Chapitre 3

2514 Words
Chapitre 3 La pluie avait pratiquement cessé. Fletch, les mains dans les poches de son imper bleu nuit, arpentait tranquillement le trottoir en évitant les flaques d’eau. Malgré sa tête légèrement baissée pour se noyer dans l’indifférence des badauds, ses sens avaient déclenché l’alerte rouge. Constamment sur le qui-vive, dans l’attente du jeune garçon, il ne pouvait empêcher ses pensées de vagabonder vers de lointains souvenirs. Les mois qui allaient suivre essuieraient des années de frustration et de moqueries, et ils lui procuraient à l’avance jouissance et délectation vengeresse. Fletcher Workanowski, le paria du clan, le mal-aimé, celui qui avait tout raté, allait exploser à la face du monde. Son génie serait reconnu universellement et peut-être même enseigné aux élèves de CM2. Et pourquoi pas aux CE1 ? Son nom s’étalerait avec des pleins et des déliés, en gras dans les manuels scolaires. Comme Arsène Lupin ou… Il eut un trou de mémoire. À quel point haïssait-il cette tribu des Workanowski1 et des Workan2 réunis ? Et ce petit-cousin de deux ans son aîné : Lucien Workan, commissaire de police judiciaire. Fletch avait été son souffre-douleur à chaque fête, à chaque réunion familiale, à chaque baptême. Une petite claque par-ci, un mot doux par-là, « Alors, p’tit homme, toujours puceau ? » Il était fin comme du gros sel de Guérande, le Lulu. Sans doute pas méchant, mais con comme une andouille de Guémené qui apprend le kitesurf, ou comme un footballeur en train de se coltiner Aristote en grec ancien. Ils étaient tous fonctionnaires, ces enfoirés de Polaks, sa fratrie, son cousinage. Chacun d’entre eux s’enorgueillissait d’être soit juge, soit préfet, flic ou grand commis de l’État. Et lui, il frisait le ridicule avec ses déboires aux Beaux-Arts, ses écoles de dessin et d’art plastique où il n’était admis qu’à cause de son nom et de l’argent de ses parents. Prisonnier « modèle », son seul titre de gloire. Il était un exemple pour tous les incarcérés, enfin, selon les directeurs successifs qui lui avaient si gentiment ouvert la porte de leur maison d’accueil. À trente-huit ans, il n’en avait passé que six à l’ombre et, de plus, uniquement par petites périodes, ce qui atténue de beaucoup la dangerosité de l’individu. Mais cette périodicité laissait quand même planer des doutes sur l’efficacité des traits de génie de son auteur. Pourtant, cette fois-ci c’était différent, l’occasion était trop belle : des chefs-d’œuvre de la peinture du XVIIe siècle seraient exposés dans quelques mois en province, à Rennes exactement. La capitale de la Bretagne, où sévissait Lulu, le tortionnaire de ses tendres années. Que de larmes versées, la tête cachée sous son oreiller, après ces journées de festivités qu’il haïssait au plus profond de son âme ! Cependant, le plus incroyable, avec le temps, c’était qu’il avait fini par se persuader que Lucien agissait sans animosité véritable, inconscient de sa force, par pure bêtise. Qu’importe, le commissaire Workan allait se trouver dans une ville au mauvais endroit et au mauvais moment. Le sort en était jeté (Alea jacta est, aurait dit César le 12 janvier de l’an - 49 avant J.-C., nous ne connaissons aucune autre citation de lui ce jour-là.) À dix-neuf ans, Fletcher quitta sa famille pour conquérir le monde, et ne s’attira que des emmerdements (fruits mérités et récoltés, grâce à de longues semailles de bévues et un apprentissage aléatoire auprès de la pègre spécialisée dans les œuvres d’art). Lors de son premier séjour à l’ombre de Fresnes, il s’était lié d’amitié (si l’on peut appeler amis des mecs qui ne cherchent qu’à vous s*******r pour un oui ou pour un non) avec Venceslas, grand serrurier devant l’éternel. À la même époque, Vence aurait été pote avec Louis XVI. Et surtout Ousmane, spécialiste des faux papiers en tout genre : de la vignette Panini au passeport biométrique, en passant par les bons « satisfait ou remboursé » des hypermarchés. Sa décision fut prise, il abhorrait sa famille, il se débarrasserait à tout jamais de ces deux noms maudits. Workan, Workanowski : au panier ! Il fallait désinfecter, dératiser, stériliser, se soustraire à jamais à ces deux premières syllabes patronymiques. Ainsi il devint, par la grâce d’Ousmane et de quelques menues monnaies : Fletch Nowski ! Workan contre Nowski, la plus belle partie d’échecs qui soit. Fletcher mesurait un mètre quatre-vingts, soit sept centimètres de moins que son grand cousin. Brun, les yeux sombres, ses traits étaient plus fins que ceux de Lucien (marqués par ses années de rugby). Plus beau aussi - mais paradoxalement moins séducteur que son aîné - toujours tiré à quatre épingles, il arborait sans cesse de nouveaux costumes, toujours à fines rayures verticales. Soudain, son sang ne fit qu’un tour ; il plaqua son dos contre la vitrine, le jeune garçon arrivait avec son étui à violon à la main. Fletch fit lentement demi-tour et se dirigea vers la voiture, marchant une dizaine de mètres devant l’enfant. Arrivé à la hauteur de la portière arrière, il saisit la poignée, toqua à la vitre, l’ouverture se déclencha… L’opération dura deux secondes, il passa son bras autour des épaules du jeune garçon et le propulsa à l’arrière du véhicule. Il prit soin de prononcer assez fort avant de s’asseoir à son tour : « Ça va, mon Jérôme ? », comme un père qui récupère sa progéniture après l’école. Ben mit le moteur en route et le Peugeot descendit la rue Saint-Honoré. Jérôme ne paniqua nullement et ne parut même pas effrayé ; il se hasarda à demander, d’une voix posée et étonnamment calme : — Qu’est-ce que vous me voulez ? Mes parents ne sont pas riches et n’importe comment, je leur interdirais de verser une rançon pour moi. « Ça commence fort », pensa Venceslas. Baudouin-Baudouin s’interrogea sur les facultés de Fletch à organiser de tels enlèvements. Ben se tut. « Arrête-toi là ! », cria Fletch au chauffeur. Il lui désigna une place à proximité de la Comédie Française. Il se tourna vers Jérôme. — Est-ce que tu as un portable sur toi ? — Vous ne me kidnappez quand même pas à quatre pour me piquer un téléphone ? C’est du délire, mais grave ! Tous les yeux se braquèrent sur Fletch. « Je crois qu’on est à la limite de la bouffonnerie », pensa Ben. — Tu as un portable, oui ou merde !!?, insista Fletch. — Non ! — Bau-Bau, fouille-le ! Devant le regard lubrique du gros à carreaux, il prit les devants. — Non, laisse ! Je vais le faire moi-même. Donne-moi tes gants, Ben ! — Pour quoi faire ? — Pose pas de questions, tes gants, merde ! Telle une strip-teaseuse, Ben étira ses gants de peau doigt après doigt. Fletch fit le contraire, il se ganta avec facilité en maugréant : « T’as de grosses paluches, je ne touche pas le bout. » Il se retourna vers l’enfant qui ne bronchait pas. La main dans la poche de la veste de jogging de Jérôme, il heurta un objet, dur, parallélépipédique, muni de touches. Bingo ! Il le brandit comme un trophée. — Avec ça, on va croûter combien de jours ? s’enquit narquoisement Venceslas. Le coup de poing partit dans l’appuie-tête. Devin, Venceslas avait déjà bloqué ses cervicales à l’aide de ses muscles trapézoïdaux. Tout ça sous le regard effaré de Jérôme. Fletch Nowski descendit du 4X4. Après quelques recherches sur le clavier, des noms défilèrent sur l’écran jusqu’à ce qu’il trouve « Papa ». Il se colla le portable à l’oreille. Les trois hommes et l’enfant le regardaient parler, gesticuler, tourner autour du véhicule. À un moment, ils en furent sûrs, il porta son pouce au niveau de la carotide et, d’un geste rapide, simula l’égorgement. Des larmes apparurent aux yeux de Jérôme, mais elles ne coulèrent pas. Fletch s’approcha de la vitre de Ben et lui fit signe de la baisser. « Ouvre la portière du gamin ! », commanda-t-il. Puis tout se déroula très vite. L’enfant sortit, Fletch lui passa le téléphone. Il entendit Jérôme répondre à son père : « Trois plus un clown », puis le gamin, apeuré, éteignit son portable. « Tu peux rentrer chez toi, mon garçon, dit Nowski. Tout est terminé. » Après une hésitation, Jérôme se mit à courir, serrant fort son étui à violon contre lui, en se retournant de temps à autre vers le 4X4 pour être sûr qu’on ne le poursuivait pas. — Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? gazouilla Baudouin-Baudouin. Devant l’air de réflexion intensive de Fletcher Nowski, il n’insista pas pendant une vingtaine de secondes. Il jugea ce laps de temps suffisant et revint à la charge. — C’est vrai qu’on n’a rien compris à ton enlèvement bizarroïde, mais on n’est pas là pour juger. Tu es majeur, tu jouis apparemment de toutes tes facultés ; ne compte pas sur moi pour jeter le discrédit sur tes actions, si incompréhensibles soient-elles, mais il faut quand même admettre que certaines situations mériteraient, à mes collègues et à moi-même, un peu de… — Ta gueule ! — Bon, ça c’est clair ! Le gros à carreaux se cala dans son siège. Ben, qui parlait peu mais parlait bien, dit : — Dis-moi, Fletch, pourquoi on ne portait pas de cagoules ? Le môme y peut nous reconnaître, surtout Bau-Bau avec son costard de guignol… — Qu’est-ce qu’il a, mon complet veston ? le coupa Baudouin-Baudouin, c’est du Armani, mon pote ! — Je dirais plutôt qu’il vient d’Arménie. T’as un costard arménien, mon gros. — Et toi, avec ton blouson d’aviateur du temps de Merlin l’enchanteur… — Tu dois confondre avec Mermoz. — Mais non, qui c’est le mec qu’a traversé la Manche en premier sur un avion à pédales ? — Berlioz, claironna Venceslas. — Non ! Blériot, précisa Fletch, et c’était pas un avion à pédales, sinon t’aurais été le premier passager. Baudouin-Baudouin se scotcha un peu plus sur son siège. Après quelques secondes de silence, Ben dit : — T’as pas répondu à ma question, Fletch. — Parce qu’on n’avait pas besoin de se cacher, c’est tout ! — C’est ta réponse ? — Non, je viens de faire la danse du ventre !… Vous commencez sérieusement à me faire chier, les mecs, s’excita Nowski. Les mains de Ben se crispèrent sur le volant. Le regard fixe, il déclara : « Je changerai les plaques minéralogiques ce soir, ainsi que les papiers de la voiture. » « Si tu veux », convint Fletch, puis il poursuivit : — Venons-en aux choses sérieuses… — Pourquoi ? Parce que c’est pas sérieux d’enlever un môme ? s’exclama Baudouin-Baudouin. Nowski le transperça du regard. — Avec tes antécédents, si ! — Ça va pas dans ton cerveau malade ? J’ai jamais touché un gamin… Tu me fais de la peine, Fletch, de penser des trucs comme ça, pleurnicha le gros à carreaux. — Je croyais que tu aimais les éphèbes. — Uniquement en sculpture, Fletch. Grecque ou romaine. Mes amis sont majeurs et électeurs, Fletch. Je te jure. Et ils votent à gauche. — Bon, ça va. Écoutez-moi, tous les trois… D’abord toi, Ben. Où est-ce que tu as soutiré ce 4 x 4 ? — À la Défense ! — Pourquoi ne pas prendre un Hummer, tant que tu y étais. On aurait pu envahir l’Irak. Bonjour la discrétion… — Tu m’as dit avec un grand coffre. Faudrait savoir. — Mouais, bon, n’ergotons pas. Nowski marqua un temps de pause. Réfléchit, choisit ses mots afin de les appâter, mais sans trop tirer sur le fil. — L’opération que nous allons mener est sans risques, par… — J’aime pas ça, l’interrompit Venceslas, qui banda ses trapèzes. — Tu n’aimes pas quoi ? reprit Fletch, le poing rapide comme l’éclair s’enfonçant dans l’appuie-tête. — Sans risques ! Je préfère nettement avec risques, parce que tes opérations « sans risques » nous font à chaque fois côtoyer la magistrature assise. Et ces mecs-là, ils ont pas le même sens de l’humour que nous. Y pensent qu’à nous mettre en zonzon. — Je peux continuer ? demanda Nowski. — Ouaip, dit Baudouin-Baudouin. — Actuellement, une partie du musée des Beaux-Arts de Rennes est en travaux pour mise en conformité. Ce musée abrite quelques chefs-d’œuvre ; je n’en citerai qu’un, pour ne pas vous troubler. À part Bau-Bau, je pense que ni Ben, ni Vence n’ont entendu parler du Nouveau-né de Georges de La Tour. (Le gros à carreaux opina du chef, satisfait.) Dans trois ou quatre mois, pour pallier ce déficit d’exposition au musée, une petite rétrospective de La Tour aura lieu dans l’enceinte d’un ancien couvent, dit des Jacobins. Quatre autres tableaux du maître lorrain, prêtés par d’autres musées, viendront rejoindre Le Nouveau-né. Le tout sous l’égide du conseil régional breton et du ministère de la Culture. L’avantage de la zonzon, c’est qu’on a le temps de lire des revues d’art… Je vous le dis tout de suite, c’est énorme en qualité de tableaux et en quantité de pognon. Des amateurs des quatre coins de la planète vont rappliquer pour admirer ces toiles, dont vous ne pouvez même pas imaginer le prix. Pour nous, c’est la richesse assurée… Effondré, Baudouin-Baudouin interrompit Nowski en se frottant le visage de ses mains grassouillettes. — Impossible ! — Quoi ? — Invendable ! — Tout se négocie, mon gros. Il y a des collectionneurs véreux, et même des conservateurs de musées à l’étranger qui boufferaient leur slip jusqu’à l’élastique pour en acquérir un. Et y’en a même qui sont prêts à aller jusqu’à boulotter l’élastique. Avance le contraire, Bau-Bau ! — Nan ! — Ça me rassure. Il y a déjà pas mal de La Tour aux États-Unis, et on ne sait pas toujours dans quelles conditions ils y sont arrivés. Bon, ce n’est pas notre problème… Des objections ? Venceslas leva le doigt et banda les muscles de son cou. — Vas-y ! Accouche ! grogna Nowski. — Il va y avoir une méga sécurité. — Je confirme. Nous verrons ça sur place. — Des gardes ? s’inquiéta Ben. — Sûrement ! Et ils seront sans doute armés. — On ferait mieux d’aller au trou séance tenante, claironna Baudouin-Baudouin. — Tu vois, Bau-Bau, dans la vie, il y a deux sortes d’hommes : ceux qu’en ont et ceux qu’en n’ont pas. — Je trouve ça réducteur. Fletch Nowski passa son bras autour des épaules du gros à carreaux, et approcha sa bouche bien dessinée près de l’oreille de son voisin. De son autre main, il saisit l’entrejambe de Baudouin-Baudouin et commença à serrer. Celui-ci couina. Fletch murmura : — Et toi, t’en as !… Petites, mais t’en as, OK ? — J’en ai, bredouilla Baudouin-Baudouin, les larmes aux yeux. Lâche-moi, Fletch ! supplia-t-il. Nowski lâcha la pression et se recala dans son siège. Venceslas en profita pour lui offrir sa place à l’avant du véhicule ; proposition rejetée instantanément par Fletch, qui souhaitait avoir une vision d’ensemble sur les trois hommes. Ben profita de l’accalmie pour en savoir plus. — Le vol que l’on va faire, c’est un casse ou un hold-up ? — Un cambriolage ! asséna Fletch, l’œil noir. — Malgré la maxi-sécu et les gardes ? s’avança Baudouin-Baudouin, la main sur son service trois pièces estampillé par les marques de doigts de Nowski. En dévisageant ce dernier, il ajouta précipitamment : « J’ai rien dit ! » Dans ce genre d’opérations, où la patience est une vertu essentielle et l’attente une calamité financière, il est cependant nécessaire de pourvoir au nerf de la guerre. Tout au moins de bénéficier d’un minimum d’argent pour un maximum d’investissement. Ce que craignait Fletcher Nowski se déroula comme prévu. Les comptes courants de ses trois acolytes étaient vides, ainsi que les livrets A, et les SICAV n’étaient plus ce qu’elles étaient. Le CAC 40 pyramidait vers le bas, la crise avait tout balayé. La chienlit prenait le pouvoir. La misère s’abattait sur leurs épaules comme les urines d’un coureur cycliste, navré d’avoir perforé l’éprouvette, directo sur la moquette. Après les lamentations, Fletch reprit le fil de la conversation. — Je vous rappelle, les mecs, qu’on a quatre mois à survivre avant de toucher notre pognon. D’ici là, il va bien falloir se sustenter d’une façon ou d’une autre. Personnellement, je suis un ascète… — … au beurre ! Baudouin-Baudouin se lova contre sa portière, l’accoudoir enfoncé dans son flanc graisseux, sous le regard contrit de Nowski. — Excuse-moi, Fletch, ça m’a échappé. — OK, je reprends. Demain, j’ai encore besoin de vous. Ensuite, chacun regagne ses pénates et continue ses petites magouilles de maternelle. En revanche, je veux que dans trois mois vous investissiez dans cette opération deux mille euros chacun. Alors, pas de désœuvrement pendant cette période. N’oubliez pas qu’après, vous serez millionnaires… et pas en dollars, bien faibles, mais en euros, bien forts. Nowski toussota et s’éclaircit la voix pour annoncer le plus difficile : — Demain, je me verrai dans l’obligation de vous demander une sorte d’avance sur investissement. (Il réfléchit.) Disons… des frais de participation ou d’engagement, appelez ça comme vous voulez… Démerdez-vous pour me ramener mille euros chacun… — Maiiis… bêla le trio des traders désargentés. — La ferme ! coupa Fletch. Empruntez ! Volez ! Prostituez-vous, s’il le faut, mais je veux ce pognon. Compris !?! Excusez-moi de vous le dire, mais comme radins, vous êtes pathétiques. Le trio s’indigna et se tut. Qui ne dit mot consent. C’est ce que pensa Fletch. « Demain matin, neuf heures, comme d’hab’, devant l’hôtel Jardinia. Salut, les vilains, je rentre en métro… Ah ! Ben, fais le plein de carbur’, nous irons à Tours. » Nowski claqua la portière. 1. Voir Hortensias Blues, même auteur, même collection. 2. Voir Hortensias Blues, même auteur, même collection
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