‡Chapitre 6 : Lull (1)‡

1873 Words
_Camp de Vanupas_ Le soleil était d'ores et déjà couché, laissant place à la gèle nocturne, les minces filets de nuages naviguaient lentement sous le ciel bleu indigo annonçant une nuit claire au ciel dégagée. Tous les habitants étaient rassemblés dans la cour centrale, ils étaient tous bien couverts pour la soirée en plus d'être réchauffés par un grand brasier qui crépitait au milieu de ce beau petit monde. Une ambiance festive animait la terre isolée de Vanupas : des groupes étaient disposés en cercle assis sur des nattes, partageant des histoires et autres anecdotes, jouant des instruments en un rythme entrainant, sirotant du moût extrait des fruits et des plantes comestibles des montagnes ou consommant des mets fumés et cuits à la vapeur. Tout à coup, la musique cessa de jouer et tout le monde porta son attention vers les deux silhouettes qui se tenaient près du brasier dont l'une d'entre elles était Kaya, l'autre, qui était un homme d'âge avancé, leva les bras en l'air avant de s'écrier : – Chaque vie humaine doit être célébrée et honorée quand vint le jour de sa parturition. Nos ancêtres nous ont toujours appris que le souffle de vie est unique et donc précieux alors mangeons et buvons encore plus en l'honneur de notre fille et sœur bien aimée Kaya : Vaillante gardienne du camp de Vanupas ! Des acclamations ainsi que des cris de joie jaillirent du camp de toute part. Et l'animation reprit de plus belle. – Mangeons et buvons !! – Merveilleux jour de naissance Kaya ! – Joyeux anniversaire grande-sœur ! La dénommée arborait un sourire amplement radieux qu'elle en avait même mal aux pommettes. Elle faisait son maximum pour répondre à chaque souhait et à chaque câlin qu'elle recevait. Et tandis qu'elle scrutait les alentours, son sourire s'élargit encore plus _ si c'était possible _ lorsqu'elle vit l'objet de ses recherches avant de s'élancer machinalement vers lui. À quelques pas seulement, elle fut stoppée par de petites mains s'agrippant fermement aux siennes. – Grande-sœur ! Interpella une voix enfantine et douce tout en tirant légèrement la manche de son vêtement. Si ça ne te dérange pas du tout, j'aimerais savoir quel âge ça te fait ? Les autres enfants, debout et en demi-cercle, semblèrent tout aussi impatients de connaitre la réponse. En d'autres termes, elle était cernée. Confronter aux minois si plein de vie et d'insouciance, Kaya ne put rien d'autre sinon de glousser d'affection. Cette vision a toujours eu le don de lui faire fondre le cœur et à chaque fois. Quelques fois, elle médite sur combien il serait agréable de retourner en enfance, sûrement parce que c'est la période de sa vie au cours de laquelle elle a pu expérimenter ce qu'est le véritable bonheur. « Je suis la mieux placée pour savoir que des instants de joie aussi infimes soient-elles sont à chérir pour toute une vie. La plupart de ces enfants n'ont jamais vécu en dehors du camp et ils ne le feront jamais, d'autres mourront sûrement avant l'âge de 20 ans, mais ça ne veut pas dire qu'ils n'ont pas droit à ces instants de bonheur. Nous célébrons autant que nous pouvons les jours de naissance, les unions... Pour ma part, c'est la première fois que j'accepte de célébrer mon anniversaire depuis que j'ai mis pieds à Vanupas car oui, auparavant ma famille et moi menait une vie avec un quotidien, non loin d'être agréable, mais toujours paisible dans la ville principale. Même dans un monde aux lendemains incertains, tout le monde a droit au bonheur et lorsqu'un instant de répit se présente, nous devons la saisir. C'est ce qui m'a permis de faire face à la douleur de la perte... Parfois, je me demande combien de temps pourrais-je encore le maintenir ? Ce masque que je me suis forgé pour cacher mon amertume et ma haine profonde pour cette terre qui m'a engendré. Papa, où que tu sois, donne-moi la force de résister encore un tout petit peu. » Les enfants discutaient entre eux, c'était un débat houleux qui était sur le point de s'éterniser si elle n'intervenait pas. Et donc, autant trancher la discussion. – Attendez que je réfléchisse, hum... Sachant que nous n'avons véritablement pas la notion de temps ici ... Avec le pouce et l'index agrippant son menton, Kaya fit mine de réfléchir avant d'ajouter gaiement tout en comptant des doigts : – Je dirais que par le nombre de pleines lunes ces dernières années, ça m'en fait dix-sept à ce jour et donc pour être plus précise, j'ai dix-sept ans. Elle ponctua sa phrase en étirant légèrement sa langue suivit d'un subtil clin d'œil ludique. Les enfants firent "oh" de la bouche, ne s'attendant pas à cette explication. La plupart d'entre eux ne savaient pas compter alors lire la pleine lune. – Et donc, t'es même pas encore adulte ?... Cette fois-ci, c'est un garçon d'une douzaine d'années qui prit la parole : – Alors qu'avec grand-frère Akkun, t'es déjà à la tête de la troupe de combattants ? Kaya posa ses mains sur ses hanches et levant le menton, le sourire vaniteux. Si Akkun voyait ça, il roulerait des yeux, c'est sûr. Même si au fond de lui, il savait que c'était juste pour le spectacle. La jeune chasseuse avait juste cette manie d'amener les gens à voir les choses selon une vision qui lui est propre. Que ce soit les enfants, la troupe ou les villageois, tout le monde a fini par avoir une confiance absolue en cette jeune fille qui a su braver maintes épreuves toutes plus risquées les unes que les autres. Pour ce qui de plus jeunes, elle ne manquait jamais de les faire voir ou entendre la dure réalité mais d'une manière quelle juge approprié pour leur âge. – Et oui ! Je te ferais savoir que je suis aussi l'unique fille. Je représente au sein de la troupe, le courage et la force de la gente féminine. Mais loin de me vanter, ce n'était pas facile d'arriver où j'en suis maintenant... D'ailleurs, ça me rappelle que je ne t'ai pas aperçu à l'entraînement hier, Paco. Tu as une explication à me donner ? – Hein ? T'es sûre ... ? Victime d'un regard on-ne-peut-plus pointu de son aînée, il obtempéra en balbutiant une réponse très peu convaincante, si l'expression de visage de Kaya était un signe : – Ce que je veux dire, c'est que euh... J'avais trop mal au ventre à cause d'un truc que j'ai pas bien digéré, tu vois ? M... Mais, j'ai pas du tout prévu ça hein ? Tu peux me croire. Le jeune garçon lui jeta un coup d'œil confus et embarrassé : – Tu... tu me crois, n'est-ce-pas ? Les bras croisés avec patience, Kaya haussa des épaules avant d'ajouter avec un sourire : – Ça dépend... Tu aurais été plus convaincant si tu n'avais pas l'air aussi crispé qu'Akkun essayant d'allumer un feu de bois (soupir)... Tu vois Paco, je passe l'éponge cette fois-ci et ça vaut aussi pour vous. Elle pencha sa tête vers un groupe d'enfants mâles qui avaient reculé de quelques pas lorsque la conversation prit cette autre tournure. – Ne pensez pas que je ne vous vois pas. Plus que tout, j'ai l'œil sur vous. D'un geste de la main, elle les incita à se rapprocher, ce qu'ils firent, malgré leurs airs penauds. Elle se courba, posant les mains sur ses genoux tout en veillant à croiser directement leur regard. – D'accord les enfants, ce n'est facile pour personne, j'en sais quelque chose. Vous avez peur, je comprends ... C'est pourquoi si vous avez un problème, peu importe lequel, venez m'en parler, car vous savez quoi ? La grande-sœur, que je suis, est à votre entière disposition. « Je veux protéger ces sourires et préserver cette joie de vivre. » '' C'est impossible ! Tu ne peux pas endosser ce rôle seul ! " « Mais je ne suis pas seule. » " Pourquoi t'infliges-tu ce fardeau ? Tu n'es pas immortelle. Un jour, tu mourras et à quoi cela aurait-il servi ? Tu te bats pour une cause perdue et tu le sais au plus profond de ton être ... " « Non, pas nécessairement. » – On se serre les coudes à partir de maintenant ! D'accord ? Termina-t-elle en souriant affectueusement. « Grand ou petit, cela n'a pas d'importance quand on sait pour quoi on se bat. » . . . – Grande-sœur ? – Hum ? – Tu as raison. Je ne manquerai plus jamais l'entraînement peu importe la raison. Et un jour, crois-moi je te surpasserai ! Proclama Paco, le poing levé en signe de détermination. Kaya ne peut être que ravie quand la lueur de son regard reflète du cran et de la persévérance à tout épreuve. Elle en est requinquée. « Je veux penser que tout n'est pas en vain et j'y crois. » – Eh bah ! J'ai hâte de voir ça. La jeune chasseuse se retourna vivement pour faire face à son ami qui tenait une chope en bois dont il en sirotait, elle-ne-sait quelle boisson. – Akkun ! – Et puis, ne t'inquiètes pas à ce sujet Paco, l'expérience vient avec le temps, pas vrai ? Il verrouilla son attention sur Kaya qui souriait toujours, cette fois-ci d'un air plus pétillant et ce pour une raison quelconque. – Bien sûr, répondit-elle sans briser le contact. Paco dévisagea calmement les deux d'un air méditatif tout en se couvrant le menton comme Kaya précédemment. – Y'a un truc que j'me demande depuis un moment... Heureusement pour lui, il réussit à capter leur attention, plus particulièrement celle de Kaya tandis que Akkun, lui, n'avait pas l'air trop enthousiasmé. Il n'a rien fait de mal, si ? – Euh voilà ! Entre toi et grand-frère Akkun, qui est le plus fort ? – C'est moi ! Évidemment, les deux répondirent en même temps et sans hésitation. Kaya gloussa moqueusement tandis que Akkun fronça juste ses sourcils et la bataille des regards reprit. La jeune fille se releva puis croisa les bras avec un air de défi : – Ah, mon cher Akkun ! Pourquoi semer le doute là où il y'en a pas ? C'est pourtant évident que le talent parle de lui-même. Il est temps que tu l'acceptes une bonne fois pour toute. Son compagnon ne répondit pas tout de suite gardant les sourcils froncés avec un semblant d'ennui. – Le talent hein ? Lâcha-t-il malgré lui, le sourire narquois. Et voilà ! Encore une fois, il se retrouve à faire face à l'un de ses défauts : sa trop grande estime de soi. C'est sûr, elle ne grandira jamais. Au lieu de lui accorder une réplique cinglante comme elle s'y attend, le jeune homme lui fit dos et prit une route en suivant un sentier qu'il connaissait par cœur, se surprenant lui-même. Interloquée, Kaya le fixa juste en clignant des yeux. Sa première question était de savoir pourquoi il lui laissait avoir le dernier mot et sa deuxième... – Hé ! Où tu vas comme ça ? Tu ne m'as pas répondu. . . . . . . . ♦‡♦
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