée sur mon canapé. — Eh ! Où est-ce que tu vas ? s’écrie-t-il. — Faire un tour. Je marque une pause puis lui glisse, avec sarcasme : — Fais comme chez toi ! En réalité, je sais qu’il pourrait aisément se défaire de ses liens. Ce n’est pas mon meilleur travail. Mais pour ma défense, il était tôt et j’avais peur. Et dans ces conditions, il m’a fallu une minute entière pour reconnaître le visage de l’individu qui était entré par effraction chez moi. Nico a beaucoup changé. Pas autant que moi peut-être, mais assez pour que je ne le reconnaisse pas au premier coup d’œil. Pour commencer, il a sacrément poussé et il s’est musclé, aussi. J’ai découvert à quel point en ligotant ses chevilles et ses poignets. Et disons que ça ne m’a pas laissée indifférente. Il n’y a pas une once de graisse sur le corps de cet homme – il semble composé à cent pour cent de muscle. D’aussi loin que je me souvienne, il a toujours été beau, avec une beauté étrange comme un Heathcliff, sombre et torturé, et séduisant pour ces mêmes raisons. Mais à présent, son visage s’est débarrassé des rondeurs adolescentes ; ses pommettes sont hautes et saillantes, et sa mâchoire, bien plus dessinée, est maintenant couverte d’un voile sombre et dru. Sa bouche est restée pleine, à tel point qu’elle me distrait un moment, invitant un sourire sardonique à étirer mes lèvres. — Ciao, fait-il en secouant les doigts tout en m’adressant un clin d’œil. Un clin d’œil ? — Ne fais rien que je ne ferais pas moi-même. Une poche de chaleur éclate dans ma poitrine, et avant que je n’aie le temps de dire quelque chose que je regretterais, je tourne les talons et pousse la porte que je laisse claquer dans mon dos. Une fois dehors, je prends une grande bouffée d’air frais. J’y décèle une pointe de rosée matinale, et d’emblée je songe avec impatience à ce qui m’attend dans les vignes ce matin. Les conditions de culture – idéales depuis quelque temps – vont assurer une parfaite maturation des raisins. De longues journées chaudes mais tempérées, suivies de nuits fraîches et vives avec un soupçon de brise marine. Pas assez d’humidité pour que se développent des moisissures, des champignons ou que les pieds ne pourrissent, mais juste assez pour garantir le plein épanouissement des plants. Je dégaine mon téléphone en traversant l’étendue de terre entre le corps de ferme et les bâtiments annexes. C’est derrière ces derniers que l’on jouit de la meilleure vue sur la propriété : des vignes orientées sud-ouest, plantées sur un terrain escarpé, bordé de séquoias, que la forêt recouvrant la majeure partie du Mt. Veeder grignote légèrement. Un brouillard de basse altitude s’est installé en contre-bas, nous offrant une vue quasi surnaturelle. Je comprends tout à fait pourquoi les Italiens ont commencé des cultures ici dans les années 1800. L’endroit devait leur rappeler leur Italie natale. Mais je ne peux pas me permettre de me rêvasser ce matin en me perdant dans le décor. J’ai un intrus à déloger. J’appelle Declan. Et tombe sur sa messagerie. Impossible. Que lui ne réponde pas ? Ce type est accro au travail. Il est levé, c’est sûr. Alors qu’il le veuille ou non, il prendra mon appel. J’appelle de nouveau. Puis encore, et encore, et encore. — Quoi ? s’emporte-t-il à l’autre bout du fil lorsqu’il décroche enfin. J’espère que c’est important. Merde. Il est de mauvais poil. J’ai dû l’interrompre pendant une séance de sexe. Ce serait bien ma chance ! — Je suis désolée. Je sais que c’est samedi, mais je ne pouvais pas… — Que se passe-t-il ? aboie-t-il. J’ignore si c’est moi qui l’ai mis dans cet état. Je commence à bégayer. — Avez-vous une minute ? À vrai dire, même si vous n’avez pas le temps… Je prends une profonde inspiration et m’efforce de contenir mes émotions. — Pourquoi est-ce que votre frère est là ? — Nico, vous voulez dire ? Soudain submergée de colère, je craque. Sincèrement, qui d’autre ? — À moins qu’Austin ait soudainement pris l’avion et qu’il ne vous ressemble plus ! dis-je du tac au tac, irritée. Sa voix s’empreint de sollicitude. — Pourquoi est-il venu ? Est-ce qu’il vous pose problème ? Alors Declan ne l’aurait finalement pas invité ? Je vais le foutre à la porte avec tant de détermination qu’il n’aura pas le temps de comprendre ce qui lui arrive. — Je n’en ai aucune idée, et oui. — Oui ? Dites-lui que je lui ordonne de se calmer. Mais oui, en voilà, une solution ! Je vois déjà la scène… Nico plantera ses grands yeux sombres dans les miens et éclatera de rire. — Que fait-il là, Declan ? Mon Dieu, c’est vrai que je sonne comme une lunatique, parfois. J’entends la panique déformer ma voix, et je suis incapable de m’en cacher. — Il ne peut pas rester. On ne peut pas l’héberger ici. — Même pas sur le canapé ? Je jurerais sentir mes neurones exploser un à un dans mon crâne. Ma voix prend une intonation particulièrement stridente. — Vous me demandez de l’héberger sur mon canapé ? Oh, non… Non. Pas ça ! Tout, mais pas ça ! — Ben… Ouais, pourquoi pas ? Il ne mord pas, vous savez. Et si… je voulais qu’il me morde ? Mon imagination débridée me fait parvenir toutes sortes de pensées. Qu’il me morde… tous les endroits où c’est bon ? Je pose la main sur ma joue et la trouve brûlante. — Écoutez. Ce ne serait que pour quelques semaines, précise Declan sur un ton cajoleur. J’ai encore des choses à régler ici, mais je devrais pouvoir passer d’ici pas trop longtemps. Après un blanc, il ajoute : — Vous vouliez me parler d’autre chose ? Je vois. Passer. Des choses à régler d’abord. Il faut que j’arrive à me concentrer pleinement sur cette conversation et que j’arrête d’imaginer les dents de Nico se planter dans l’intérieur de mes cuisses. Je maîtrise ma voix, la rendant plus dure. — Les barriques dans la cave – vous avez une idée de leur âge ? — Pas la moindre. Je lève les yeux au ciel. Évidemment qu’il n’en sait rien. À ma connaissance, jamais je n’avais rencontré de propriétaire viticole intervenir si peu dans son propre domaine. D’un côté, ça m’arrange. Si je me débrouille bien, je vais parvenir à laisser ma marque et faire en sorte que le domaine soit davantage connu du grand public. De l’autre ? J’aimerais tellement qu’il y ait quelqu’un, peu importe qui, à qui je pourrais à l’occasion soumettre mes idées avant de les mettre en place. — Ou du type de raisin ? S’il s’agit d’un assemblage ou non ? — Je dirais Cabernet Sauvignon et Chardonnay ? C’est aussi ce que j’aurais dit étant donné les raisins du domaine, mais sans analyse poussée, nous ne pourrons pas en avoir le cœur net. — Est-ce que vous les avez goûtés ? — Pourquoi ? Et vous ? Bien sûr que je les ai goûtés. — Ils sont incroyables, et il faut absolument qu’on les sorte de là. J’ignore qui les a mis en barrique, ou depuis quand ils reposent là, mais cet individu était un génie car ils ont une saveur exceptionnelle. Dès que j’aurai identifié le contenu des barriques, je vais les commercialiser – le plus vite possible. — Dès que possible, dis-je pour souligner mon propos. — Quoi ? C’est possible, ça ? Je compte lentement jusqu’à cinq, car j’ai beau apprécier mon boss, il a le don de me rendre folle. — Écoutez. Vous m’avez embauchée comme vigneronne, à la base. Je vous le dis : ces vins sont incroyables, et il faut absolument qu’on les commercialise. Le plus tôt sera le mieux. — Ça marche, vous avez mon feu vert. — Ne voulez-vous pas venir les goûter, d’abord ? Je veux dire, quel genre de propriétaire accepterait de commercialiser un vin avant de le goûter ? Même s’il avait aveuglément confiance en sa vigneronne ? C’est pour cela qu’il me paie, et cher, me dis-je avec un sourire. — Bon vin, piquette, j’en m’en fous. Si vous estimez qu’on pourra le vendre à un bon prix maintenant, commercialisez-le. Piquette ?!? Voilà la goutte qui fait déborder le vase. — Mais il vous faudra approuver les étiquettes, les… les noms. Enfin, merde, Declan, vous n’avez même pas donné de nom au vignoble. Ma voix atteint un nouveau pic, sonnant comme celle d’une hystérique. On est aux antipodes du professionnalisme dont je tiens pourtant à faire preuve, d’ordinaire. Mais je ne comprends pas comment ce type a pu devenir milliardaire avec une attitude pareille. Privilège. Le mot me tombe dessus avec force. Que je suis bête ! Mon cœur sombre d’un coup. Declan se fiche complètement de notre réussite ; ce projet n’a d’importance que pour moi. Pour la première fois depuis mon arrivée dans ce mini paradis, je me sens complètement seule et livrée à moi-même. — Écoutez. Je vous paie une petite fortune pour gérer tout ça. Je n’ai pas de temps à accorder à ce projet pour le moment. Je vous fais confiance. Vous avez carte blanche. — Vous en êtes sûr ? m’enquis-je, me sentant fléchir à la vitesse grand V. À ce stade, je ne demande qu’une ultime confirmation. — Vous avez hâte d’empocher des bénéfices, je me trompe ? Et vous avez confiance en votre intuition ? Je soupire bruyamment, les yeux braqués sur la pente de la colline, donnant sur les volutes mouvantes de brouillard. Si je devais être honnête ? Oui. Mais pas ce matin. Pas avec Nico ligoté sur mon canapé. — Oui. Et oui. Parfois il faut savoir bluffer avant de faire ses preuves. — Super ! se félicite Declan avec enthousiasme. Alors foncez. Bon, mon café est en train de refroidir. Appelez-moi en cas d’urgence. Il raccroche dans la foulée. Sans prévenir. Voilà que mon bosse me raccroche au nez. Pas de « merci pour tout votre travail », ou même « on se tient au courant », non. Je vais devoir me débrouiller seule, régler cette affaire. Tout arranger. Et je vais y arriver. Il se peut que je sois coincée avec Nico, mais hors de question de me laisser affecter. Je resterai étanche à ses charmes, aussi anti-adhésive qu’un revêtement en Téflon. J’ébauche un sourire, tout en trottinant vers le mobil-home. Nico Case va rapidement déchanter, car il l’ignore peut-être, mais il a trouvé une adversaire de taille.
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