Franchir la limite (Tom 2)

Vérités voilées et décisions irrévocables

Assise dans le cabinet médical, Éléa regarde le médecin avec une anxiété palpable. Le silence entre eux devient insoutenable avant qu’il ne brise enfin la tension.

- *« Madame, les résultats confirment que vous êtes enceinte. »*

Le monde d’Éléa s’arrête un instant. Les mots résonnent dans sa tête comme un écho lointain. Elle ouvre la bouche, mais aucun son n’en sort.

Voyant sa réaction, le médecin poursuit avec douceur :

- *« Je comprends que c’est beaucoup à digérer. Mais il est important de discuter de la suite. »*

Éléa cligne des yeux, comme pour se reconnecter à la réalité.

- *« La suite ? »*

Le médecin hoche la tête et prend un ton plus sérieux :

- *« Vous êtes enceinte de quelques semaines. Cela signifie que, si vous souhaitez interrompre cette grossesse, il faudra agir rapidement. »*

Les mots la frappent comme une gifle. Elle déglutit difficilement et demande d’une voix tremblante :

- *« Pourquoi… pourquoi me posez-vous cette question ? »*

Le médecin lui explique calmement :

- *« Passé un certain nombre de semaines, l’interruption volontaire de grossesse ne sera plus possible. C’est une décision qui doit être réfléchie rapidement, car elle engage l’avenir. »*

Le poids de ces paroles pèse lourdement sur elle. Elle reste silencieuse, absorbant chaque mot avec difficulté.

- *« Ce que je vous propose, c’est de faire une échographie. Cela permettra de déterminer avec précision où vous en êtes dans votre grossesse. Je peux organiser un rendez-vous dès demain, à 15 h. Vous pensez pouvoir être disponible ? »*

Éléa hoche la tête lentement, la gorge nouée :

- *« Je travaille, mais… je vais m’arranger pour être là. »*

Le médecin lui tend un sourire compatissant avant de conclure :

- *« Prenez votre temps pour réfléchir. Mais rappelez-vous que vous avez le droit de faire ce choix en toute autonomie. »*

De retour chez elle ce soir-là, Éléa s’affale sur son canapé, les jambes tremblantes. Elle pose une main sur son ventre, comme si ce simple geste pouvait l’aider à y voir plus clair.

Les questions fusent dans son esprit. *Comment vais-je faire ? Dois-je en parler à Alexandre ?* Mais la pensée de lui révéler cette nouvelle est rapidement balayée. *Il a fait son choix. Sophie et son enfant à naître sont ses priorités, pas moi.*

Pourtant, une émotion inattendue monte en elle : un mélange d’amour, de peur et de détermination. Elle s’allonge, les yeux fixés sur le plafond, et murmure presque pour elle-même :

- *« Que dois-je faire ? »*

Le lendemain, Éléa se rend au bureau, mais son esprit est ailleurs. Les mots du médecin tournent en boucle dans sa tête. À 14 h, elle informe son supérieur qu’elle doit partir plus tôt et file à son rendez-vous.

À la clinique, l’atmosphère est calme, presque apaisante. Assise dans la salle d’attente, elle observe les femmes enceintes autour d’elle. Certaines discutent joyeusement avec leurs partenaires, d’autres caressent tendrement leur ventre. Éléa, elle, se sent étrangement isolée, comme si elle appartenait à un autre monde.

Lorsque son nom est appelé, elle se lève avec appréhension et suit le radiologue dans la salle d’examen. L’équipement médical, les moniteurs, les sons feutrés des machines… tout lui semble irréel.

- *« Installez-vous, s’il vous plaît. Nous allons regarder tout cela ensemble. »*

Éléa s’allonge, le cœur battant à tout rompre. L’échographiste applique le gel froid sur son ventre, ce qui la fait frissonner légèrement. Lorsque l’image apparaît sur l’écran, elle fixe le moniteur avec une intensité mêlée de peur et d’émerveillement.

- *« Voici votre bébé, »* dit l’échographiste avec un sourire chaleureux.

Les larmes montent immédiatement aux yeux d’Éléa. Elle distingue une petite forme, encore floue, mais indéniablement vivante.

- *« Et ce son que vous entendez… c’est son cœur qui bat. »*

Le rythme rapide et régulier emplit la pièce. Éléa porte une main à sa bouche, incapable de contenir son émotion. Des larmes coulent librement sur ses joues. Elle murmure :

- *« Son cœur… C’est son cœur… »*

Le radiologue continue avec douceur :

- *« Tout semble parfaitement normal. Vous êtes enceinte de deux mois et demi. »*

À cet instant, Éléa sait. Malgré toutes les incertitudes, malgré la peur de l’avenir, elle aime déjà cet être qui grandit en elle. Une chaleur douce envahit son cœur, balayant ses doutes.

Elle quitte la salle d’examen avec une enveloppe contenant les images de l’échographie. Elle la tient contre elle comme un trésor, son esprit en ébullition, mais son cœur apaisé.

Alors qu’elle sort de la clinique, Éléa lève les yeux et voit Alexandre et Sophie à quelques mètres de là. Le choc est instantané. Sophie, visiblement agacée, tourne la tête et accélère le pas, faisant comme si elle ne l’avait pas vue.

Alexandre, cependant, ne peut s’empêcher de lui jeter un regard en coin. Son regard passe rapidement d’Éléa à l’enveloppe qu’elle tient précieusement. Une étincelle de suspicion traverse ses yeux.

Éléa, prise de panique, serre l’enveloppe contre elle et détourne les yeux. *Il ne doit pas savoir. Pas maintenant.*

Alexandre continue de suivre Sophie, mais son esprit reste fixé sur Éléa. *Que faisait-elle là ?* Une partie de lui brûle de faire demi-tour, de poser des questions, mais il sait que cela ne ferait qu’envenimer la situation avec Sophie.

Éléa, quant à elle, quitte rapidement les lieux, le cœur battant à tout rompre. *Il ne doit jamais savoir,* se répète-t-elle en boucle, bien que l’ombre de son regard persiste dans son esprit.