Un peu plus tard, remise de mes émotions, nous allons prendre mes bagages dans la voiture de Sara et nous retournons à l'intérieur du bâtiment principal pour y trouver ma chambre. En bas de l'escalier, au mur, il y a un grand panneau indiquant quels numéros de chambre on peut trouver et à quel étage. Comme dans les hôpitaux. Chaque numéro de chambre commence par le numéro de son étage, mais le premier correspond au numéro zéro, le deuxième au numéro un et le troisième au numéro deux. C'est à ce moment-là, que j'ai découvert en regardant sur ma clé, que j'ai eue droit à une chambre individuelle, et que j'ai compris que mes sœurs avaient certainement joué la comédie en arrivant, quand nous patientions devant l'accueil, mais aussi durant tout le voyage. En y réfléchissant bien, c'est même carrément sûr, je suis une andouille de ne pas l'avoir compris plus tôt ! Les chambres individuelles doivent sûrement être attribuées d'avance en fonction des dossiers scolaires.
Cela n'a pas été très simple pour atteindre le premier puis le second étage. Premièrement, parce que j'ai une montagne de bagages (heureusement que nous étions trois pour tout monter), deuxièmement, parce que l'escalier était encombré d'étudiants aussi chargés que moi ou presque, accompagnés par leurs parents. Je suis encore impressionnée par le nombre d'étudiants qui se sont agglutinés dans les chambres du premier et du deuxième étage, tandis que moi, je pouvais enfin respirer en empruntant l'escalier pour atteindre le troisième. Je me suis figée en arrivant dans le couloir.
- Qu'y a-t-il ? S'étonne Mag qui arrive derrière moi.
- Regarde… Lui dis-je dans un souffle à peine audible.
- Et bien quoi ? Insiste-t-elle.
Le couloir est savamment décoré, on se croirait dans une grosse demeure d'époque, et non plus dans un couloir de chambres universitaires, où les murs crépis sont simplement peints en écru et les portes peintes d'un orange criard. Là, il y a du papier peint uni sur la partie basse des murs, rayé sur la partie haute, le tout dans les tons lavande et blanc relié par une frise fleurie au milieu.
Alors qu'aux étages inférieurs, on ne voyait pas à cinquante centimètres devant soi, il n'y avait que quelques élèves à celui-ci. Le passage était dégagé et les portes des chambres sont si espacées les unes des autres, que je suis sûr qu'il y a trois fois plus de chambres dans les étages du dessous. De plus avec les deux montés d'escalier qui nous séparent de l'étage du dessous, c'est le calme complet ici en comparaison !
En haut de l'escalier, trois couloirs. Celui de gauche pour les douches et toilettes des filles, celui de droite pour les sanitaires garçons, en face les chambres.
Les chambres sont numérotées comme les numéros de rues. Pairs d'un côté, impairs de l'autre. À l'entrée du couloir, de chaque côté, il y a une chambre fermée. L'une a un écriteau qui indique que c'est celle du surveillant et sur une feuille de papier blanc, punaisée à la porte, on peut décrypter (parce que c'est écrit à la main) : « En cas de nécessité absolue. » Le mot absolu étant souligné plusieurs fois. Autrement dit : « Fichez-moi la paix autant que possible » au moins, on sait à quoi s'attendre… Sur l'autre, il y a simplement le chiffre zéro. Toutes les autres chambres sont ouvertes, certaines déjà occupées où des étudiants s'activent à ranger leurs affaires, d'autres attendent encore leur locataire, comme la mienne par exemple, située au fond du couloir. Seule exception, la chambre numéro 9B, se trouvant en face de la mienne et qui est également fermée. J'ai d'ailleurs remarqué, que c'était également le numéro de la place de parking juste à côté de la mienne et qui était également vide. Je me suis tout de suite dit que la personne qui occupait cette chambre avait certainement fini de s'installer avant que nous arrivions, qu'elle avait dû aller faire un tour et donc qu'il était normal que sa porte soit fermée. Seulement la première chose que j'ai vue en entrant dans ma chambre, c'est une feuille de papier d'un orange criard posé sur le meuble à chaussures, où était écrit en grosses lettres noires et avec le symbole de l'université en haut de page :
Merci de ne pas quitter votre chambre et de ne pas fermer la porte entre 17h et 19 h 30. Le doyen viendra vous accueillir, vous donner quelques consignes et vous inscrire sur la liste définitive des étudiants V.I.P de notre établissement.
Les chambres sont de tailles identiques et ont été attribuées en fonction de votre dossier scolaire et dans l'ordre d'inscription. Ce choix n'est pas contestable.
Elles ont été refaites durant l'été, le tout est neuf, merci de respecter ce lieu, il vous appartient pour toute la durée de votre parcours universitaire, sous conditions évidentes. Il est donc impossible de changer de chambre, sauf pour quitter l'étage, mais ce, sans retour possible.
Le doyen, M Fergus.
J'ai regardé ma montre, il était 18 h 15. J'ai donc laissé tomber mon histoire de voisinage d'en face, après tout peut-être que les chambres ne sont pas toutes attribuées. Et j'ai profité de la présence de mes sœurs pour m'installer plus vite.
La chambre est immense, j'ai la chance d'avoir quatre grandes fenêtres qui donnent sur deux côtés du bâtiment, c'est agréable de ne pas avoir seulement le parking à regarder. J'ai le privilège d'avoir des fenêtres qui donnent sur la plaine, l'horizon et l'océan au loin. Les draps, les murs et les rideaux sont assortis, dans les tons vert amande et beige, avec des touches de marron qui font penser à du chocolat. Ça donne une ambiance sucrée très agréable et apaisante. Des envies de pâtisseries.
Tout le mobilier est en bois massif foncé (je ne saurais pas dire lequel) et se fond parfaitement dans le décor. À droite de la porte, il a un meuble à chaussures et un portemanteau accroché au mur. Au centre de la pièce, entre les deux fenêtres, un grand et beau lit encadré par deux chevets. Sur le côté gauche, juste sous les fenêtres, une belle commode à tiroirs et sur la droite, un grand bureau avec un fauteuil très confortable. Derrière la porte, une grosse armoire avec de magnifiques moulures et le long du mur droit un meuble bas de télévision avec un petit écran plat. Je n'aurai plus qu'à agrémenter ce petit coin douillet avec un paravent dans le coin gauche à côté de l'armoire pour me changer et quelques poufs devant la télé, pour que ce soit parfait.
Sara et Mag se sont occupées de ranger mes vêtements dans l'armoire et la commode, ainsi que mes chaussures dans le meuble. La première chose que j'ai faite, a été d'installer la photo de mes neveux sur ma table de chevet. Ensuite, j'ai installé mon ordinateur sur le bureau ainsi qu'une photo de famille. J'ai rangé quelques CD et livres ; et accroché des posters de mes films préférés pour personnaliser un peu l'espace. Quand j'ai voulu aider pour le reste, je me suis fait éjecter par mes sœurs, alors j'ai pris mon journal et je suis allée m'installer dans l'encadrement de la porte pour écrire en attendant le doyen.
Il faudra également que j'achète un ou deux tapis, parce qu'au sol, c'est du parquet et je trouve que c'est plus douillet avec des tapis. D'autant plus que j'ai horreur de me lever le matin et de poser les pieds sur un sol trop frais. Ce choc thermique me réveille trop brutalement et je me sens de mauvaise grâce après ça. (Non, ce n'est pas vrai, j'exagère. Enfin... Un peu... À moitié quoi.) À la maison, j'ai de la moquette dans ma chambre, j'ai besoin d'un petit rappel de mon chez-moi. Il faut que j'achète aussi un lustre, parce que là, il n'y a que l'ampoule et ce n'est pas chouette…
- Le doyen arrive, m'annonce Sara qui revient des toilettes.
- Parfait ! Lui dis-je. J'espère qu'il ne sera pas trop long, comme ça, on pourra aller manger et faire le tour du campus.
- Avec joie, je meurs de faim ! S'exclame Mag.
Presque tous ceux qui attendent M. Fergus se sont également installés dans l'encadrement de leur porte. Certains discutent, d'autres lisent ou encore rêvassent.
Fergus… Je trouve ça drôle comme nom, en entendant ce nom, j'imagine un petit homme trapu, gentil, mais ferme, avec le crâne dégarni, ses quelques cheveux : grisonnant, avec une petite moustache… Vais-je avoir raison ?
Je constate qu'il y a des étudiants qui doivent être là depuis quelques années maintenant. Ils ont l'air plus âgés et certains se connaissent déjà.
C'est gagné ! Le doyen est exactement comme je l'imaginais, enfin, j'espère que niveau caractère aussi. Il devrait être dans ma chambre dans environ dix à quinze minutes.