IV

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IV BONIFACE ! Un grand journal, bien imprimé, sérieux, vertueux même, et même religieux ; un journal qui a ce que l’on appelle de la tenue, c’est le Constitutionnel. Là écrivent Dréolle, Vitu, Grandguillot, Limayrac, tous chevaliers de la Légion d’honneur et de plusieurs ordres étrangers ; et quelquefois des dieux y prennent la plume sous le nom de Boniface. Boniface, qu’est-ce que c’est ? Cela se murmure, on ne l’articule pas. « Autant le ciel est au-dessus de la terre, a dit un jour l’ami Guéroult, qui sait bien des choses, autant Boniface est au-dessus de Grandguillot ! » Voilà de quoi rêver, car Dréolle et Vitu sont grains de poussière devant Grandguillot, qui n’est rien devant Boniface. Grandguillot n’ignore point sa stature, comparativement aux autres mortels qui écrivent dans les journaux mortels. Il reçoit les rayons premiers de Boniface, et sa tête resplendit déjà quand tout demeure encore dans l’ombre. Grandguillot ne fait aucune difficulté de prendre certains peuples sous sa protection. Je me souviens de lui avoir entendu dire : Le peuple allemand nous inspire de l’intérêt. Dréolle n’ose pas encore ouvrir tant son cœur et ses bras ; il protège modestement les Moldo-Valaques : « Les Moldo-Valaques savent que nous sommes leur ami. » Vitu étend sa plume sur la belle Italie : « L’Italie n’ignore pas l’affection que nous avons pour elle. » Mais Boniface seul règle les affaires du monde entier. Il ne fait pas comme Limayrac, qui destitue parfois les souverains ; de la part de Boniface, ce serait trop grave. Les jours de Boniface, Paris, n’est plus Paris : c’est Bonifaciopolis.
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