Les jours passent, et Éléa commence à remarquer des changements subtils, mais persistants, dans son corps. Ses matinées sont souvent marquées par une sensation de nausée, et sa fatigue semble démesurée par rapport à son rythme de travail. Même les odeurs qu’elle adorait auparavant, comme celle du café ou des croissants chauds, lui deviennent insupportables.
Une question commence à germer dans son esprit, bien qu’elle tente de l’écarter. Elle se persuade que c’est sûrement le stress ou un excès de fatigue accumulé. Mais une part d’elle, silencieuse mais insistante, ne peut s’empêcher de se demander si ces symptômes n’indiquent pas quelque chose de plus.
Lors d’une pause au bureau, Lucas, son collègue attentif, l’interpelle à la cafétéria :
- *« Éléa, tu es sûre que ça va ? Tu n’as pas l’air dans ton assiette ces derniers temps. »*
Elle esquisse un sourire pour cacher son trouble :
- *« Oui, ça va. Juste beaucoup de travail. »*
Lucas plisse les yeux, sceptique :
- *« Si tu as besoin d’aide ou d’une pause, n’hésite pas. Ça se voit que tu te pousses trop. »*
Bien qu’elle soit touchée par son attention, les mots de Lucas ne font qu’amplifier ses doutes. Ce soir-là, seule dans son appartement, Éléa fixe son reflet dans le miroir de la salle de bain. Elle se sent différente, bien qu’elle ne sache pas exactement pourquoi. Elle pose machinalement une main sur son ventre, un geste qu’elle n’analyse pas, mais qui trahit un pressentiment.
Le lendemain, Éléa décide de ne pas se laisser envahir par ses pensées. Elle se consacre à son travail avec une intensité presque excessive, évitant les regards curieux de ses collègues. Pourtant, chaque fois qu’elle se retrouve seule — que ce soit dans l’ascenseur, dans les rues bondées de Paris, ou dans le calme de son appartement — ses doutes refont surface.
*Et si… ?* Cette pensée la hante, bien qu’elle n’ose pas la formuler à voix haute.
Un matin, cependant, elle se réveille avec une nausée plus intense que d’habitude. Alors qu’elle s’efforce de manger quelque chose avant de partir au bureau, elle sent son anxiété augmenter. *Je dois savoir.*
De son côté, Alexandre est submergé par les tensions dans son mariage avec Sophie. Bien qu’elle ait promis de changer, son comportement reste imprévisible. Lors d’une soirée tardive, il retrouve son ami d’enfance, Mathieu, dans un bar.
- *« Alex, tu as l’air épuisé. Qu’est-ce qui se passe ? »*
Alexandre pousse un soupir, jouant nerveusement avec son verre :
- *« Sophie… Elle ne change pas. Je m’inquiète pour le bébé, mais elle… elle continue de se comporter comme si rien n’avait changé. »*
Mathieu l’écoute attentivement, mais sa curiosité est piquée par une autre question :
- *« Et toi, tu tiens le coup ? »*
Alexandre hésite un instant avant de lâcher :
- *« Pas vraiment. Et… je ne peux pas m’empêcher de penser à Éléa. »*
Le prénom d’Éléa semble suspendre le temps entre eux.
- *« Éléa ? Tu l’as revue ? »* demande Mathieu, surpris.
- *« Oui, par hasard. Elle était dans la rue, devant un stand de gaufres. J’ai reconnu sa voix avant même de la voir. »*
Mathieu sourit légèrement, amusé :
- *« Et alors, qu’est-ce que ça t’a fait de la voir ? »*
Alexandre détourne le regard, cherchant ses mots :
- *« C’était étrange… Comme si tout le poids de ces derniers mois s’était rappelé à moi d’un coup. Mais je n’ai pas le droit de penser à elle. Pas maintenant. »*
Mathieu, intrigué, change de position :
- *« Et Sophie, elle sait qu’Éléa est de retour ? »*
Alexandre grimace avant d’avouer :
- *« Oui… et ça ne s’est pas bien passé. Sophie l’a croisée par hasard et elle a fait une scène. J’ai dû demander à Éléa de partir. C’était la seule façon de calmer Sophie. Mais… ça m’a tué de faire ça. »*
Mathieu pose une main sur son épaule, cherchant à le rassurer :
- *« Alex, tu te mets dans une situation impossible. Tu ne peux pas continuer comme ça. »*
Alexandre hoche la tête, mais au fond de lui, il sait que ses choix sont limités.
Quelques jours plus tard, Alexandre et Éléa se retrouvent par hasard lors d’un événement professionnel. Il s’agit d’une conférence sur l’innovation dans leur secteur, et Éléa, en tant que membre clé de son équipe, a été invitée à représenter son entreprise. Alexandre, en tant que PDG, est l’un des conférenciers principaux.
Leur premier contact visuel est un choc pour les deux. Alexandre, vêtu de son habituel costume impeccable, remarque immédiatement Éléa dans la foule. Elle, quant à elle, tente de se fondre dans le décor, mais l’intensité de son regard la perturbe. À la fin de la conférence, ils se retrouvent face à face près du buffet.
- *« Éléa… Je ne m’attendais pas à te voir ici. »*
Sa voix est à la fois douce et hésitante. Éléa, cherchant à maintenir une façade professionnelle, répond :
- *« Moi non plus. Mais je suppose que Paris est plus petit qu’il n’y paraît. »*
Il sourit légèrement, mais l’atmosphère est lourde de non-dits. Alexandre observe Éléa avec attention, remarquant des détails qu’il ne peut ignorer : son teint plus pâle, sa posture plus protectrice, comme si elle essayait inconsciemment de cacher quelque chose.
- *« Tu as l’air fatiguée, Éléa. Tout va bien ? »*
Éléa, surprise par sa perspicacité, se reprend rapidement :
- *« Oui, tout va bien. Le travail est juste un peu intense en ce moment. »*
- *« Éléa… Je voulais m’excuser pour l’autre jour. Sophie a réagi de manière excessive. »*
Éléa, le visage neutre, répond calmement :
- *« Ce n’est rien. Ce genre de comportement ne m’étonne pas venant d’elle. »*
Alexandre, piqué par sa remarque, défend Sophie :
- *« Elle traverse une période difficile. La grossesse n’est pas facile. »*
Éléa le fixe, son regard brillant d’émotions contenues :
- *« Et toi, Alexandre ? Comment tu vis tout ça ? »*
Il reste silencieux un moment avant de lâcher, sur un ton plus dur :
- *« Ce n’est pas ton problème, Éléa. Sophie est ma priorité. Je vais être père. Je ne suis plus l’homme que tu as connu. »*
Ces mots frappent Éléa comme un coup de poignard. Elle détourne les yeux, tentant de cacher ses larmes.
- *« Très bien. Je te souhaite une belle vie. »*
Elle tourne les talons, laissant Alexandre seul, dévoré par un mélange de regret et de colère.
Ce soir-là, en rentrant chez elle, Éléa repense aux paroles d’Alexandre : *Je ne suis plus l’homme que tu as connu. Sophie est ma priorité. Mon enfant est ma priorité.* Ces mots résonnent dans son esprit, laissant un goût amer. Mais plus encore, elle ne peut ignorer les remarques des autres sur son teint, sa fatigue, et ces symptômes qu’elle tente de repousser.
Assise sur son canapé, elle laisse échapper un long soupir et fixe le vide. *Je dois savoir.* Décidée, elle prend son téléphone et compose le numéro de son médecin pour un rendez-vous.